Paris. L’innovation technologique a une vertu : elle nous pousse sans cesse à nous projeter dans ce que pourront être les marchés financiers de demain. Les technologies de registre distribué font partie, à l’évidence, des technologies susceptibles de bouleverser la manière dont les services financiers sont conçus et offerts.
Internet a révolutionné le transfert d’informations. Avec les technologies de registre distribué, nous sommes en passe de connaître « l’internet de la valeur » : des échanges transfrontières, quasi instantanés, à toute heure de la journée, quasiment gratuits, sécurisés et qui pourraient porter sur tout type de valeur : des monnaies virtuelles, points de fidélité, bons de réduction sur des services à venir, représentation de biens physiques (biens immobiliers, matières premières, œuvres d’arts, etc.).
En tant que régulateur, nous à l’Autorité des Marchés Financiers nous devons d’appréhender ces changements. Nous devons veiller à ce que nos cadres réglementaires restent adaptés, permettent de gérer les risques, de protéger efficacement les utilisateurs, sans perdre le bénéfice des innovations.
Prenons l’exemple des actifs financiers sur la blockchain, les security tokens. Pour ces derniers, le cadre réglementaire européen s’applique. Mais il n’est guère adapté au caractère décentralisé de l’environnement blockchain. Les règlements et directives sur les marchés (MIF2 1) et les dépositaires centraux (CSDR 2) ne permettent pas la création d’un véritable marché secondaire des security tokens.
Cela ne signifie pas que notre cadre réglementaire doit être rayé d’un trait ou que les intermédiaires actuels doivent disparaître. Les infrastructures de marché traditionnelles fonctionnent parfaitement et la blockchain ne sera peut-être pas « LA » révolution technologique qui les rendra obsolètes. Mais elle peut contribuer à une transformation en profondeur du fonctionnement des services financiers, synonyme de réduction des coûts d’intermédiation et d’accélération des délais de traitement. L’Europe se doit d’explorer cette possibilité.
Faut-il revoir dès à présent notre cadre réglementaire ? Modifier des textes aussi structurants que MIF2 et CSDR ne peut se faire sans documenter, sans retour d’expérience. Nous devons pouvoir expérimenter autour de la blockchain. Inscrit dans un règlement ou une directive, un mécanisme d’exemption sous condition et sous surveillance des autorités permettrait cette expérimentation et, dans un second temps, une adaptation raisonnée des textes.
Sources
- Directive 2004/39/ce du parlement européen et du conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil.
- Règlement (UE) n°909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE