29

avril 2025

De 19:30 à 20:30

École normale supérieure

45 rue d'Ulm - 75005 Paris

Langue

FR

Numérique

Quel futur pour l’intelligence artificielle européenne ? 

Michel Bisson
Michel Bisson
Clara Chappaz
Clara Chappaz
Martin Tisné
Martin Tisné
Gilles Gressani
Gilles Gressani

Mardi du Grand Continent du 29 avril 2025 avec Michel Bisson, Clara Chappaz et Martin Tisné, modéré par Gilles Gressani.

Citations à retenir

Clara Chappaz
L’IA est donc un sujet éminemment politique. Comme toute technologie, il s’agit d’un outil, et c'est notre responsabilité de décider dans quelle direction on souhaite l'emmener.
Clara Chappaz Ministre déléguée chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique
Martin Tisné
Nous sommes actuellement à un moment crucial, où nous avons une fenêtre d'opportunité par rapport à l'IA, parce que les business models ne sont pas encore ancrés. J’ai peur que nous rations cette occasion. J’ai peur, et en même temps, je suis très optimiste.
Martin Tisné CEO, AI Collaborative
Michel Bisson
Faire face à l’IA demande de la méthode. L'IA est à la fois une formidable opportunité et un formidable risque à la fois. Mon rôle à cette table sera d'ancrer ce constat dans mes réalités quotidiennes — dont le phénomène Waze.
Michel Bisson Maire de Lieusaint

Ce mardi du Grand Continent se propose d’« entrer dans le dur » du volume L’Empire de l’ombre, Guerre et terre au temps de l’IA, en abordant un enjeu qui apparaît dès le sous-titre et structure une grande partie de l’ouvrage : la transformation digitale.

Pour discuter de cette question, nous accueillons Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique ; Martin Tisné, président directeur général d’AI Collaborative ; et Michel Bisson, maire de Lieusaint et président de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud — qui a inspiré l’un des personnages de fiction les plus intéressant qu’on ait lu récemment, jouant un rôle central dans le magnifique dernier chapitre de L’heure des prédateurs de Giuliano da Empoli.

Michel Bisson

Michel Bisson

Mais ce n’est qu’un petit rôle !

En effet, il ne fait pas partie des prédateurs les plus féroces de cet ouvrage — en tout cas, c’est ce qu’on verra à la fin de ce débat … 

Le volume L’Empire de l’ombre est traversé par une tension très forte : au début de l’ouvrage, Marietje Schaake, députée et aujourd’hui chercheuse aux États-Unis, décrit ce qu’elle définit comme « Le coup d’État permanent de la Silicon Valley » ; tandis qu’au milieu du volume, on retrouve des positions techno-optimistes, notamment incarnées par un des grands investisseurs de la partie « sombre » de la Silicon Valley, Marc Andreessen, qui écrit un « Manifeste du mouvement techno-optimiste ».  

D’une part, nous sommes face à une vision précise du futur — on sait en lisant Peter Thiel que ceux qui ont une vision précise du futur gagnent toujours contre ceux qui n’en ont pas — qui peut paraître par certains côtés séduisante et par d’autres très inquiétante, notamment quand on voit le déploiement de la politique menée au sein de la Maison-Blanche aujourd’hui. D’autre part, on trouve une analyse d’une possible « translatio imperii » du politique vers le digital. Comment vous positionnez-vous  aujourd’hui, Clara Chappaz, en tant que ministre déléguée française du numérique ?

Clara Chappaz

Clara Chappaz

Je souhaite avant tout dire que je suis très heureuse d’être entre ces murs, qui comptent beaucoup de gens très sachants sur l’intelligence artificielle, et de pouvoir vous donner un éclairage plus politique sur la question. Je tiens également à souligner le travail formidable du Grand Continent : dans ce monde où l’on consomme de l’information en instantané, principalement sur les réseaux sociaux, l’émergence d’une telle revue est extrêmement bénéfique.

Cette tension, très justement décrite dans l’ouvrage, est ce à quoi je fais face au quotidien. 

J’ai dans mon portefeuille une technologie qui est source d’un progrès formidable dans toutes les disciplines : l’IA. Des chercheurs à Bourg-en-Bresse me montraient il y a quelques semaines comment ils accélèrent la découverte d’une embolie pulmonaire ; un agriculteur dans les Ardennes optimise les intrants grâce à l’IA afin de diminuer leur usage et de mieux récolter ; des agents publics à la Direction des finances publiques utilisent de l’IA pour mieux contrôler les fraudes et passer moins de temps à naviguer dans les dossiers. Je côtoie de tels exemples tous les jours. 

Dans le même temps, je suis confrontée à une autre réalité de l’intelligence artificielle : sept Français sur dix ont des craintes vis-à-vis de cette technologie.

Je sens ces craintes très directement, notamment lorsqu’on organise, grâce à l’appui du CNNum et des conseillers numériques — 3 000 personnes qui font de la médiation numérique partout sur le territoire — des discussions portant sur les enjeux numériques. Nous organisons ensemble les « cafés IA », qui sont un espace de dialogue pour parler d’intelligence artificielle et écouter des retours de terrain — ce qui est très important quand on est politique. C’est d’autant plus important pour moi que je ne suis pas une femme politique au départ : j’ai travaillé dix ans dans le monde privé, et je me suis engagée dans ce gouvernement afin de faire avancer les enjeux du numérique.

Les Français et Françaises que je rencontre toutes les semaines dans ces événements expriment leur peur face à l’IA. Je crois qu’il ne faut pas perdre de vue cette réalité — quand parfois, au sein des institutions, on peut être très enthousiaste, voire techno-solutionniste. 

Ils nous disent qu’ils ont peur que leur métier disparaisse, que l’IA leur mente et partage de fausses informations, qu’ils perdent le contrôle sur leurs données… Ils se méfient beaucoup de la puissance de l’intelligence artificielle. On voit bien la tension entre une partie très positive du progrès et une autre plus sombre. 

L’IA est donc un sujet éminemment politique. Comme toute technologie, il s’agit d’un outil, et c’est notre responsabilité de décider dans quelle direction on souhaite l’emmener.

En France, on a décidé de se doter d’un ministère de l’IA — de la même façon qu’on a eu un ministère des Postes, puis des Télécommunications, puis du Numérique — face à cette technologie qui est aussi puissante dans son potentiel que la machine à vapeur, que l’électricité, ou qu’Internet en leur temps. Cela nous permet de répondre avec précision à la manière dont on veut orienter cette technologie. 

On ne souhaite pas un techno-solutionnisme débordant, à la manière de Peter Thiel ou du manifeste de Marc Andreessen. La vision européenne est différente — si vous aviez des doutes sur ce point, l’actualité géopolitique récente nous montre que la vision européenne est singulière, alors qu’on la pensait très partagée. 

Protéger la vision européenne à travers l’utilisation de l’IA est donc une priorité. Cependant, on souhaite s’écarter d’une technophobie qui nous empêcherait d’avancer.

Voilà pourquoi il y a un ministère de l’IA aujourd’hui. Nous essayons de réconcilier deux mondes autour de nos valeurs européennes. 

Martin Tisné, vous avez été au cœur de la machine de la construction de l’IA et vous connaissez de l’intérieur les enjeux scientifiques, mais aussi politiques, de gouvernance de l’intelligence artificielle. De quoi avez-vous peur aujourd’hui quand vous pensez à l’IA ?

Martin Tisné

Martin Tisné

J’ai peur de répéter les erreurs qu’on a faites par le passé avec les médias sociaux. 

Nous sommes actuellement à un moment crucial, où nous avons une fenêtre d’opportunité par rapport à l’IA, parce que les business models ne sont pas encore ancrés. J’ai peur que nous rations cette occasion. J’ai peur, et en même temps, je suis très optimiste. 

En 2025, nous avons cette chance énorme d’être face à une « nouvelle » technologie : la technologie existait déjà, mais a vraiment éclaté publiquement en novembre 2022 avec ChatGPT. L’IA a explosé, sans qu’on sache vraiment comment la commercialiser. 

Quand en 2010-2011, il y avait eu l’essor de Facebook et de différents médias sociaux, on était optimiste parce qu’on avait cru en voir l’impact après le printemps arabe. Mais on ne savait pas ce qui allait se dérouler. 

Aujourd’hui, face à l’IA, c’est comme si on savait déjà quels seraient les impacts de Facebook — par exemple sur la tragédie au Myanmar. En 2010-2011, il n’y avait pas encore de business model pour les médias sociaux. À partir du moment où Facebook est devenu public, vers 2013-2014, on s’est ancré dans un business model de l’« économie de l’attention ». À partir de ce moment-là, je pense que tout a changé. 

Je suis très d’accord avec Marietje Schaake sur beaucoup de points. Je suis aussi de l’école de Shoshana Zuboff, qui a écrit en 2018 L’âge du capitalisme de surveillance, dans lequel elle explique que les utilisateurs ne sont pas le produit, mais sont les sources d’approvisionnement en matières premières. 

Aujourd’hui, on a l’opportunité de faire différemment, en mettant en œuvre la régulation, mais aussi en bâtissant des business model différents, qui ne sont pas nécessairement aussi voraces en données personnelles — sans ce côté « dangereusement indolore », dont parle Marietje Schaake. 

Marietje Schaake parle également du décalage entre l’expérience individuelle et les conséquences à grande échelle, notamment sur la démocratie, de ces différentes technologies. Il est très intéressant d’analyser cet aspect « indolore » : on est spontanément d’accord pour partager nos données personnelles. 

On est beaucoup plus touchés par les données des autres que par nos propres données. Or si je suis davantage touché par les données des autres plutôt que par les miennes, pourquoi est-ce que je réfléchirais de manière différente à partager mes propres données ? Or, tout notre arsenal de régulations, y compris le RGPD, est fondé sur la perspective individuelle (est-ce que je veux donner mes propres données ?) et non sur la perspective des données collectives. Nous avons aussi une opportunité d’y réfléchir différemment aujourd’hui, en régulation, et de la manière dont on bâtit l’IA.

Michel Bisson, Madame la ministre parlait de « perte de contrôle ». C’est quelque chose que vous avez vécu d’une manière très personnelle et politique. Pourriez-vous nous faire partager cette expérience, et peut-être montrer comment cette perte de contrôle n’est pas aussi définitive, et demande plutôt que la lutte continue ?

Michel Bisson

Michel Bisson

Faire face à l’IA demande de la méthode. L’IA est à la fois une formidable opportunité et un formidable risque à la fois. Mon rôle à cette table sera d’ancrer ce constat dans mes réalités quotidiennes — dont le phénomène Waze en est une. 

J’ai la grande chance d’être le maire d’une commune de 14 000 habitants, bordée par une route qu’on appelle la Francilienne. Il arrive tous les matins à cette route d’être chargée, donc de générer des bouchons. Comme Lieusaint se situe aux confins d’une zone d’étranglement, Waze propose aux automobilistes de sortir de la Francilienne, pour la rejoindre cinq ou six kilomètres plus loin, afin de ne pas rester immobilisés — mais en traversant des zones résidentielles. On peut le comprendre : en voiture, gagner six minutes tous les matins, c’est beaucoup. 

Les automobilistes traversent donc des zones résidentielles, entre 8h et 9h le matin. C’est l’heure à laquelle les parents emmènent leurs enfants à l’école maternelle et à l’école primaire, situées à proximité, où les collégiens traversent la route pour pouvoir rejoindre leur professeur. Des familles souhaitent sortir de leur pavillon et cela devient très compliqué puisque la route est totalement bouchée. Certaines familles se plaignent d’une pollution qui n’existait pas auparavant. Des bus prennent cinq minutes de retard, et par conséquent, les usagers ratent leur train et sont en retard à leur travail…

En bref, l’itinéraire alternatif suggéré par Waze crée un certain nombre de nuisances qui polluent la vie de tout un quartier.

Comment vous êtes-vous rendu compte que c’était effectivement Waze qui avait provoqué cette situation ?

Michel Bisson

Michel Bisson

On l’a d’abord testé et on a demandé à certains automobilistes — et on savait que dans les outils GPS qu’on utilise aujourd’hui, Waze est le plus utilisé. Waze nous l’a ensuite confirmé lorsque j’ai eu le plaisir de les rencontrer. 

Nous avons ensuite organisé plusieurs réunions publiques de manière à trouver des solutions. 

Les solutions les plus simples étaient celles qui sont à notre main, à savoir refaire le plan de circulation, en établissant des sens interdits par exemple. On a mis en place un feu de régulation qui arrête la circulation pendant deux minutes — à un endroit où seuls des lapins traversent, ce qui donne une situation assez étrange — de manière à laisser des temps de respiration, pour que les enfants puissent traverser, les bus puissent passer et les personnes sortir de chez elles. 

Mais cela n’a absolument pas permis de régler la question. Alors nous sommes allés un peu plus loin et nous nous sommes intéressés au fonctionnement de Waze.

Waze utilise des cartes, faites par des cartographes indépendants, dans tous les pays — c’est un peu le Wikipédia de la cartographie. Ce sont des gens admirables et passionnés. On les a rencontrés pour vérifier que les classements des voiries tels qu’ils les proposent (de 1 à 7, 1 étant l’autoroute, 7 étant la voie vicinale) étaient les bons. On cherchait à orienter les voitures sur des routes de flux, c’est-à-dire sur des routes départementales plutôt que sur des rues communales. Les cartographes ont fait ce qu’ils pouvaient, mais sans aller au-delà de leur propre intégrité, ce qu’on peut tout à fait comprendre. 

Cela a permis de régler environ 3-4 % du sujet, mais guère plus. Nous avons donc cherché à entrer en contact avec Waze, qui sont évidemment difficiles à atteindre parce qu’il n’existe pas vraiment de « bureau Waze ». 

D’ailleurs à quoi ressemble Waze ? Où sont les bureaux ?

Michel Bisson

Michel Bisson

Nous avons fini par trouver des bureaux aux Pays-Bas. Deux directeurs de Waze sont venus, à deux reprises — ce qui est déjà beaucoup — avec la politesse de nous écouter. Cela nous a permis de leur expliquer la situation, et à eux, de nous expliquer ensuite les limites qui étaient les leurs. 

Nous leur avons tout simplement proposé de rajouter dans leur logiciel une dimension citoyenne. En effet, Waze est un logiciel extrêmement pratique. Je l’utilise moi-même assez régulièrement — je l’ai d’ailleurs utilisé pour venir ici. Je ne suis donc pas un « maire anti Waze », même si on m’a déjà qualifié ainsi. 

Waze est évidemment porté par une finalité a minima économique — voire un peu davantage, avec la tendance qu’a l’application à nous faire passer tout près de restaurants qu’on aime plutôt bien… L’enjeu pour moi était donc de leur faire comprendre qu’il fallait qu’ils intègrent une finalité citoyenne. Cela signifie d’éviter de passer dans des rues trop résidentielles, et d’éviter systématiquement de passer à côté de sites où il y a des personnes âgées (un EHPAD, un hôpital) ou jeunes (une crèche, une école maternelle, un collège), à savoir des lieux où cela peut potentiellement devenir très accidentogène.

J’ai eu un succès d’estime, parce que mon interlocuteur m’a dit qu’il allait rapporter cette proposition, les ingénieurs logiciels étant — à cette époque-là en tout cas — en Israël. 

Peut-être l’a-t-il fait, peut-être que non. Je n’en sais rien. Mais cela n’a pas eu d’effet important. 

> L’enjeu pour moi était de faire comprendre à Waze qu’il fallait qu’ils intègrent une finalité citoyenne.

L’effet important est venu à l’occasion du Covid. Pendant quelques mois, le Covid a remis le quartier totalement au calme, puis a ensuite accéléré le télétravail. Il y a ainsi au moins deux jours, le mercredi et le vendredi, où les nuisances sont moindres qu’elles ne l’étaient précédemment. Mais le mardi, le jeudi et le lundi, la situation est quasi équivalente — on a peut-être baissé d’une vingtaine de pourcents ce que l’on a connu dans les pires années. 

Chez Waze, j’avais donc en face de moi quelqu’un de très poli, très correct et qui était vraiment à l’écoute. Mais je sentais bien qu’il n’avait pas énormément de leviers, même s’il était quelque chose comme le directeur Europe de Waze.

C’est absolument fascinant. Vous êtes en train de dire qu’il y a aujourd’hui deux cartes sur le même territoire : une carte, que l’on connaît, établie par la République française, qui décide comment s’organise administrativement le territoire ; et une autre carte, qui se superpose à la première, et parfois même peut la casser.

Clara Chappaz, vous qui êtes plutôt du côté de la carte « République française » que de l’autre : comment établit-on un rapport de force dans cette situation ? Comment répondre à cette situation déséquilibrée de deux cartes qui se superposent, mais dont l’une semble avoir beaucoup de mal à peser sur l’autre — alors que dans l’autre sens, la question ne se pose même pas ?

Clara Chappaz

Clara Chappaz

Michel Bisson, est-ce que depuis la parution du livre de Giuliano da Empoli, vous avez eu des réponses ? J’étais très curieuse de vous poser cette question.

Michel Bisson

Michel Bisson

C’est ma semaine de gloire ! J’étais chez Quotidien hier soir, et aujourd’hui je suis dans un lieu magique avec des gens tout autant magiques. J’espère que cela va continuer encore très longtemps — je plaisante. Mais je n’ai pas été contacté par Waze.

Est-ce qu’il n’y a pas d’émissions en France — en Italie, c’est très fréquent — dans lesquelles vous avez des problèmes de voisinage, et quand la caméra arrive, tous les problèmes sont résolus ? 

Michel Bisson

Michel Bisson

L’affaire a d’abord été pointée par une chaîne de télévision, et ensuite, toutes les autres chaînes sont venues. Il y a donc eu une forte couverture médiatique à ce moment-là, mais qui n’a pas eu de véritable effet. C’est le cas notamment parce qu’on n’est pas la seule commune touchée par ce phénomène, qui est d’ampleur nationale.

Clara Chappaz

Clara Chappaz

Je trouve que cet exemple est extrêmement parlant de ce que Giuliano da Empoli a appelé les « prédateurs ». Quand on lit cette partie du livre, on imagine très bien — j’ai grandi dans un village de 700 habitants — ce que pouvaient ressentir les personnes de votre ville avec cette deuxième carte technologique qui a imposé une circulation non citoyenne. 

Il y a un autre passage très intéressant dans L’heure des prédateurs, où da Empoli parle des politiques presque impuissants face à cette technologie qui se développe si vite et qui en sont réduits à les inviter dans les salons dorés de leur ministère… 

Mais il n’y a pas de salons dorés à Bercy !

Clara Chappaz

Clara Chappaz

Oui, c’est exactement ce que j’allais dire. Effectivement, je pense que les politiques peuvent être dépassés par l’évolution très rapide de la technologie. On en paye un certain nombre de frais. Vous avez parlé de Waze mais on aurait pû parler du Cloud  : 80 % des dépenses de Cloud aujourd’hui vont vers des acteurs non-européens.

Il suffit de se rappeler, pour ceux d’entre vous qui travaillent sur des outils logiciels, de la panne massive qu’avait eu un prestataire de Microsoft il y a un an — et de la situation complètement ubuesque que cela avait créée. L’exemple de Waze permet également de se rendre compte des dépendances et du pouvoir de ces technologies.

Pour autant, je ne pense pas que les politiques soient impuissants, bien au contraire. La réponse peut se faire en trois temps.

La première réponse est la prise de conscience. Le moment géopolitique aide à accélérer ce que le président de la République porte depuis 2017, « l’autonomie stratégique », au sein de laquelle la souveraineté numérique est essentielle. 

On peut en faire l’expérience ensemble. Si l’on cherche sur internet la commune de Lieusaint, on va utiliser notre téléphone portable qui a priori n’est pas européen, puis aller sur un moteur de recherche qui n’est pas européen, pour tomber sur une fiche Wikipedia qui n’est pas non plus un acteur européen … et on peut continuer comme cela très longtemps pour se rendre compte d’à quel point l’Europe est ce qu’on qualifie parfois de « colonie numérique ».

Dans un deuxième temps, il s’agit de poser des règles. En Europe, nous avons eu des objectifs très clairs, dont le premier a été de défendre la concurrence. Nous pensons que les positions de dépendance qu’on a décrites — s’agissant de la ville de Lieusaint, du Cloud, etc — découlent de la position dominante de certains acteurs. Nous cherchons à casser cette position dominante, avec des régulations comme le Digital Market Act. Cela semble technocratique, mais établit quelque chose de très simple : nous croyons que la concurrence permet l’innovation. 

D’ailleurs, Apple et Méta ont été condamnés à des amendes la semaine dernière pour cette raison. Sur l’App Store, le magasin d’applications, Apple a dû indiquer qu’il y a d’autres manières de télécharger les applications, sur lesquelles ils ne se rémunèrent pas 30 %. Il s’agit bien de réintroduire de la concurrence. 

Pour autant, ce n’est pas le fait de mettre des amendes qui nous intéresse. Certes, il est très important, surtout dans la période actuelle, qu’on fasse respecter nos règles, mais ce n’est pas notre premier objectif. 

Ce qui doit davantage nous intéresser, et c’est mon troisième point : c’est l’innovation. Martin Tisné parlait des réseaux sociaux : on ne serait pas dans la situation actuelle si on avait des alternatives plus puissantes pour équilibrer ce rapport de force. Sur ce point, nous sommes à un moment de bascule extrêmement intéressant : en IA, la course est très rapide, mais nous sommes dans la course. Toutes les décisions que nous prenons maintenant — sans vouloir ajouter de la lourdeur au moment actuel — auront donc un impact sur le futur.

Les pouvoirs publics ont bien sûr leur responsabilité dans le soutien de l’innovation. Depuis 2018 et la toute première stratégie nationale de l’IA, qui s’était appuyée sur le très bon rapport de Cédric Villani, nous avons investi dans notre recherche et nous continuerons à le faire. Les talents en intelligence artificielle dont on dispose dans notre pays sont la raison majeure pour laquelle on a une chance dans la course de l’IA aujourd’hui. 

Le deuxième enjeu est celui des infrastructures. Il s’agit de donner accès à des infrastructures de calcul, tel que Jean Zay, un calculateur public qui permet à nos chercheurs d’avoir accès à des capacités de calcul pour développer notre IA. 

Le troisième objectif est d’« essaimer », c’est-à-dire de permettre à des entreprises de se lancer, pour mettre cette technologie dans les mains des consommateurs. Il y a d’ailleurs plusieurs entreprises qui viennent de l’ENS comme Mistral AI et Arthur Mensch, ou Dataiku.

Il faut enfin soutenir l’adoption de l’IA française ou européenne. Sur ce point, nous avons un rôle collectif à jouer. 

J’en ai beaucoup parlé, notamment avec la presse au moment du sommet pour l’action sur l’IA : quand on est un journaliste et qu’on parle d’intelligence artificielle en faisant référence à ChatGPT, quand est une école ou une entreprise et qu’on annonce en grande pompe un partenariat avec Open AI … cela a des conséquences directes sur le déséquilibre de la situation. 

Est-ce que vous pensez sincèrement que l’une des meilleures écoles de commerce américaines ferait un communiqué de presse pour dire : « J’ai fait un partenariat avec Mistral AI » ? Est-ce que vous pensez sincèrement qu’à la radio le matin, aux États-Unis ou en Chine, on dit « L’IA permet de faire tout cela, et il vous suffit d’ouvrir Mistral Le Chat pour vous en rendre compte » ? 

On reproduit les erreurs du passé — qu’on a faites beaucoup sur le Cloud, sur les infrastructures, sur le logiciel, sur les réseaux sociaux — parce qu’on ne prend pas conscience que ce qui se joue maintenant, c’est la création d’une dépendance future dont on aura beaucoup de mal à se défaire.

Je pense qu’on peut tous être acteurs et favoriser les offres européennes. Ce n’est pas un grand effort, parce qu’on dispose de solutions qui sont aussi performantes. J’entends que, sur certaines technologies, on a peut-être pris du retard — l’État accompagne notamment le Cloud, avec des appels à projets — mais sur l’IA, nous avons des solutions performantes. Quand France Travail décide de travailler avec Mistral AI, ils ne le font ni pour me faire plaisir, ni par patriotisme. Ils le font parce que Mistral AI est la meilleure solution du marché pour répondre à leurs besoins. 

Notre action doit donc être triple, mais elle doit aussi embarquer collectivement chacun. Aujourd’hui, nous avons le choix soit de reproduire les erreurs du passé et de se retrouver dans des situations de dépendance, soit de soutenir un projet d’innovation européenne.

C’est de cette manière, en ayant nos propres entreprises, qu’on pourra rééquilibrer la course des pouvoirs et qu’on pourra affirmer nos valeurs — et l’IA est peut-être la technologie qui porte en elle le plus de valeurs. C’est un peu ce que l’on essaye de faire au sein du ministère, mais je vous invite à y réfléchir.

Revenons à la question précédente : Martin Tisné, comment rejoue-t-on le rapport de force entre le politique et la technologie numérique ?

Martin Tisné

Martin Tisné

Je vais donner deux réponses : une réponse très locale et une réponse plus macro.

Au niveau local, pour rebondir sur ce que disait Michel Bisson, la question des finalités économiques et citoyennes est absolument essentielle. Cela constitue le centre du problème. 

Je reviens rapidement sur les médias sociaux. Au moment de leur essor, on a mis en avant les « finalités économiques » — mais cela n’a pas de véritable signification. Au final, un business model a émergé sans qu’il y ait eu de vraie réflexion derrière. Au début des années 2010, face au développement de cette technologie extraordinaire, on ne s’est pas posé la question : comment est-ce que nos sociétés vont l’utiliser ? 

Aujourd’hui, il s’agit de comprendre comment l’IA pourrait être utilisée. Après l’élection de Trump et le Brexit en 2016, au niveau académique, certains ont commencé à faire des études socio-techniques pour comprendre l’impact de ces technologies sur la société et sur la démocratie. Nous devons poursuivre dans cette voie.  

L’exemple de Waze dans la commune de Michel Bisson est génial, parce qu’il touche directement au contact avec les citoyens. Quant à moi, en tant qu’investisseur non-profit, j’aimerais savoir comment élargir cette situation à une échelle beaucoup plus importante. Il faut qu’on puisse comprendre quels sont les impacts des technologies sur les gens, pour comprendre quelles « finalités citoyennes » on souhaite mettre en œuvre.

En Grande-Bretagne, où j’habite, pas une seule personne n’est capable de me dire quel est l’impact de l’IA sur les maisons de retraite en Grande-Bretagne. Il faut qu’on se concentre bien davantage sur les questions d’impact sociétal. 

L’exemple de Waze me fait penser à celui d’Uber, sur lequel beaucoup de travail a été fait, et dont Daron Acemoğlu parle dans son essai. La question est la suivante : comment faire pour avoir des capacités collectives afin de comprendre l’impact de l’IA sur les travailleurs, et comment leur permettre d’établir ensuite un rapport de force différent ? 

Nous avons travaillé, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, avec différents chauffeurs Uber, et nous avons compris que les chauffeurs eux-mêmes avaient très peu d’informations sur leur travail. Uber peut décider qu’ils vont travailler moins de six ou sept heures par jour, pour ne pas être reconnu en tant qu’employé, mais le contraire peut aussi être vrai. Très souvent, comme cela s’est passé aux Pays-Bas, Uber peut décider que si un chauffeur fait une pause pour le déjeuner, il va être pénalisé, et en conséquence, moins à même d’avoir des clients — mais eux ne le savent pas du tout. 

Nous avons donc bâti un processus de décision et de syndicats collectifs un peu informels, pour que les chauffeurs puissent avoir un recours par la loi. Nous avons ensuite proposé des solutions sur le plan de la régulation, poussant à aller vers plus de concurrence afin que l’on sache ce qui se passe derrière les applications. Nous avons donc l’exemple d’Uber, qui illustre l’importance du versant syndical, l’exemple de Waze, qui montre l’action d’une commune, mais il en faut beaucoup plus.

Sur la question des rapports de force au niveau plus macro, je suis — peut-être bizarrement — très optimiste, quant à la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui en Europe. 

On en parle depuis au moins un an : le positionnement européen sur l’intelligence artificielle est celui de vouloir des solutions ouvertes plutôt que fermées. Mistral AI est par exemple un modèle ouvert. Ce 20 janvier, il y a eu un événement gigantesque et très positif dans le monde de l’IA, avec DeepSeek venant de la Chine, où un LLM ouvert était plus ou moins aussi efficace que les modèles fermés, et vraiment à moindre coût. 

Au niveau européen, alors qu’on se trouvait pris en tenaille, on est aujourd’hui face à une opportunité gigantesque. 

Nous sommes entre la Chine, qui doit ouvrir ses modèles pour des raisons économiques et à cause des restrictions sur les chips qui viennent des États-Unis ; et les États-Unis, qui sont en train de se fermer de plus en plus par rapport à la science. Nous avons donc l’opportunité en Europe d’être ouverts à la science et à ces nouveaux modèles, tout en ayant cette approche européenne et en se focalisant sur les finalités citoyennes. 

Je pense qu’on peut le faire de trois manières différentes. Premièrement, il s’agit d’innover beaucoup plus dans le domaine de la donnée : comment utiliser les données collectives, tout en respectant la vie privée ? Alors qu’on a énormément d’innovation dans le domaine de la puissance de calcul dans l’IA, il y en a très peu sur les données. 

Deuxièmement, nous devons investir dans et promouvoir l’IA ouverte. C’est quand même une tragédie qu’Open AI s’appelle « open », alors qu’elle est au contraire complètement fermée… 

Troisièmement, nous devons développer les mécanismes de « feedbacks loops » ou « accountability ». Il s’agit de comprendre quel est l’impact de ces technologies dans la société — et je pense que c’est une dimension politique essentielle. Comment peut-on analyser les impacts à une échelle élargie — pas simplement d’une commune, comme Lieusaint qui est un exemple génial —, et ce de manière régulière ?

Michel Bisson, comment peut-on continuer la lutte ?

Michel Bisson

Michel Bisson

Avec du politique et avec de la méthode. Je peux m’exprimer par rapport à ce que je vis dans ma commune : Waze, les data centers, le e-sport, et les datas. Il faut une approche intelligente, ou « intelligent approach » – IA… (rires).  

J’ai cinq indispensables, comme les cinq fantastiques, qui composent les lettres de l’adjectif « utile ».

Le « U », pour « utilité ». Nous avons besoin d’être du côté de la création de valeur et pas de l’extraction de valeur — c’est-à-dire de dépasser le sujet de la réglementation et de l’innovation. L’extraction de valeur, c’est par exemple Facebook qui récupère des données pour les commercialiser. Au contraire, nous avons besoin d’IA qui crée de la valeur, notamment en travaillant sur l’éducation ou sur la santé, des sujets sur lesquels on attend beaucoup.

À l’échelle territoriale, on s’interroge sur les datas dont on a besoin. Nous avons par exemple 9 quartiers en rénovation urbaine, pour lesquels nous avons besoin de très nombreuses données afin de comprendre quelles sont les politiques publiques qu’il faudrait mener. On se rend compte que la course à la data ne nous donne pas les réponses : une fois qu’on a suffisamment de données, c’est par la médiation, par la présence, par l’humain, par la culture, qu’on va chercher les choses. Il ne faut donc pas courir après la data et il faut chercher l’utilité.

Le « T », pour « transparence ». Je le vois sur Waze : je ne sais pas quelles données, ni quel algorithme ou système de pensée l’application utilise. Nous avons besoin d’utiliser des outils transparents, afin de comprendre pourquoi la conclusion à la question qu’on a posée est celle-ci. Cela me paraît absolument fondamental. 

S’agissant de Waze, au-delà de la dimension citoyenne qu’ils pourraient intégrer, je pense qu’on pourrait — même si c’est une entreprise évidemment internationale — trouver une manière d’en faire une filiale nationale. Cela pourrait devenir, au moins dans un premier temps, une entreprise « à mission », c’est-à-dire une entreprise ayant une finalité économique mais aussi une finalité sociale et environnementale.

Le « I », pour « innovation » — je n’en dis pas plus, vous l’avez très bien dit Martin Tisné — mais aussi pour « impact » et « impact sur l’emploi ». Cela me paraît essentiel. Pour simplifier, l’IA peut avoir deux types d’impacts très différents : un cas dans lequel l’IA automatise un emploi, donc nous prive d’un emploi d’une certaine manière ; l’autre cas, où l’IA accompagne un emploi dans les activités quotidiennes. 

Je crois qu’on a besoin de privilégier une IA qui accompagne des êtres humains, des hommes et des femmes qui ont un emploi, plutôt que de les remplacer. J’ai un exemple sur cette question : à l’échelle de l’agglomération, nous traitons les déchets ménagers — c’est d’ailleurs un travail passionnant. On s’est intéressé à l’IA et on a mis, sur un certain nombre de bennes à ordures, des capteurs qui permettent, à partir d’un logiciel d’intelligence artificielle, de nous dire combien il y a de produits en carton ou de bouteilles qui ne devraient pas être dans les déchets tout venant. Cela nous permet de mieux appréhender la manière dont nos habitants gèrent aujourd’hui les déchets.

Le « L », pour « littératie numérique ». On utilise beaucoup ce terme quant à la littératie sportive et la littératie alimentaire, mais cela marche aussi pour la littératie numérique. Il s’agit de la capacité à comprendre ce que l’on utilise. 

Sur ce point, j’ai l’exemple du e-sport — dans lequel l’intelligence artificielle entre en compte. Aujourd’hui, 70 % des Français jouent au e-sport ou au gaming, et c’est le cas de 98 % des jeunes. Nous devons faire en sorte de nous occuper de notre jeunesse, notamment sur le plan du numérique, qui est incontournable. On est le premier territoire en France à nous être emparé du e-sport — madame la ministre, vous êtes invitée. 

Clara Chappaz

Clara Chappaz

Nous ne sommes pas mauvais d’ailleurs en e-sport ! Nous avons gagné une grande compétition ce weekend. 

Michel Bisson

Michel Bisson

Je ne voulais pas le dire, mais oui ! 

Nous n’avons pas souhaité simplement accompagner le fait numérique, mais être partie prenante et acteur du fait numérique. 

Pour le e-sport nous avons une stratégie à trois branches. La première, la plus importante, c’est que nous avons inventé une méthode du « savoir e-jouer » — comme on apprend à savoir faire du vélo ou à savoir nager. Il s’agit simplement d’apprendre aux jeunes (au CM2 puis au collège) tous les risques inhérents à une pratique du e-sport trop importante, c’est-à-dire le harcèlement, le repli sur soi et puis accessoirement l’obésité si l’on reste trop sédentaire. En même temps, nous mettons en exergue toutes les compétences que l’on acquiert par le jeu, qui sont très différentes de ce que l’on apprend à l’école. Ce sont des compétences déductives — quand on joue un jeu, on ne lit pas la notice avant d’y jouer, on apprend par l’échec —, de dextérité, mais aussi de stratégie collective et de capacité à décider. Tout cela est cartographié aujourd’hui de façon très précise. 

Pour nos jeunes, nous avons besoin de politiques publiques d’éducation, comme le savoir e-jouer, mais aussi de donner de l’envie et de l’espoir. Sur ce point, c’est l’importance de la Karmine Corp, qui est la plus belle équipe française, européenne, et mondiale dans peu de temps — dont le stade est Grand Paris Sud. Cela permet à la fois d’entraîner nos jeunes, et d’apprendre. 

Nous devons aussi faire de la littératie sur l’IA. Nous devons accompagner sur le plan éducatif la manière dont on utilise ces outils, avant que ce soient les limites de l’intime qui nous le rappellent. L’usage des technologies pose en effet des questions en termes de santé (sur le plan physique aussi bien que mental), mais aussi en termes de liberté individuelle et de démocratie. 

Je finis par le « E », pour « écologie », notamment s’agissant de l’empreinte carbone. Comme nous sommes extrêmement sollicités pour l’installation de data centers, y compris par le Président de la République, nous y répondons. Nous sommes un des premiers territoires à avoir établi une doctrine permettant de refuser ou accepter une implantation, qui comprend deux conditions écologiques majeures sur l’énergie et l’eau. 

Nous demandons aussi, si je le dis poliment, « un partenariat avec le territoire », si je le dis autrement, « des contreparties » — à savoir, l’installation d’une école, d’un incubateur, ou d’entreprises. Nous voulons évidemment de la plus-value pour le territoire, qui dépasse très largement le fait d’y localiser un datacenter.

Voilà donc l’« intelligent approach » avec les cinq indispensables « UTILE ».

Je crois que cela s’applaudit. Je pense que quelque part — je le dis devant François Hartog, le grand spécialiste de l’humanisme — vous donnez une réponse au Manifeste du mouvement techno-optimiste de Marc Andreessen. On pourrait peut-être l’appeler le « manifeste de Lieusaint » ?

Vous avez parlé de limites et d’une utilisation pertinente des outils. Cela me donne envie de vous lire un extrait de l’introduction du volume papier qui constitue une très bonne glose à ce que vous êtes en train de dérouler : « Dans ses merveilleuses lettres à Anita Forrer, Rilke décrit à un moment sa relation avec les caméras. ‘Je vis en mauvaise intelligence avec la photographie, qui ne m’est supportable que dans ses premiers débuts un peu surannés, quand elle était encore si humble et si timide, comme une machine devrait toujours l’être.’ Enseigner l’humilité aux machines est le contraire d’un projet luddite. Il s’agit au contraire de parvenir à une maîtrise de la technologie qui permette de la dominer, plutôt que d’être dominé par elle. Et remplacer la foi aveugle des accélérationnistes et autres « techno-optimistes », qui misent sur l’intelligence artificielle avec la naïveté des adorateurs du feu, par une approche adulte. Il s’agit surtout de libérer la technologie des prédateurs qui l’ont kidnappée pour la détourner à leurs propres fins, pour la mettre au service de la société dans son ensemble (…) »

Ce mardi nous a montré que cette libération est possible, et qu’effectivement, la lutte continue. 

Prochains événements

30 août

Bard · Conférence

L’Impero e le sue ombre : teologia e geopolitica nel mondo di Trump

De 16:15 à 22:00
Alessandro Aresu
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María Tadeo
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Alberto Melloni
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Olivier Roy
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Marc Semo
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Marc Lazar
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Alessandra Sardoni
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Gilles Gressani
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05 septembre

Paris · Conférence

Quelle diplomatie face aux géants de l’intelligence artificielle ? 

De 16:30 à 17:30
Anne Bouverot
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Martin Tisné
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Gilles Gressani
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Cassilde Brénière
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Marie-Laure Denis
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06 septembre

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