Guatemala. Ce vendredi 19 octobre, les migrants se trouvent à Guatemala et les systèmes d’auberges et de refuges sur place sont totalement dépassés. Le groupe, dont le nombre n’a cessé de croître depuis son départ du Honduras, compte actuellement des milliers d’Honduriens. Depuis mardi 16 octobre, ils ne cessent d’arriver : le prêtre Mauro Verzeletti, directeur de la principale auberge pour migrants dans la ville de Guatemala, estime que les établissements qu’il dirige ont compté plus de 5 000 personnes entre mardi et mercredi. Spécialiste du phénomène migratoire en Amérique centrale, Verzeletti affirme qu’il n’a jamais vu un tel flux de personnes concentrées devant la Casa del Migrante (Maison du Migrant), principale structure d’accueil au Guatemala (2).
La caravane n’est que de passage, car son but est d’arriver aux États-Unis. Elle se dirige donc d’abord en direction de la frontière du Guatemala avec le Mexique. Les plus rapides des réfugiés se trouvent déjà à la frontière mexicaine de Tecún Umán, dans le département de San Marcos, alors que certains sont encore dans le département de Zacapa qui sépare le Guatemala du Honduras. Ainsi, la caravane n’en est plus une ; si au tout début une marche uniforme et groupée a bien été enclenchée depuis San Pedro Sula, ce sont maintenant des petits groupes inégaux qui parcourent l’Amérique centrale dans le but d’atteindre les États-Unis. Ce week-end, d’autres migrants honduriens, partis plus tard, tentent de rejoindre le groupe principal en empruntant d’autres routes, non sans danger : si plus de 1200 Honduriens ont franchi légalement la frontière entre le Honduras et le Salvador, d’autres entrent sur le territoire salvadorien en traversant à la nage la dangereuse rivière Goascorán, près de la frontière El Amatillo.
Ce phénomène migratoire a créé dans la région de fortes tensions diplomatiques. Trump a menacé les présidents du Honduras, du Guatemala et du Salvador de leur retirer de façon immédiate toute aide financière s’ils n’empêchent pas les migrants d’avancer vers les États-Unis (3). Les diplomates honduriens présents dans ces pays ont appelé leurs compatriotes à rentrer dans leur pays d’origine, sans succès. La position officielle du gouvernement hondurien est que la caravane de migrants a été organisée par des opposants politiques qui prétendent discréditer la gestion du président Juan Orlando Hernández. Malgré la pression des ONG qui demandent aux États concernés de prendre en charge les réfugiés, le président mexicain López Obrador a envoyé des renforts de la police fédérale à Ciudad Hidalgo, frontière sud, contiguë à Tecún Umán (1). De même, les présidents Salvador Sánchez Cerén (Salvador) et Jimmy Morales (Guatemala), ont renforcé les contrôles à leurs frontières et refusent l’entrée aux “illégaux”. Morales a déclaré qu’il ne laisserait pas la caravane poursuivre son chemin jusqu’aux États-Unis. L’instigateur de la caravane, Bartolo Fuentes, ancien député hondurien de l’opposition, qui se trouvait à la tête du groupe des réfugiés, a été arrêté sur le territoire guatémaltèque. Il a été libéré le 18 octobre.
Le 5 octobre, Fuentes a publié sur Facebook un message pour inviter tous les Honduriens désireux de quitter le pays de se rejoindre pour partir tous ensemble. C’est ainsi qu’est née la vague migratoire actuelle, bien que cette migration vers les États-Unis ne soit pas nouvelle : plus d’un million de Honduriens vivent aux États-Unis, la plupart sans papiers. En 2017, ils ont ajouté, au total, 4 milliards de dollars à l’économie du Honduras par les remises migratoires (ce qui équivaut à 20 pour cent de son PIB). Mais l’aide financière étatsunienne a pour but principal de réduire les arrivées de migrants aux États-Unis en améliorant les conditions de vie en Amérique centrale (sécurité et emplois) : la région connaît un nouveau phénomène de réfugiés qui fuient l’absence de travail et la violence du narcotrafic (les gangs). Le Honduras a fini l’année 2017 avec un taux de 42,8 homicides pour 100 000 habitants : 3 791 personnes ont été assassinées.
Perspectives :
- Si la caravane et tous les groupes qui la suivent parviennent à franchir la frontière américaine, ils renforceront une diaspora déjà très nombreuse mais délaissée aux États-Unis : à terme, des arrivées régulières et importantes de réfugiés latino-américains pourraient faire changer le rapport de force et faire gagner de la présence, notamment politique, à ces réfugiés aux États-Unis.
- Cette nouvelle vague migratoire souligne encore une fois les dysfonctionnements des États d’Amérique centrale qui ne parviennent pas à assurer des conditions de vie satisfaisantes pour leurs citoyens. Elle montre aussi les faiblesses des aides financières que les États-Unis versent à ces pays, précisément dans le but d’améliorer leur sécurité et leur économie. Ce phénomène de réfugiés montre l’urgence d’une sortie de crise viable qui peut notamment impliquer une renégociation de la coopération entre les États-Unis et le Guatemala, le Honduras et le Salvador pour que les aides fournies soient plus importantes d’un côté, mieux utilisées de l’autre.
- Ce phénomène, en ce qu’il est régional, peut aussi nécessiter d’une véritable coopération entres les pays d’Amérique centrale : le Guatemala, le Honduras et le Salvador connaissent des problèmes semblables, notamment au sujet de la violence des gangs, et pourraient en ce sens accentuer le dialogue entre eux pour créer une union. Une ligne commune et efficace de lutte contre le narcotrafic est envisageable pour faire front commun.
Sources :
- CAMHAJI Elías, La caravana de migrantes entra en territorio mexicano, El País, 20 octobre 2018.
- MARTINEZ Carlos, La caravana de migrantes hondureños colapsa los albergues en Guatemala, El Faro, 19 octobre 2018.
- Trump amenaza a Honduras con cortar ayuda si no detienen caravana de refugiados, AFP y El Faro, 16 octobre 2018.
Florent Zemmouche