11

mars 2025

De 19:30 à 20:30

École normale supérieure

45 rue d'Ulm - 75005 Paris

Langue

FR

Economie

Face à la guerre commerciale, que faire ? 

Benjamin Bürbaumer
Benjamin Bürbaumer
Federico Fubini
Federico Fubini
Gilles Moëc
Gilles Moëc
Dorothée Rouzet
Dorothée Rouzet
Ludovic Subran
Ludovic Subran
Gilles Gressani
Gilles Gressani

Mardi du Grand Continent du 11 mars 2025 à l’École normale supérieure.

Citations à retenir

Federico Fubini
Ce quart de siècle a donc été celui d’un triomphe économique américain, mais il a aussi été celui d'humiliations et de faillites de la politique étrangère des Etats-Unis.
Federico Fubini Journaliste
Gilles Moëc
On est passé d'un modèle où les États-Unis étaient financés par leur rival géopolitique, la Chine, à un modèle dans lequel ils sont financés par leurs alliés. La relation bilatérale commerciale et financière entre les États-Unis et l’Europe est en fait une relation assez équilibrée et plutôt favorable aux États-Unis.
Gilles Moëc Chef économique du Groupe AXA
Benjamin Bürbaumer
Les États-Unis échouent à prendre la mesure du jeu que joue la Chine. Cette dernière a bien compris qu'il lui fallait construire les infrastructures pour réorganiser l'économie mondiale et basculer d'une mondialisation sous supervision américaine vers une économie mondiale sino-centrée.
Benjamin Bürbaumer Maître de conférences à Sciences Po Bordeaux
Ludovic Subran
Il faut trouver une stratégie d'autonomie monétaire. Il nous faut plus d'actifs sûrs. C’est pour cela que le cadeau que nous fait l'Allemagne est majeur en termes de réserves de sûreté. Il faut travailler au marché en euro. Il faut travailler à la position de monnaie dominante, de monnaie de réserve, de l'euro. Il faut travailler à l'architecture financière, l'union des marchés de capitaux. Il faut travailler à l'euro digital, qui est tout sauf le stable coin de Trump
Ludovic Subran Économiste en chef du groupe Allianz
Dorothée Rouzet
L'économie américaine en Europe est surtout composée de services. Si on veut toucher les intérêts américains sans que cela soit trop lourd pour nous, il faut identifier les domaines dans lesquels des acteurs américains sont dépendants du marché européen.
Dorothée Rouzet Chef économiste du Trésor

Ce mardi du Grand Continent s’inscrit dans notre cycle d’analyse du projet trumpiste. Ce soir, nous allons nous pencher sur les volets économique et géoéconomique, avec le plan de refonte de la mondialisation qui est propagé d’une manière plus ou moins brutale depuis plusieurs mois par Donald Trump. 

Pour ce faire, nous avons réuni un panel de très haut niveau avec plusieurs amis et signatures de la revue : Federico Fubini, directeur adjoint ad personam au Corriere della Serra et qui a signé un article important dans notre revue, Gilles Moëc, chef économiste du groupe Axa. Dorothée Rouzet, cheffe économiste de la Direction générale du Trésor. Benjamin Bürbaumer, maître de conférences à Sciences Po Bordeaux et, connecté depuis l’Allemagne, Ludovic Subran, économiste en chef du groupe Allianz. 

Nous avons voulu structurer cette séance à partir de publications, mais aussi à partir de données, qui sont rassemblées dans notre Observatoire de la guerre commerciale. Il s’agit d’une tentative de tracking des différents indicateurs clés pour comprendre l’envergure de la guerre commerciale lancée par la nouvelle administration américaine. Je salue d’ailleurs Louis de Catheu, présent dans la salle, qui est une des chevilles ouvrières de cette page. 

J’aimerais donner la parole à Federico Fubini, qui a développé dans un entretien absolument fascinant, « L’Empire aux pieds d’argile : la faille économique du projet de Donald Trump », un argumentaire sur ce qu’on pourrait définir comme le talon d’Achille du projet trumpiste. Vous avez perçu et remarqué, en regardant les chiffres, qu’il y a un angle mort. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

Federico Fubini

Federico Fubini

Il n’est pas évident de trouver des raisons rationnelles aux politiques commerciales de l’administration Trump. On voit en effet des droits de douane être annoncés pour X, puis retirés après une journée seulement. Mais si l’on cherche à trouver une cohérence et des objectifs constants dans ces politiques, il faut se tourner vers les aspects financiers. En effet, le gouvernement américain a cessé d’observer une situation budgétaire sans déficit depuis un quart de siècle. Depuis, il y a un dérapage progressif et constant des déficits aux États-Unis, ce qui a amené à des déficits aujourd’hui très élevés (6,4 % du PIB en 2024). Cette situation n’est pas inédite pour un pays du G7 : on a vu un tel phénomène au Japon, dans plusieurs pays de la zone euro, etc. La différence est cependant que l’économie américaine est aujourd’hui presque au plein emploi, donc on ne peut imaginer les effets d’une telle situation budgétaire si les États-Unis tombaient en récession.

Surtout, la taille même de l’économie américaine par rapport à l’économie internationale rend cette situation spécifique : alors que les États-Unis représentaient 30 % de l’économie mondiale au début du siècle, ils ont chuté à 21 % après la crise financière, puis se sont remis à environ 26-27 % aujourd’hui. Parallèlement, on estime que les nouvelles émissions s’élèveront entre 2 000 et 3 000 milliards de dollars, en prenant en compte les réductions d’impôts annoncées par Trump et les émissions des agences garanties par le gouvernement. Cela représente 50 à 60 % de la croissance mondiale nominale, inflation comprise. Ce chiffre ne prend pas même en compte le renouvellement des bons du Trésor qui arrivent à échéance, ce qui équivaut à 36 000 milliards de dettes qui doivent être en partie renouvelés chaque année.

Federico Fubini

Federico Fubini

En 2023, les nouvelles émissions nettes des États-Unis ont dépassé les 3 000 milliards. La croissance mondiale était d’environ 5 000 milliards. L’administration Trump sait donc qu’elle doit absorber une bonne partie de l’épargne mondiale annuelle si elle veut éviter des problèmes de financement de sa dette. Cela pose un défi aux États-Unis, qui souhaitent à la fois maintenir des taux d’intérêt bas, un taux de change du dollar faible, et financer leur dette.

C’est pour répondre à cette problématique que les tarifs douaniers ont autant d’importance, comme décrit par Stephen Miran. Son idée consiste à utiliser la menace des droits de douane comme levier des négociations avec les autres pays. Si le gouvernement ne veut pas perdre accès aux consommateurs américains, alors il doit s’engager à racheter, par l’intermédiaire de la Banque fédérale, des bons du Trésor américain, qui doivent être des émissions à long, voire très long terme — Stephen Miran parle par exemple d’émissions avec échéance à un siècle. Les rendements étant assez limités, ce serait presque une confiscation des réserves souveraines des autres pays. C’est donc un plan de coercition financière et commerciale, dont le fonctionnement est difficile à imaginer. C’est un comportement impérial qui cache plutôt mal une position de faiblesse financière. 

Enfin, la stratégie américaine, exposée dans un décret de l’ordre exécutif du 23 janvier, consiste à assurer la circulation de stablecoins (une cryptomonnaie dont le prix est stable, car adossée au cours du dollar) partout dans le monde. Cela fait partie d’une stratégie pour renforcer le rôle du dollar comme monnaie de réserve. Lorsqu’on paie un service en Europe avec un stablecoin, cela matérialise le passage des dépôts des euros aux dollars. Ces dollars sont ensuite utilisés pour investir dans des bons du Trésor américain. L’élargissement des capitalisations mondiales des stablecoins implique donc une utilisation de l’euro moins fréquente au sein même de la zone euro. Il s’agit donc là d’un défi à notre propre souveraineté monétaire. Nous devrons résister à cette tentative de chantage.

La doctrine Miran traduite par le Grand Continent présente une série de paris sur la mondialisation et le monde économique. Dans quelles mesures pensez-vous, Gilles Moëc, que ces paris sont réalistes pour les États-Unis et pour la réalisation du économique et commercial de Trump ? 

Gilles Moëc

Gilles Moëc

D’abord, il faut prendre Stephen Miran au sérieux. C’est un économiste sérieux, reconnu dans la profession, et sa trajectoire est d’ailleurs intéressante à différents points de vue. Il a été nommé par Donald Trump comme président du Conseil des conseillers économiques, mais vient du monde de la finance sophistiquée, en particulier des hedge funds — comme beaucoup de personnes qui occupent aujourd’hui des fonctions de direction économique proches de Donald Trump, tel que Scott Bessent. Cela a des conséquences sur la manière dont il envisage la politique économique, parce que dans le monde des hedge funds, il faut avoir raison contre tout le monde pour gagner. Ce sont donc des individus qui ont souvent réussi en prenant des positions risquées et non consensuelles, qui ont donc une force de conviction extrêmement forte, et qui sont par ailleurs habitués à la rapidité et à l’extrême fluidité du marché. Cette rapidité extrême me frappe beaucoup depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle administration. Or le temps de la finance n’est pas forcément celui de l’activité politique et des services publics. On fait donc face à des personnes qui peuvent prendre des positions assez extrêmes et les tenir longtemps même lorsque la réalité les contredit. Toutes ces caractéristiques sont essentielles pour analyser l’administration américaine actuelle.

Si l’on se penche davantage sur la doctrine Miran, le mot « injustice » apparaît d’emblée. Ce terme reflète un sentiment très profond et qui existe depuis longtemps aux États-Unis. C’est le sentiment que le système monétaire mondial, pourtant façonné en grande partie par les États-Unis depuis 1945, agit contre leurs intérêts. Il y a toutefois un paradoxe : le sentiment d’injustice américain va de pair avec un sentiment naturel de leadership. C’est l’un des points aveugles du papier de Miran, qui considère que le reste du monde va accepter de payer très fortement pour continuer à bénéficier d’une protection américaine, alors que le rapport coûts/avantages devient beaucoup plus incertain. 

D’un point de vue plus technique, Miran considère que le système monétaire mondial joue aujourd’hui en la défaveur des États-Unis, car ceux-ci émettent la monnaie de réserve mondiale. Si tout fonctionnait très bien à l’époque où les États-Unis avaient une économie très puissante par rapport au reste du monde, le reste du monde ayant aujourd’hui une demande constante plus élevée en dollars américains face à une production américaine de plus en plus limitée, cela entraînerait une appréciation du taux de change du dollar, ce qui mènerait à une perte de compétitivité de l’économie américaine, en particulier dans le secteur manufacturier. L’idée selon laquelle le système monétaire international et le système économique mondial jouent contre les intérêts de la classe ouvrière américaine est d’ailleurs partagée par beaucoup d’autres membres de l’administration Trump, comme J.D. Vance.

Ce point-là est à analyser, car il est en partie faux. Premièrement, la solution théorique de Miran, qui s’est traduit politiquement dans l’accord dit de Mar-a-Lago — qui a pour objectif de contraindre le reste du monde à financer les États-Unis, tout en acceptant une appréciation de leurs propres devises par rapport au dollar — est le reflet d’une situation bilatérale très déséquilibrée qui joue en réalité contre les intérêts américains. 

En revanche, ce n’est pas parce que l’Europe a un surplus commercial sur les biens qu’il y a un surplus de la balance courante (dans laquelle il faut aussi inclure les services, les échanges de revenus, etc.). Or l’Europe est plutôt en train d’accumuler un déficit dans les échanges de service avec les États-Unis, en particulier sur les services plus sophistiqués, comme la propriété intellectuelle. La relation commerciale au sens large entre les États-Unis et l’Europe est donc assez équilibrée. 

Dans l’entourage de Trump, on retombe toutefois souvent sur l’idée que la vente des services américains à l’Europe ne sert pas l’emploi manufacturier américain — même s’il faut noter que l’emploi manufacturier aux États-Unis n’est plus aujourd’hui dans la situation difficile qu’il a connue dans les années 1980-1990. Or le reste du monde permet aux États-Unis de maintenir un pouvoir d’achat très élevé et un modèle économique essentiellement fondé sur le crédit. L’Europe y participe de manière centrale. En effet, depuis 2002, ce sont les investisseurs des pays européens qui financent de plus en plus le déficit budgétaire américain, en remplaçant à cet égard le rôle qu’avait la Chine, ce qui est bénéfique pour les États-Unis. On est passé d’un modèle où les États-Unis étaient financés par leur rival géopolitique, à un modèle dans lequel ils sont financés par leurs alliés. La relation bilatérale commerciale et financière entre les États-Unis et l’Europe est en fait une relation assez équilibrée et plutôt favorable aux États-Unis. 

Enfin, l’accord de Mar-a-Lago traduit ce sentiment paradoxal décrit par Miran : un système international injuste couplé à un sentiment évident de leadership mondial. Cette idée repose sur le présupposé que les Européens vont accepter de payer un fee en contrepartie d’un accès au marché américain ou d’une protection militaire américaine — tout visant la dépréciation du dollar. On fait alors face à une situation irréaliste : les Européens accepteraient de prêter à très long terme aux États-Unis en passant par leurs banques centrales, tout en acceptant une appréciation de leur devise. Or le monde n’est plus celui des accords du Plaza (1985) et du Louvre (1987) : les banques centrales aujourd’hui jouent un rôle assez limité dans les flux internationaux d’échanges financiers — les investisseurs privés européens étant devenus essentiels dans l’achat de la dette américaine. 

La question du coût relatif constitue un dernier point problématique dans la doctrine Miran. Demander aux Européens de sacrifier leur propre compétitivité, avec un transfert de la demande et de l’activité manufacturière de l’Europe vers les États-Unis, pose la question du coût relatif pour les Européens. Ils pourraient préférer consacrer cette part de leur PIB à d’autres enjeux, telle que l’organisation d’une défense souveraine. Miran permet aux Européens d’envisager qu’un autre calcul est possible, ce qui est paradoxal par rapport à son objectif initial. 

Continuons maintenant avec Benjamin Bürbaumer, pour analyser les données, notamment les données graphiques que vous avez prélevées de notre Observatoire de la guerre commerciale

Benjamin Bürbaumer

Benjamin Bürbaumer

Le graphique présenté ici est consultable sur l’Observatoire de la guerre économique. Je me permets d’ailleurs de saluer cette initiative, qui est une source assez unique. Ce graphique de l’évolution des importations américaines au cours des sept dernières années est précieux car il met en évidence les difficultés et les contradictions sous-jacentes à la stratégie Miran.

Dans un premier temps, on pourrait comprendre la logique consistant à augmenter les droits de douane pour certains pays afin de les contraindre à accepter des concessions qui plairaient aux décideurs américains. Cela reviendrait toutefois à faire l’impasse sur un élément crucial pour les États-Unis, d’un point de vue macroéconomique et politique. 

Si l’on prend un peu de recul et que l’on regarde comment l’économie américaine s’organise depuis les années 70, on constate ce qu’on appelle la « financiarisation mondialisation ». Je ne vais pas entrer dans les détails de ces deux termes. Je me contenterai de souligner les implications du pilier de la mondialisation.

Il y a eu, aux États-Unis, depuis les années 70, une augmentation des inégalités qui se traduit par une stagnation relative du pouvoir d’achat de la majorité des actifs américains. Afin de leur permettre d’être à la hauteur des normes de consommation, on leur donne accès aux biens de consommation bon marché provenant des pays en développement et de la Chine. Cette réalité est importante pour la stabilité macroéconomique et politique aux États-Unis. Il suffit pour s’en convaincre d’observer à quel point la question de l’inflation a été cruciale dans la seconde élection de Trump. 

De plus, l’accès aux biens de consommation bon marché est conditionné par la mise en place de chaînes globales de valeur sous coordination américaine. On a donc un indicateur simple de la dépendance des firmes américaines et par extension des consommateurs américains aux chaînes globales de valeur. En observant les importations américaines en provenance des pays à faibles revenus, on constate qu’elles représentaient environ 40 % des importations américaines dans les années 70. Aujourd’hui, elles en représentent près de 66 %. 

Si l’on intègre maintenant à cette équation, à la fois politique et économique, les droits de douane qui ont probablement un effet inflationniste, même s’il peut être faible parce qu’ils pourraient être compensés en partie par des ajustements monétaires en cas d’augmentation des coûts des biens de consommation, les tensions vont rapidement être très vives sur les plans politique et toucher un certain nombre de soutiens de Trump.

Un autre chiffre important permet de comprendre la situation. Aujourd’hui, un tiers des profits des États-Unis sont réalisés en dehors du territoire américain. En d’autres termes, la prospérité économique du capitalisme américain dépend fortement de l’accès aux marchés étrangers. Toute perturbation de cet accès aura des répercussions sur les entreprises américaines. Il s’agit donc d’un double défi : à la fois un enjeu en termes d’électorat et un risque de mécontentement au sein des grandes entreprises américaines. 

Regardons maintenant de plus près la carte des importations. Au cours des sept dernières années, la Chine a réduit ses exportations vers les États-Unis. Elle a ainsi très clairement réduit son exposition à l’économie américaine, ou du moins les entreprises chinoises ont-elles réussi à contourner les risques de sanctions. Cependant, l’un des objectifs des Nouvelles routes de la soie est le renforcement des infrastructures entre la Chine et les pays d’Asie du Sud-Est, qui ont connu une augmentation considérable de leurs exportations vers les États-Unis. Ainsi, bien que les exportations chinoises vers les États-Unis baissent, la Chine est en mesure de tirer bénéfice de manière continue des exportations d’autres pays vers les États-Unis grâce aux Nouvelles routes de la soie.

Les projets d’infrastructures physiques sont cruciaux, car ceux-ci façonnent de façon durable les transactions commerciales. Par ailleurs, même si la menace des droits de douane est réelle, les pays de l’Asie du Sud-Est ne sont pour l’instant pas concernés. Un exemple a été la réponse à la menace de Trump d’augmenter les tarifs douaniers de 25 % à 50 % à Taïwan, et plus spécifiquement TSMC. Cette entreprise a proposé d’augmenter ses investissements aux États-Unis via l’établissement de nouveaux centres de recherche et développement. Cette attitude de TSMC est révélatrice de la démarche de l’administration Trump, qui consiste à utiliser des menaces pour récolter des bénéfices à court terme. J’insiste sur ce court terme, car les États-Unis échouent à prendre la mesure du jeu que joue la Chine. Cette dernière a bien compris qu’il fallait construire les infrastructures pour réorganiser l’économie mondiale et basculer d’une mondialisation sous supervision américaine vers une économie mondiale sino-centrée. 

Il ne s’agit pas seulement d’infrastructures physiques. J’entends en effet par infrastructures tout ce qui permet la rencontre entre l’offre et la demande à l’échelle mondiale et qui peut influencer les transactions de manière durable. Il y a aussi des infrastructures numériques, techniques et monétaires. Or, au cours des 15 à 20 dernières années, la Chine a été très proactive pour promouvoir ses propres infrastructures de ce type, tandis que l’administration Trump passe totalement à côté.

A cela peut s’ajouter un élément intéressant dans le plan de Stephen Miran. On pourrait imaginer que, voulant éviter ces droits de douane supplémentaires, les Européens acceptent tout ce que demandent les États-Unis et même une dévaluation du dollar. On peine cependant à comprendre pourquoi les Européens feraient cela. En effet, s’il y a des droits de douane supplémentaires, cela réduira les exportations vers les États-Unis, ce qui aurait à peu près le même effet si le taux de change évolue. Pourquoi les Européens céderaient-ils dans ces conditions-là ?

On pourrait même aller plus loin, car cette idée d’obliger les Européens à financer de plus en plus l’État américain est peut-être une idée autodestructrice. En effet, si l’État américain dépend de façons croissante de prêts d’acteurs étrangers, le rapport de force finira par s’inverser. Les financeurs étrangers pourraient se trouver dans une position favorable par rapport aux États-Unis, qui, eux, auraient constamment négligé la base pérenne du fonctionnement de l’État – à savoir la fiscalité.

Dorothé Rouzet, comment voyez-vous le plan et la doctrine Miran ?

Dorothée Rouzet

Dorothée Rouzet

Dans la galaxie d’influence autour de Trump, les droits de douane sont un peu le « couteau suisse », c’est-à-dire qu’ils servent des objectifs très différents. Pour certains, cela permet de générer du revenu afin de financer les baisses d’impôts permanentes sur les entreprises. Pour d’autres, notamment ceux qui étaient à la tête de la politique commerciale sous le premier mandat Trump comme Robert Lighthizer, les droits de douane sont un outil de compétitivité pour réindustrialiser l’Amérique et bénéficier à la classe ouvrière. Enfin, Stephen Miran et Scott Bessent voient les droits de douane comme un levier de négociation pour obtenir quelque chose d’autre – la dévaluation du dollar, des concessions de la part d’autres pays, ou encore, la lutte contre l’arrivée de drogue depuis le Mexique, ou le mécontentement face à la politique européenne de régulation du numérique. Les Républicains au Sénat sont quant à eux beaucoup moins favorables aux droits de douane élevés sur les alliés militaires et géostratégiques. Ils préféreraient utiliser cet outil pour créer sorte d’alliance occidentale contre la Chine. 

Tous ces motifs coexistent et sont parfois complètement incompatibles.  Par exemple, si les droits de douane sont utilisés pour générer du revenu permanent ou pour financer des baisses d’impôts permanentes, ils ne peuvent plus être utilisés comme leviers de négociation — qui, par définition, sont mis en place pour que leur retrait soit ensuite négocié. Il y a donc au sein des sphères d’influences proches de Trump différentes approches. Même si, aujourd’hui, l’approche de Miran et de Bessent semble dominante, cela pourrait évoluer.

Dans sa doctrine, Stephen Miran tente de trouver la combinaison d’instruments et de coercition qui permette de tout obtenir. D’une part, il exige des droits de douane élevés, puisque les déséquilibres commerciaux sont vus comme la source d’un affaiblissement stratégique américain lié à un supposé déclin industriel. D’autre part, il souhaite une inflation basse, des taux d’intérêt bas, et un dollar fort ou faible selon les contextes. Pour combiner tout cela, il met en place une architecture assez complexe, presque fascinante, qui comporte un certain nombre de contradictions internes. J’en relèverai trois. 

En ce qui concerne l’aspect commercial des droits de douane, il se fonde sur la théorie du tarif optimal. Selon cette théorie, les petites économies ont intérêt à être ouvertes car si elles mettent en place des droits de douane, leurs consommateurs vont les payer. Au contraire, les grands marchés, comme les États-Unis, sont indispensables aux entreprises étrangères, qui ne veulent pas faire augmenter leurs prix et devraient donc absorber une partie de l’augmentation des prix dans leurs marges en cas de droits de douane. Ce n’est toutefois pas efficace empiriquement : sur les droits de douanes mis en place par Trump en 2018, plusieurs études montrent que les consommateurs américains ont payé 100 % de la facture. 

L’étape suivante dans le raisonnement de Miran est de vouloir des droits de douane tout en évitant leur effet inflationniste. Pour y arriver, il faut que la monnaie compense, c’est-à-dire que le dollar s’apprécie. Si les fondamentaux macroéconomiques des États-Unis n’ont pas changé, cela annulerait l’effet d’inflation importée sur le consommateur américain. Évidemment, cela annule aussi l’effet sur le déficit commercial. Donc, dans ce cadre-là, on veut plutôt que le dollar s’apprécie. Il y a enfin la partie monétaire. La très forte demande internationale de dollar faisant s’apprécier le dollar, elle crée un désavantage compétitif pour les exportateurs américains. Il faudrait donc forcer les autres pays à faire déprécier le dollar. 

Il semble déjà difficile de faire coexister le raisonnement commercial et le raisonnement monétaire. Mais la tension se trouve surtout dans l’idée de vouloir faire payer aux détenteurs d’actifs et de bons du Trésor américain le coût du financement de la dette américains, en acceptant à la fois des taux d’intérêt très bas et d’agir de concert pour dévaluer le dollar. Cela passerait par l’acceptation de taux d’intérêt très bas à un horizon très long sur un actif dont on sait qu’il va se déprécier, tout en portant le risque de crédit si on achète de la dette américaine à 100 ans. Il n’est déjà pas du tout évident que les autres pays acceptent ces conditions, même sous la menace. Dans le même temps, les Américains restent très attachés au statut de monnaie de réserve dominante du dollar. Il y a quelques mois, parmi les nombreuses menaces de droits de douane, Donald Trump a menacé les pays des BRICS d’instaurer 100 % de droits de douane s’ils se détournaient du dollar comme monnaie de réserve dominante et essayaient de trouver une monnaie alternative. 

Donc on veut bénéficier des avantages du statut dominant de la monnaie dollar, qui implique un taux de change plutôt élevé. En même temps, si on spolie sur les intérêts des détenteurs d’actifs américains, on voit mal comment l’effet signal pour les investisseurs privés — qui sont la grande majorité des gens qui achètent des actifs en dollars — ne serait pas très négatif et n’inciterait pas  justement à aller voir des actifs de réserve différents, ou alors demander une prime de risque supplémentaire sur la dette américaine. Cette tension émerge du raisonnement de Miran qui essaye de tout combiner. 

Pour que tout cela fonctionne, il faudrait qu’en plus de s’engager à acheter de la dette américaine à taux d’intérêt très bas, tout en appréciant leur propre monnaie, les autres grandes zone (Europe, Chine, Japon), s’engagent aussi, et ce malgré l’indépendance des banques centrales, à garder des taux d’intérêt assez élevés pour rapatrier les capitaux chez eux. Tout cela a un coût économique – c’est donc le moment où l’arbitrage entre d’un côté céder aux demandes américaine et de l’autre accepter le coût des droits de douane, investir dans notre propre défense et refuser le deal, ne devient pas clair du tout. 

Ludovic Subran, vous êtes connecté depuis l’Allemagne : on a l’impression que ces raisonnements sont en train d’infuser dans la position actuelle de la négociation de la prochaine grande coalition, et dans les prises de position publiques du probable prochain chancelier Friedrich Merz. Quels sont les types de ripostes déjà identifiées ?

Ludovic Subran

Ludovic Subran

Trump dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. Il a parlé des barrières douanières, même si on ne sait pas trop où elles sont. L’Observatoire nous dit où elles sont, mais on voit bien que c’est un peu des barrières douanières à la manière de Schrodinger : on ne sait pas si elles y sont ou pas, si elles changent demain, si elles sont mortes ou pas… Trump dit ce qu’il fait sur l’Ukraine : il avait dit qu’il trouverait un deal en 24 heures. Cela a pris un peu plus de temps, mais il fait ce qu’il dit. 

Ce qui ressort de notre discussion est la part immergée de l’iceberg : le dollar. Le vrai risque est la combinaison de plusieurs phénomènes. Premièrement, l’échec de Musk sur les coupes budgétaires avec ce que Federico Fubini appelait « l’hyper endettement américain », c’est-à-dire la question fondamentale du déficit budgétaire aux États-Unis. Les estimations, même les plus conservatrices, montrent qu’on sera à 6-7 % de déficit cette année. Il n’y a pas de raison que cela baisse. Deuxièmement, la question de l’indépendance de la Banque fédérale, maintenant que les peurs de récession commencent à apparaître aux États-Unis. La prochaine confrontation opposera Trump et Powell, puisque progresse l’idée que Powell devrait être remplacé en mars 2026. L’indépendance de la Fed va être mise à l’épreuve dans les trois prochains mois. Troisièmement, cette doctrine Miran, qui est complètement fantasque ! 

Nous essayons tous d’expliquer depuis une heure quelque chose de stupide. Voilà ce que font les économistes, Gilles [Gressani]. Vous avez voulu nouis inviter et voilà ! (rires). 

La prise en compte de l’importance du dollar est cruciale pour imaginer la riposte en Europe. On peut certes parler de la riposte commerciale. Vous avez publié sur le Grand Continent cet article extrêmement intéressant de Shahin Vallée et David Amiel, que j’invite à le lire. 

Mais l’euro est le vrai sujet ! Quelle est la riposte monétaire ? Le vrai sujet, c’est la récession américaine et le fait que, dans le même temps, l’Europe s’endette pour la défense. On veut éviter une redite de 2012, c’est-à-dire une crise financière américaine à un moment où nous sommes en train de nous endetter davantage pour notre défense.

Il est donc nécessaire de trouver une autonomie stratégique – pas sur les dolipranes et tout ce qui attire l’attention des ministres de l’Économie en France… Il faut trouver une stratégie d’autonomie monétaire. Il nous faut plus d’actifs sûrs. C’est pour cela que le cadeau que nous fait l’Allemagne est majeur en termes de réserves de sûreté. Il faut travailler au marché en euro. Il faut travailler à la position de monnaie dominante de l’euro et de monnaie de réserve. Il faut travailler à l’architecture financière, l’union des marchés de capitaux. Il faut travailler à l’euro digital, qui est tout sauf le stablecoin de Trump. Il faudrait avoir un canal alternatif aux banques et au marché pour gérer l’offre et la demande de monnaie, gérer l’hélicoptère monétaire tout comme l’aspirateur monétaire.

Aujourd’hui, nous sommes sidérés. A chaque fois qu’il y a une annonce, on est surpris, allons à Bruxelles, pour dire « Il faut maintenant dépenser 3,5 % de PIB dans la défense ! ». L’un veut le faire sans augmenter les impôts, l’autre veut le faire autrement : en Allemagne, le prochain gouvernement prévoit 500 milliards d’euros dans les infrastructures sur dix ans et de sortir les dépenses de défense du frein à l’endettement constitutionnel. Chaque pays a une solution différente. Tout cela reflète un certain amateurisme. 

Il me semble que plonger toute l’Europe dans une économie de guerre n’est pas forcément une excellente idée. La réponse au COVID a créé beaucoup d’impôts et d’inflation lors de la sortie de crise. 

La vraie réponse est ce qu’on fera sur notre monnaie. L’enjeu ultime est la monnaie et nos relations monétaires avec le reste du monde. Il manque aujourd’hui dans la riposte européenne l’étape d’après : il est bien de réagir à chaud sur les barrières douanières. Il faut négocier – ça marche assez bien – et être un peu moins naïfs. Il est bien aussi qu’on travaille sur la défense. Mais le vrai sujet, c’est l’euro. Le vrai sujet, c’est l’architecture monétaire et financière. Cela, malheureusement, on ne s’en parle pas ou pas assez. 

On compte aujourd’hui sur l’Allemagne pour faire ce que demande Paris (ironie)…

Ludovic Subran

Ludovic Subran

L’Allemagne est devenue franchouillarde, ce qui est intéressant parce que l’Allemagne mercantile a été rattrapée par la France souverainiste. Les Allemands le sentent bien.

L’enjeu des prochains trimestres est de prouver aux Allemands qu’en dépensant davantage, ils ne sont pas en train de faire un gros plan de redistribution, c’est-à-dire, donner de l’argent aux Français, aux Italiens pour leurs boîtes européennes, ou encore aux Britanniques. Cela va forcément creéer tensions. Je rappelle à ce sujet que dans une économie de guerre, l’effort est toujours porté par les classes moyennes. Le capital, les riches, savent toujours comment échapper à l’effort, et leurs enfants ne vont jamais au front. 

Chaque pays va donc devoir identifier une manière de payer pour l’effort de guerre. Il va falloir penser à la TVA ou à des formes de financement propres. Il va falloir gérer le stress financier. Il va certainement falloir que la BCE monétise une partie de la dette, et on ne pourra pas rester avec des taux à 2 % si on fait 1,5 % de dépenses en plus, sans faire d’effort à côté sur la protection sociale. 

L’Allemagne s’endette, c’est très bien. Il fallait qu’elle le fasse, principalement parce qu’elle a un déficit d’infrastructure majeur. Toutefois en ce qui concerne la défense et de manière générale l’endettement supplémentaire, très vite la question de l’effort de guerre va se poser. En Allemagne, on sait que malheureusement, il y a toujours un double effet kiss cool.  Au début, par la force on arrive à faire avancer le chemin européen, mais après se posent de grandes questions sur ce que cela implique pour les classes moyennes allemandes. 

Donc l’économie de guerre en Europe sera un sujet. La fin du mercantilisme sera un sujet. L’Europe est à un moment historique aujourd’hui. On voit depuis une semaine un retour de capitaux vers l’Europe, alors que tout le monde nous disait que les États-Unis étaient formidables. Je ne citerai pas de chef d’entreprise, mais vous avez tous en tête des patrons qui vous disent : « Je vais me quoter aux Etats-Unis, l’Europe est finie, l’énergie est trop chère, je vais aux Etats-Unis ». Des gens avec beaucoup d’argent qui disent que le dollar, les marchés des actions, la tech, sont formidables. Aujourd’hui, on se rend compte que la stratégie du fou est coûteuse et que l’Europe est intéressante, malgré nos valeurs, malgré notre « wokisme », malgré notre obsession verte, malgré le temps qu’on prend à prendre des décisions à 27. Ce côté un peu lent, un peu vieux, un peu lancinant, ne paraît maintenant pas si mal par rapport à quelqu’un qui a grillé plusieurs fusibles au cours des derniers mois.

Il faut du patriotisme économique. On doit rappeler aux gens que c’est bien de vouloir investir 20 milliards dans la logistique aux Etats Unis, mais qu’il faut savoir comment on a pu financer ces 20 milliards, quand on est une grande entreprise de transport maritime… Cela souvent se fait grâce aux impôts et à l’inflation en France.

Il faut que l’Europe soit fière de ce qu’elle a construit, mais qu’elle rappelle à l’ordre, parce que le capital doit rester en Europe. On doit transformer l’essai aujourd’hui. S’il y a un élément qui nous montre que le capital revient vers l’Europe, il faut qu’on transforme cet effet-là. Il ne faut pas qu’on soit avec un train de retard sur l’euro, la construction monétaire et l’attractivité de notre territoire sur les rendements du capital. J’ai finalement utilisé les cinq minutes de plus que je n’avais pas utilisées initialement…

Vous avez parfaitement respecté les règles du pacte de stabilité… dans sa nouvelle forme ! (rires). Vous avez chacun quelques minutes pour prolonger l’éloge de la grisaille européenne proposé par Ludovic, et identifier une mesure qu’il faudrait prendre dans les mois à venir. 

Federico Fubini

Federico Fubini

Comme je refuse de considérer que les Américains sont stupides, je vais vous expliquer pourquoi ils sont en contradiction avec eux-mêmes. Le dernier quart de siècle américain est marqué par un triomphe de l’innovation. Les magnificent seven ont réussi à atteindre 35 % de valorisation de la bourse américaine, qui elle-même représente 75 % de la bourse mondiale. La création de valeur actionnariale de ces entreprises a représenté 40 mille milliards, c’est-à-dire la moitié du PIB mondial. Ce quart de siècle a donc été celui d’un triomphe économique américain, mais il a aussi été celui d’humiliations et de faillites de la politique étrangère des Etats-Unis. 

Le dernier succès de politique étrangère était au Kosovo, en 1999. 40 000 peacekeepers avaient alors été déployés, sur un territoire grand comme un département français, pour en assurer la stabilité. Aujourd’hui, on parle de 30 000 peace keepers en Ukraine, le plus grand pays européen, en guerre contre le plus grand pays du monde. Après 1999, il y a eu l’échec de l’Irak, de la Géorgie, de l’Afghanistan — le retrait humiliant négocié par Trump et mis en oeuvre par Biden — la Crimée, le Donbass, la Libye, la Syrie, avec les fameuses lignes rouges de Barack Obama qui n’ont pas été respectées. Les Russes sont aujourd’hui en Libye. Cela a été une série d’échecs. Le seul succès du dernier quart de siècle a été en Ukraine en 2022, car l’Ukraine est aujourd’hui encore libre et indépendante. Qui aurait cru à l’époque que cela aurait été le cas ? 

Les États-Unis sont par conséquent très contradictoires. Le repli est bien entendu tentant pour une puissance dans une telle position, et en même temps impossible en raison de leur positionnement financier international. Ils sont contraints à un ajustement budgétaire, même si ce dernier est récessif pour eux et par extension pour l’économie internationale.

La conséquence des contradictions de ce pays est qu’il faut faire un bond en avant dans l’intégration de la défense européenne.

Gilles Moëc

Gilles Moëc

Je vais citer Stephen Miran, que je relisais cet après-midi. Il parle de ce qui fonde la puissance du dollar comme monnaie de réserve internationale. Il dit « L’Amérique a fourni au reste du monde de la stabilité, de la liquidité, de la profondeur de marché, et le respect de l’état de droit ». Quatre éléments, dont deux – je vous laisse choisir lesquels – sont légèrement en retrait depuis quelques semaines. 

Le papier de Miran et toute la politique internationale des États-Unis est fondée sur un réalisme géopolitique. Or, pour reprendre ce que disait Ludovic Subran, il y a aussi des « institutions invisibles » – pour reprendre l’expression de Pierre Rosanvallon – dans les relations internationales. La confiance et le partage des valeurs sont fondamentales. Il est par conséquent nécessaire que les Européens continuent à rester fermes sur les valeurs. 

Dorothée Rouzet

Dorothée Rouzet

Dans la réponse commerciale, il faut être ferme, créatif et ambitieux. Ferme car on est face à un interlocuteur qui comprend les rapports de force. On a beaucoup appris en 2018, où on avait été sidérés par les droits de douane sur l’acier et l’aluminium. Aujourd’hui, la boîte à outils est prête. Il ne faut pas hésiter à l’utiliser, pour ensuite aller à la négociation, mais avec des munitions. Être créatif car les représailles sur les droits de douane ne seront pas suffisants. L’économie américaine en Europe est surtout composée de services. Si on veut toucher les intérêts américains sans que cela soit trop lourd pour nous, il faut identifier les domaines dans lesquels des acteurs américains sont dépendants du marché européen. L’Europe n’est pas habituée à se considérer comme puissance, mais nous sommes 450 millions de consommateurs dans un marché intégré – le plus grand au monde – et cela est un levier. Nous avons des arguments. On peut renforcer les régulations du numérique, les régulations antitrusts contre les géants du numérique, tout ce qui peut faire mal à des intérêts proches de Trump. Il faut enfin être ambitieux car cela pourrait permettre d’avoir un agenda de compétitivité agressif en Europe. On peut renforcer l’euro comme monnaie de réserve internationale. On peut avoir une politique agressive pour attirer les chercheurs des États-Unis et renforcer l’innovation. De façon plus générale, être davantage dépendants de notre proche marché nous rendra moins vulnérable à l’avenir. 

Benjamin Bürbaumer

Benjamin Bürbaumer

Je pense au graphique de la consommation en Europe que l’on trouve dans l’Observatoire de la guerre économique, en valeur absolue ou en rapport avec le PIB. Il y a un plafonnement depuis assez longtemps. Cela rend vulnérables aux difficultés extérieures. La réponse pourrait donc aussi être macroéconomique.

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