Londres. 19 octobre 2015 : Londres déploie le tapis rouge pour Xi Jinping, qui arrive pour sa première visite d’État au Royaume-Uni. Pendant quatre jours, le président a droit aux distinctions royales : salve d’honneur, banquets somptueux, tour en calèche royale et “fish and chips” avec David Cameron, à l’époque Premier Ministre. Au-delà de tout cet apparat ? Des accords d’investissements de quelques 40 milliards de livres sterling, impliquant notamment une participation d’entreprises chinoises dans la modernisation de l’infrastructure nucléaire britannique.
Depuis dix ans, il n’y avait pas eu de visite d’un chef d’État chinois au Royaume-Uni. En 2012, les relations s’étaient même dégradées après la rencontre entre David Cameron et le Dalai Lama. Cependant, en 2015, le gouvernement Cameron a commencé à rechercher des investissements chinois afin de donner un coup de pouce à l‘économie britannique. Malgré la désapprobation américaine, le Royaume-Uni arborait fièrement le titre de premier grand pays occidental à décider, en mars, d’adhérer à l’AIIB, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, sous l’égide de la Chine (4). En septembre lors de sa visite en Chine, George Osborne, Chancelier de l’Échiquier, déclarait que le Royaume-Uni souhaitait devenir le “meilleur partenaire occidental de la Chine” et voir se développer un “âge d’or” des relations (3). Les médias officiels chinois avaient adopté avec enthousiasme cette expression, devenue bientôt, des deux côtés, un slogan pour décrire les rapports sino-britanniques.
Cet élan d’optimisme n’a cependant guère duré. Suite au Brexit et aux démissions de Cameron, l’enthousiasme a cédé sa place à Theresa May et à un nouveau gouvernement aux priorités économiques différentes. Soudain, la participation de la Chine à la nouvelle centrale nucléaire de Hinkley, objet de l’accord peut-être le plus emblématique de la visite d’État de 2015, était remise en question pour raisons de sécurité nationale. Beijing manifestant sa frustration face au retard dans l’approbation du projet, Theresa May écrivit à Beijing pour “rassurer la Chine quant à la poursuite de l’engagement du Royaume-Uni eu égard aux relations sino-britanniques” (1). Parallèlement, alors que May s’attachait à utiliser l’expression “âge d’or” lors de rencontres avec des personnalités chinoises, il ressortait clairement que son approche vis-à-vis de la Chine serait plus méfiante que celle de son prédécesseur. Ainsi, un an seulement après la visite de Xi, la réalité de “l’âge d’or” était mise en question.
On continue pourtant à parler d’”âge d’or”, tant au sein du gouvernement britannique qu’en Chine. Néanmoins, si même l’expression n’a jamais reflété une véritable réalité, elle semble aujourd’hui n’être guère plus qu’un vague outil diplomatique. Comme toute autre, la relation sino-britannique a ses hauts et ses bas : en septembre dernier, la Chine exprimait son mécontentement face à la traversée, par un vaisseau militaire britannique, d’une zone de la mer de Chine méridionale revendiquée par Beijing, avertissant que cet acte aurait “un impact négatif sur le développement des relations sino-britanniques” (2). La visite de May en Chine en janvier 2018 a été une affaire relativement discrète : alors que les entretiens de Cameron avec les dirigeants chinois avaient abouti à l’annonce d’énormes projets d’investissement, May s’est fait remarquer par ses efforts prudents pour éviter toute déclaration ferme de soutien à la Belt and Road Initiative (BRI).
L’idée que le Royaume-Uni pourrait conclure des accords commerciaux avec d’autres pays du monde, y compris la Chine, une fois sorti de l’Union, était l’un des principaux arguments en faveur du vote “Leave”. Dans ce contexte, Londres doit garder de bonnes relations avec Beijing et démontrer qu’un futur accord commercial est une perspective réaliste. En juillet, Jeremy Hunt, ministre britannique des affaires étrangères, a annoncé que la Chine avait exprimé sa volonté d’ouvrir des négociations (5).
On notera, toutefois, que l’Union est depuis longtemps en pourparlers avec Beijing pour renforcer leur coopération économique. Les progrès sont lents et souvent bloqués par des désaccords politiques. Et ceci malgré l’existence d’un “partenariat stratégique” en place depuis déjà 2003 ; ainsi donc, les expressions optimistes ne garantissent peut-être pas des résultats.
Perspectives :
- Le Royaume-Uni continue d’utiliser l’expression “âge d’or” pour démontrer sa volonté de faire des progrès eu égard à un futur accord commercial avec la Chine. Mais Londres n’est pas visiblement plus proche de Beijing que d’autres pays et, d’un côté comme de l’autre, l’expression n’indique pas nécessairement un enthousiasme réel pour un rapprochement important.
- La BRI pourrait donner lieu à davantage de coopération entre le Royaume-Uni et la Chine du simple fait qu’elle représente un accroissement massif de l’engagement chinois en dehors de ses frontières. On notera que David Cameron dirige maintenant un fond d’investissement Royaume-Uni-Chine dans le cadre de cette initiative.
- L’incident diplomatique causé par la présence d’un vaisseau britannique en mer de Chine méridionale montre que la relation sino-britannique est susceptible de subir des revers dus à des divergences politiques.
- Après le Brexit, on s’attend à ce que débute une période transitoire, durant laquelle Londres pourra commencer des négociations commerciales. La Chine a exprimé son intérêt, mais un accord significatif dans un avenir proche est peu probable.
Sources :
- STHANA Anushka, Theresa May reassures Xi Jinping over UK-China relations, The Guardian, 16 août 2016.
- Embassy of the People’s Republic of China in the United Kingdom, Foreign Ministry spokesperson’s further remarks on British warship’s entry into China’s territorial sea without approval, 7 septembre 2018.
- Gov.uk, Chancellor : ‘Let’s create a golden decade for the UK-China relationship’, 22 septembre 2015.
- Gov.uk, UK ratifies articles of agreement of the Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB), 3 décembre 2015.
- MITCHELL Tom, China open to UK trade deal after Brexit, Financial Times, 30 juillet 2018.
Julian Gray