Heerlen. Le premier vice-président de la Commission européenne, porteur de la procédure pour violation des valeurs de l’Union à l’encontre de la Hongrie et de la Pologne, a lancé sa campagne à la présidence de la Commission mercredi 10 octobre depuis la ville du Limbourg d’où il est originaire (1). Dans un discours très personnel, il a évoqué son histoire familiale, affirmé son attachement à l’évidence contemporaine d’un espace européen sans frontières et fait le vœu d’une Union fraternelle et ambitieuse, parlant d’une seule voix pour s’imposer dans le jeu mondial face aux États-Unis et à la Russie (3).

Si cette approche reprend, sans originalité particulière, les canons programmatiques de la social-démocratie pro-européenne, on peut en retenir deux arguments marquants. D’une part le rappel de ses origines intimes dans une zone frontalière complexe et riche, contre l‘image de bureaucrate distant que d‘aucuns prêtent volontiers aux Commissaires : “Je suis de cette Europe-là. Je ne suis pas de l’Europe du Berlaymont, de Bruxelles, de Strasbourg.” D’autre part sa défense explicite d’une souveraineté post-nationale : “Que vous reste-t-il de votre souveraineté nationale si elle ne vous permet pas d’influencer la réalité ? […] La souveraineté n’est plus alors qu’un mot creux. […] Un homme seul dans le désert est souverain. Certes il va mourir de soif, mais il est parfaitement souverain” (5).

Sur le papier, le bras droit social-démocrate du Président Juncker a peu de chances d’accéder à la magistrature suprême : son Partij van de Arbeid (Parti du travail) a subi une sévère déconvenue l’an passé, ne récoltant que 5,7 pour cent des voix aux élections générales ; de plus, sa défense d’une application sévère de l‘article 7 a pu affaiblir sa proximité avec Juncker (2) tout en suscitant des inimitiés jusque dans son camp, notamment en Roumanie ; enfin, et surtout, les S&D dans leur ensemble sont lourdement fragilisés. Il peut toutefois compter sur des soutiens d’importance, dont celui d’Andrea Nahles, chef du SPD, et des socio-démocrates italiens et espagnols. Plus subtilement, Timmermans a eu jusque-là la faveur du premier ministre libéral néerlandais, Mark Rutte, qui l’a reconduit dans ses fonctions bruxelloises malgré les déboires de son parti. Il n’est donc pas à exclure, si le S&D parvient à éviter la débâcle, qu’il fasse toujours partie de la prochaine Commission.

Son collègue à l’énergie Maroš Šefčovič, moins connu du grand public, s’est déjà porté candidat (4). Alors que l’ex-chancelier autrichien Christian Kern, lui aussi candidat, a déclaré la semaine passée qu’il quittait la politique après avoir échoué à réunir le SPÖ derrière lui (6), et que Pierre Moscovici a annoncé qu’il ne se présenterait pas, Timmermans a de bonnes chances d’obtenir l’investiture des siens. La décision sera prise lors du congrès des S&D à Lisbonne en décembre.

Perspectives :

  • 8 décembre 2018 : congrès des S&D à Lisbonne.
  • Mai 2019 : élections européennes.

Sources :

  1. DALLISON Paul, Frans Timmermans launches Commission top job bid, Politico, 11 octobre 2018.
  2. HERSZENHORN David et DE LA BAUME Maïa, Juncker and Selmayr fight Timmermans on behalf of Poland, Politico, 8 juin 2018.
  3. KOSTAKI Irene, Frans Timmermans launches campaign for EU Commission’s top job, New Europe, 11 octobre 2018.
  4. MORGAN Sam, Timmermans, the right-hand of Juncker, eyes EU throne, Euractiv, 11 octobre 2018.
  5. TIMMERMANS Frans, Rede in Heerlen, 10 octobre 2018.
  6. « Jetzt Maßanzug und Krönchen kaufen » : Kerns Abschied als Berufspolitiker, Kurier, 6 octobre 2018.