Alors que nous fêtons le centième anniversaire du rattachement de la Bessarabie à la Roumanie, nous rencontrons celui qui fut, de 2004 à 2014, président de la Roumanie, Traian Băsescu. Aujourd’hui sénateur et président du Parti mouvement populaire, il est également président d’honneur du Parti de l’unité nationale, un parti de droite moldave qui milite pour la réunification de la Roumanie et de la Moldavie. Principal artisan du traité d’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne en 2007, il a été le témoin privilégié des diverses crises qui ont, ces dernières années, marquées l’histoire des relations du pays avec le bloc européen.
Il nous reçoit à Bucarest dans son bureau, entouré des trois drapeaux de l’Union européenne, de la Roumanie et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord – symbole de l’axe Bucarest-Londres-Washington qui a caractérisé ses positions de politique étrangère –, et nous livre un récit inédit de la décennie qui s’est écoulée depuis l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne.
La Roumanie a célébré en 2017 les dix ans de son adhésion à l’Union européenne. Quel bilan tirez-vous de ces dix années ?
Ce furent des années difficiles, de transition. La transition n’est jamais facile. D’abord, comme conséquence de son adhésion à l’Union européenne, la Roumanie a embrassé l’économie de marché. Cela a impliqué l’ouverture totale de notre marché national et entraîné, pour l’économie roumaine, un coût considérable. Certes, le marché européen s’est en retour ouvert à la Roumanie mais, au lieu d’avoir bénéficié de la période de préparation prévue dans l’accord d’adhésion à l’Union signé en 1996, notre économie est brutalement entrée en collision avec l’économie européenne, beaucoup plus performante. Quelles en furent les conséquences ? Une hausse du chômage et la fermeture de certaines de nos entreprises, ce qui a par la suite servi d’arguments aux tenants d’un discours de courte vue, qui ont eut tôt fait de dire : « voyez ce que l’Europe nous apporte ». Des entreprises de renom, fleurons de notre industrie nationale – je pense notamment à l’usine de tracteurs de Braşov – n’ont pu faire face à la concurrence occidentale et ont dû mettre la clé sous la porte.
Cette période difficile est désormais derrière nous. Aujourd’hui, la Roumanie possède un marché compétitif, dont les volumes d’exportation sont sans comparaison aucune avec ceux d’hier. Je suis très optimiste quant à l’avenir : l’attraction de notre pays repose sur un énorme besoin d’investissement. Cette année, les exportations roumaines devraient représenter plus de 56 milliards d’euros – on parlait de 10 milliards de dollars en 1990. Une transformation considérable.
Comment la société roumaine a-t-elle réagi à cette période de transition ?
La société roumaine a elle aussi cherché à s’adapter à ces nouveaux paramètres – et d’abord à la libéralisation du marché du travail. Aujourd’hui, ce sont près de 4 millions de Roumains qui travaillent partout à travers l’Union européenne. Parce que nous avons soudainement perdu une main-d’œuvre très qualifiée (des médecins, des ingénieurs, qui ont rejoint la France ou le Royaume-Uni), ce fut un coup très dur pour notre économie nationale. En même temps, nous enregistrons en 2017 une croissance supérieure à 7 %. Grandeurs et vicissitudes de dix ans passés au sein de l’Union européenne.
Reconnaissons tout de même ce paradoxe : quand certains États-membres limitaient l’accès des Roumains à leur marché national, nous avions coutume de crier partout à la discrimination. Nous n’avons pourtant reçu que ce que nous avons demandé.
A ce paradoxe s’en ajoute peut-être un autre : malgré la crise de la main-d’œuvre que vous évoquiez, la société roumaine reste fermée à l’immigration.
Je n’irais pas si loin. La société roumaine est plutôt ouverte. Aujourd’hui nous importons massivement notre main-d’œuvre, surtout de pays asiatiques ou de pays voisins comme la Moldavie, pour laquelle nous avons aussi créé un statut spécial : chaque année nous offrons 5 000 bourses à de jeunes moldaves. Certains d’entre eux restent ici, d’autres partent vers l’Europe de l’Ouest.
Il y a cependant, c’est vrai, une certaine forme de réticence qui s’exprime du côté des citoyens au sujet de l’immigration – et d’ailleurs pas seulement du côté des citoyens. Moi-même, en tant que responsable politique, j’éprouve des réticences lorsque je regarde, en France, en Grande Bretagne et parfois même en Espagne, l’échec de l’intégration des populations issues de l’immigration postcoloniale. Le cas français, particulièrement, témoigne de l’insuccès des politiques publiques en matière d’intégration des populations musulmanes.
Or, en Roumanie, les équilibres relationnels entre minorités sont très importants. Les dix-sept minorités que compte notre pays cohabitent bien avec la population majoritaire, peut-être un peu moins avec les Roms mais nous avons par ailleurs très bien intégré les populations étrangères. C’est la raison pour laquelle je ne voudrais pas que la Roumanie cède face à ce qui serait une sorte de colonisation par des populations musulmanes. Non pas que l’accueil des migrants soit un problème, nous en accueillons et en accueilleront encore dans les années qui viennent : il s’agit de répondre de la meilleure manière au défi de la gestion des flux.
Ce processus d’adaptation de la population a-t-il produit un clivage dans la société ? Par exemple, peut-on considérer qu’il y a d’un côté une population rurale, cliente du parti social-démocrate, et de l’autre côté une population urbaine, pro-européenne et progressiste, engagée dans la lutte contre la corruption ?
Je ne dirais pas cela. La population rurale est le plus grand fournisseur de main-d’œuvre en Italie et en Espagne. Elle est moins qualifiée, c’est sûr. Les médecins et les informaticiens quittent les villes, les constructeurs et les agriculteurs, les campagnes. Mais je ne dirais pas qu’il y a un clivage, parce que chez nous les familles sont très liées. Si les parents habitent à la campagne, les enfants sont dans les villes. Il s’agit donc plutôt d’une évolution différentielle.
Et il n’y a pas eu d’investissements d’importance dans les zones rurales. Tous les investisseurs ciblent les villes et les centres universitaires. Il y a des décalages que nous devrons dépasser : la pauvreté dans le milieu rural est bien plus élevée, et c’est pour cela que les populations rurales font partie des réseaux clientélistes du parti social-démocrate, qui est prêt à accorder des aides sociales même à ceux qui ne travaillent pas. Une partie importante de la population rurale refuse d’ailleurs de travailler, précisément parce que les aides sociales satisfont leurs besoins minimaux.
Quel rapport a Roumanie a-t-elle aujourd’hui avec son passé communiste ? Alors qu’on se demande toujours ce qu’a été le moment décembre 1989, y-a-t-il encore des mentalités qui persistent ?
Oui, le grand problème reste celui de la mentalité. Dans tous les sondages qu’on regarde, quand on demande aux Roumains si c’était mieux sous le régime communiste, 30 % répondent oui. C’est la nostalgie de l’État-providence. 30 % de la population – pas seulement des personnes âgées, mais aussi ceux qui ont été éduqués dans des familles qui recevaient de l’aide sociale avant la révolution –, désirent que l’État leur donne encore une maison. Or, désormais, l’État crée les conditions pour acheter une maison. Donc, je dirais qu’en principe il y a des traces d’une éducation de type communiste, même maintenant, dix ans après l’entrée dans l’Union européenne.
D’un autre côté, on peut trouver des attitudes similaires en France ou en Italie. Si l’on parle de politique, j’ai bien peur que la France soit plus socialiste que la Roumanie, même quand la droite est au pouvoir. La Roumanie a éliminé les contrats de travail au niveau national. Est-ce que la France pourrait faire cela ? Il y a beaucoup d’interrogations sur ce qu’il se passe chez nous. Nous avons pourtant bel et bien libéralisé le marché du travail. En 2010, alors que j’étais président, en pleine crise économique, nous avons modifié la loi concernant les syndicats afin qu’ils ne puissent plus négocier au niveau des branches d’activité. Chaque syndicat doit désormais négocier avec le patron. Je dirais qu’en Roumanie on a effacé les traces d’une gouvernance communiste, tandis qu’à certains endroits en Occident, celles-ci ont plutôt été renforcées.
L’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN a été le principal objectif du pays après la chute du régime communiste. Mais, aujourd’hui, l’Union européenne est à la fois entourée et traversée par de multiples crises, et le partenariat transatlantique est affaibli par les récents développements politiques outre-Atlantique. Où le projet européen bloque-t-il ?
En ma qualité de signataire du Traité d’adhésion à l’Union européenne et de signataire, avec le président Obama, du Partenariat stratégique pour le XXIe siècle entre la Roumanie et les États-Unis, je suis peu surpris. Quand on a signé le Traité d’adhésion en avril 2005, on savait qu’on n’entrait pas dans une union parfaite, mais dans une organisation qui, un jour, devrait subir des transformations. Que voit-on aujourd’hui ? L’Union européenne est une organisation traversée par les échecs et les crises : crise de l’immigration, crise d’identité, crise de la politique extérieure. Même si on a une haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, quel État membre, avant de recevoir une visite officielle, appelle le chef de la diplomatie européenne pour coordonner les positions ?
Nous sommes également face à une crise de la défense, une crise sécuritaire. La frontière orientale crie : « Nous avons besoin des Américains parce que les Russes sont dangereux ! » Dans quelles conditions cette crise de confiance en nos propres capacités émerge-t-elle ? Si l’on regarde les chiffres, la Fédération de Russie investit 48 milliards de dollars par an dans la Défense. Or, la somme totale investie par les États membres de l’Union européenne atteint 227 milliards. C’est une différence énorme. Mais nous avons néanmoins besoin de l’aide américaine. C’est ridicule.
Pour les mêmes raisons que celles de la crise migratoire, nous connaissons aussi une crise de la zone Schengen, une crise d’identité. À cause d’un manque d’intégration. Le sentiment national prime sur le sentiment européen. On a encore du mal à comprendre que la seule chance de maîtriser le processus de mondialisation est l’intégration car, dans le cas contraire, nous finirons par être être écrasés. C’est seulement à travers l’intégration que l’Union européenne, aux côtés des États-Unis et de la Chine pourrait être aux commandes. Il faut donc comprendre qu’on ne compte pour rien, pris individuellement. Si l’on tarde, le manque d’intégration va nous coûter énormément. La solution des États-Unis d’Europe est une solution viable, même si, aujourd’hui, elle ne paraît plus crédible.
En matière de défense, quelles sont les opportunités que l’UE peut aujourd’hui saisir après la signature de la notification conjointe sur la coopération structurée permanente ?
Il y a des opportunités très importantes à saisir. Premièrement, l’Union européenne doit valoriser les ressources énormes qu’elle investit dans la défense. Même si Donald Trump a fait le tour de l’Europe pour nous dire que nos contributions n’étaient pas suffisantes, la somme globale dépensée par l’Union européenne est très importante. Pourquoi sommes-nous inefficaces ? Parce que nous ne mettons pas nos ressources en commun. Prenons l’exemple de la recherche militaire : la Roumanie ainsi que la France, la Grande-Bretagne et la République tchèque font de la recherche sur la construction d’un camion d’armes. En mettant nos ressources en commun, nous paierions 10 % de la somme que nous payons chacun de notre côté. C’est de nouveau un signe du manque d’intégration. Sans parler des avantages qui découleraient d’une armée commune : moins chère, plus facile à gérer, qui nous protégerait mieux.
Quelle serait la place de l’OTAN et du partenariat transatlantique dans un monde où l’Union disposerait d’une armée ?
Je suis pour la création d’une armée européenne, qui pourrait facilement décourager la Russie. Mais, sous aucune forme, je ne désirais que cette armée remplace l’OTAN. Elle doit être partie intégrante de l’OTAN. À mes yeux, s’isoler militairement des États-Unis est inconcevable. Nous avons besoin d’un partenariat UE-OTAN.
Plus largement, en ce qui concerne la relation transatlantique, je pense que l’erreur la plus grave de politique extérieure de l’Union européenne – et des États-Unis également, a été l’inachèvement de l’accord de libre-échange [Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, ou TAFTA, toujours en négociation, NdlR]. C’est une grave erreur. Idéalement, j’envisagerais un marché ouvert des États-Unis pour l’Union et réciproquement, sans beaucoup de limitations. On devrait trouver une formule, faire des compromis pour une unification des deux marchés
Pourquoi cette insistance sur le partenariat transatlantique ? N’est-elle pas précisément le signe du manque de confiance en nous-mêmes que vous évoquiez ?
La réalité géopolitique l’exige. On est en compétition avec un marché de 1,5 milliard d’individus : le marché chinois. Le marché européen, en comptant encore les Britanniques, cela représente 500 millions de personnes. Les États-Unis, 300 millions. Il est vrai que le pouvoir d’achat est bien plus important. Mais, la concurrence chinoise serait mieux gérée si l’on avait un accord de libre-échange entre les deux blocs.
Peut-on encore envisager un élargissement de l’UE ?
Dans les Balkans, oui. C’est l’un des objectifs de l’Union et il sera probablement atteint dans les quinze ou vingt années à venir. Mais je vous assure que personne, aucun politique n’envisage l’élargissement de l’Union vers l’Est, qui signifierait l’intégration de la Moldavie et de l’Ukraine. Nous avons des accords d’association et des accords commerciaux qui ont pour objectif la modernisation des institutions des deux pays. Mais, pour avoir siégé dix ans au Conseil européen, je vous assure que personne ne conçoit le jour où ces deux pays deviendront des États membres. Dans le même temps, personne ne peut négliger la présence de la Russie à l’Est de l’Union Quand l’Accord d’association a été signé en 2013, nous avons reçu un signal très fort : la Russie a tracé une lignes rouges, indiquant qu’elle ne céderait pas d’un pouce sur son cordon sanitaire. Qu’on approuve ou qu’on désapprouve la politique russe, c’est une réalité. Nous devrons trouver une formule pour que la Fédération de Russie soit en confiance avec une Union et une OTAN qui sont arrivées jusqu’au Prout, jusqu’à la frontière polonaise et au pays Baltes, et que, dans le même temps, l’Union et l’OTAN puissent faire confiance à un voisin parfois agressif, qui ne joue pas selon les mêmes règles.
Où se trouve la Turquie dans ce paysage ?
La Turquie, à cause des excès de la politique menée par le président Erdoğan, a ruiné elle-même ses chances de continuer les négociations avec l’Union, sans parler de la possibilité d’acquérir un jour le statut d’État membre.
Pour ma part, j’ai toujours milité pour le maintien la Turquie comme pays candidat à l’adhésion à l’Union. Mon argument était le suivant : que Dieu ait pitié de nous si la Turquie et Erdoğan, rejetés par les Européens, commencent à porter l’étendard de l’Islam et à rassembler autour d’eux les pays musulmans du Proche-Orient. Ce n’est pas une bonne perspective, ni pour la sécurité européenne, ni pour l’unité de l’OTAN. Donc, la Turquie délaissée pourrait devenir une menace, et surtout, un exportateur de l’Islam en Europe. Or, l’Europe elle est chrétienne, et elle doit le demeurer.
Gardez-vous l’espoir de rattacher la Moldavie à la Roumanie ?
Depuis l’annexion de la Crimée, la Transnistrie, donc la Moldavie n’a plus une importance stratégique capitale pour la Russie. La Crimée, qui offre de meilleures conditions, s’est transformée dans un vrai porte-avion, plein à ras-bord d’armement, de troupes et d’avions. Dès lors, je ne pense pas que le Kremlin soit contre une réunification du pays avec la Roumanie, en complet accord avec l’Article 1 des Traités d’Helsinki, à travers des négociations menées au Parlement et en conformité avec la volonté nationale. En outre, de ce point de vue, la doctrine du Kremlin va elle-même dans notre sens : lorsqu’en 2008 la Russie a envahi l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, elle a avancé l’argument qu’une minorité russe demandait sa protection. N’importe où dans le monde, la Russie intervient pour protéger sa diaspora. La doctrine devrait également être valable en sens inverse, dans le cas d’une réunification de la Moldavie et de la Roumanie.
À la suite du pacte Ribbentrop-Molotov [le pacte germano-soviétique, signé en 1939, NdlR], la Roumanie a perdu la Bessarabie jusqu’au Dniestr, mais pas au-delà. Ainsi, la Roumanie n’a jamais eu une frontière au-delà de Dniestr. La Transnistrie a été un territoire ukrainien. Dans la situation d’une réunification, à la table de négociations, la Roumanie, la Fédération Russe et l’Ukraine devront donc tomber d’accord sur le futur statut de la Transnistrie. Mais je ne parle pas des territoires qui font désormais partie de l’état ukrainien (la Bucovine du Nord, la Bessarabie du Sud et la Marmatie historique).
Aujourd’hui, certains États au sein de l’Union européenne prennent le contrepied de Bruxelles. Doit-on y voir le risque d’une formation de groupes aux intérêts divergents au sein de l’Union ?
Ce risque existe, mais laissez-moi souligner pourquoi cela serait une erreur. En Roumanie, bon nombre d’analystes politiques et de politiques regardent le Groupe de Višegrad avec envie. Pour ma part, pendant mes deux mandats présidentiels, j’ai toujours évité de nous en rapprocher, malgré des invitations répétées. Le groupe avait une raison d’être et une légitimité jusqu’au moment où les pays sont devenus membre de l’Union européenne. Mais ce qu’ils font maintenant est déplacé.
Il faut également noter qu’il y a des dissensions au sein même du groupe. Si la Pologne et la Hongrie sont devenus les porte-paroles des anti-Bruxellois, et s’ils se posent en modèles du non-respect de la lettre du Traité d’adhésion, les deux autres membres [République Tchèque et Slovaquie, NdlR] paraissent moins virulents, et ne participeraient, paraît-il, aux travaux du groupe, qu’au niveau des secrétaires d’État.
La création de tels groupes n’est pas une solution. Le Traité de Rome et le Traité de Lisbonne autorisent la création de multiples formes de collaboration sur différents projets. Ainsi, si la Roumanie et l’Allemagne veulent construire ensemble des transporteurs d’armes, très bien, cela reste un projet ouvert aux autres pays. Un autre exemple nous est donné par la coopération dans le domaine de l’énergie. Un projet pour connecter l’infrastructure gazière entre la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie et l’Autriche ? Très bien, et d’autres États peuvent rejoindre ce type de projet qui, bien que régional, contribue au développement de l’Union, à la sécurisation des routes d’approvisionnement et à la diversification de sources d’énergie. C’est donc un type de projet qui aidera l’Union européenne à grandir et à se développer. En revanche, si l’on constitue des groupes seulement pour accroître la polarisation au sein de l’UE, on ne va pas aller très loin.
Qu’est-ce qui ralentit l’adhésion de la Roumanie à la zone euro ?
En Roumanie le problème ne tient pas aux critères de convergence, que nous remplissions dès 2014, à la fin de mon mandat. Le problème est au niveau décisionnel, où l’on reste convaincu que l’entrée dans la zone euro aurait un impact considérable sur l’économie nationale. Ce n’est pas vrai. Les pays baltes y ont adhéré et rien ne s’est passé. L’économie roumaine exporte aujourd’hui à hauteur de 80 % vers le marché européen, on est donc une économie très performante, nous avons besoin des investissements étrangers. Il ne nous arrivera rien de mal si nous adoptons l’euro comme monnaie.
Mais nous faisons face aux intérêts des banques et au manque de volonté des hommes politiques qui n’arrivent pas à comprendre qu’en dehors de la zone euro, on est en dehors de la zone de décision. À Bruxelles, on discute aujourd’hui de l’adoption d’un budget européen, et c’est normal. Mais personne n’attendra les décisions de Bucarest ou de Varsovie pour prendre les siennes.
Quelles perspectives voyez-vous pour l’Union européenne dans les années à venir ?
Je pense que les revendications régionalistes représentent un danger pour l’unité européenne. Nous avons aussi les nôtres en Roumanie. Ce qui m’inquiète, c’est que cette tendance régionaliste, qui comporte aussi une tendance nationaliste, est encouragée par la politique de Bruxelles, à travers des financements adressés directement aux régions. Je pense que c’est à Bruxelles qu’on devrait réfléchir à ce risque de fragmentation et à ses conséquences potentielles pour l’Union. Il ne s’agit pas que de l’Espagne, mais d’un nombre important de pays européens, dont l’Italie.
Si nous voulons avoir des perspectives en tant qu’Union, nous devons accélérer le processus d’intégration, dans tous les domaines, fiscalité comprise. Bien sûr, il y a des étapes à parcourir, mais une Union où les états ne sont pas intégrés, où l’on fait sans cesse la louange de l’ethos national, sera à l’avenir inconcevable, parce que nous ne serions pas en mesure de faire face au processus de globalisation. Donc, les États-Unis d’Europe si l’on veut avoir des perspectives d’avenir.