1 – Les Bolcheviks et la paix
Septembre 1915 – juillet 1917
Le refus de la guerre était une constante bolchévique depuis le déclenchement des hostilités, et les socialistes russes étaient, avec les Serbes, les seuls à avoir refusé de voter les crédits de guerre de leurs gouvernements respectifs en août 1914, alors que les autres partis européens de la IIe Internationale marquaient l’échec de celle-ci en cédant au patriotisme. C’est ensuite à la conférence de Zimmerwald de 1915 que Lénine aura l’occasion de défendre sa ligne de la “transformation de la guerre impérialiste en guerre civile”.
En 1917, la question devient plus brûlante : après la révolution de février, les Mencheviks tentent de maintenir un équilibre précaire entre les engagements auprès de l’Entente et l’aspiration du peuple à la paix par la poursuite des combats dans l’objectif d’une “paix sans annexions ni contributions”. Ce sont alors les Bolcheviks qui se prononcent de manière décisive pour la paix, lors des journées d’avril puis de juillet qui assurent leur popularité auprès des ouvriers et des soldats et rendent ainsi Octobre possible. En d’autres termes, la fermeté des Bolcheviks, et de Lénine en particulier, sur l’opposition à la guerre a joué un rôle crucial pour leur gagner le soutien des masses jusqu’à l’insurrection, autant et peut-être plus que les questions sociales.
2 – Prise du palais d’Hiver
Du 6 au 7 novembre 1917
Dans la nuit, les soldats protégeant l’édifice où siège le Gouvernement provisoire l’abandonnent aux Bolcheviks qui l’encerclent. Ne voir que cette date, c’est bien sûr réduire à l’extrême l’épaisseur historique de la Révolution. Que représentent les quelques hommes prenant d’assaut un bâtiment officiel par rapport à l’immense fermentation sociale qui l’a rendu possible depuis au moins 1905, et par rapport à l’épouvantable guerre civile qui s’ensuivra ? Nous ne souhaitons pas bien sûr effacer ces faits, mais ce serait aussi une erreur que de manquer l’importance historique de ce qu’il y a justement eu de si simple dans le coup d’État bolchévique : prendre le pouvoir, c’était prendre le palais d’Hiver.
On prendra la mesure de cette affirmation en la comparant au temps présent : les militants altermondialistes qui assiègent année après année les G7 et les G20 ne sont-ils pas pris dans une course sans fin après un lieu du pouvoir plus rapide et plus insaisissable ?
3 – Les Bolcheviks et la paix, suite
De novembre 1917 à mars 1918
Le traité de paix de Brest Litovsk entre le nouveau pouvoir russe et l’Empire allemand est signé le 3 mars 1918. Pourquoi ce délai entre la prise de pouvoir bolchévique et le traité de paix, laissant entre temps la situation militaire russe se dégrader et conduisant donc à des conditions extrêmement difficiles pour le nouveau pouvoir soviétique ?
Les débats entre les différentes factions révolutionnaires à ce sujet furent intenses. Ce qui retarde la signature de la paix, c’est l’activisme de l’”Opposition de gauche” très importante dans les rangs du parti et menée par Boukharine, Ossinski et Smirnov. L’historien américain Stephen Cohen résume ainsi leurs arguments : “Les grèves et les émeutes à Berlin, Vienne et Budapest encouragent Boukharine et il veut déclencher la révolution en Europe par un acte de bravoure, “une guerre sainte contre le militarisme et l’impérialisme”. À l’inverse, négocier avec l’Allemagne impérialiste, c’est “se jouer du mouvement révolutionnaire international”.”
Boukharine va jusqu’à accepter la possibilité de laisser les armées allemandes avancer et prendre les villes, quitte à “opter, du moins au commencement, pour la guerre de partisans et les unités mobiles.” Le délai de la signature de la paix est ainsi le symptôme de débats intenses, et pas réglés d’avance, au sein des Bolcheviks, sur l’anatomie géopolitique d’une révolution prolétarienne.
4 – Références françaises, trop françaises ?
18 janvier 1918 (écho à l’année 1871)
Le pouvoir bolchévique avait tenu un jour de plus que la Commune de Paris : une légende tenace veut que ce jour-là, Lénine ait dansé dans la neige pour célébrer cette transformation de la quantité en qualité. En effet, à travers les textes de Marx, c’est au fait historique sans cesse ressassé des révolutions françaises que les marxistes russes font face. Dès 1913, Yermanski, un adversaire politique, accuse Lénine de “remplacer l’étude de la situation réelle par ses propres idées ainsi que par des schémas tout faits, des modèles d’enfants issus de l’histoire de la Grande Révolution française”. De fait, la référence à la Révolution française restera constante tout au long de la Révolution russe.
Puis au-delà de la “révolution bourgeoise” de 1789 qu’il faut dépasser, c’est la Commune de Paris, “gouvernement authentiquement démocratique et prolétarien”, qu’il faut imiter. C’est vers cette expérience que se tourne en un moment décisif, entre la révolution de février et celle d’octobre, un Lénine presque anarchiste lorsqu’il rédige l’État et la Révolution dont la leçon principale est que “la Commune a démontré que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre la machine de l’Etat toute prête et de la faire fonctionner pour son propre compte.” Et c’est encore à la Commune que se réfère Trotski, tout juste vainqueur de la guerre civile, pour démontrer contre Kautsky que “la tâche ne consistait pas à courir après la légalité, mais à porter un coup mortel à l’ennemi”.
5 – Guerre civile russe et guerre civile européenne
Année 1919
Le 2 mars 1919 est fondée la Troisième Internationale à Moscou. Cette nouvelle Internationale communiste se veut une force révolutionnaire mondiale, séparée des sociaux-démocrates auxquels on reproche d’avoir cédé aux sirènes du chauvinisme et du réformisme. À ce moment, la guerre civile fait rage en Russie et les Bolcheviks doivent faire face aux troupes de Dénikine à l’Ouest, à celles de Koltchak à l’Est et aux divers contingents européens venus les renforcer, notamment britanniques, grecs et français. Était-ce vraiment le moment de se préoccuper de refondation diplomatique ?
Pour comprendre ce geste, il faut se représenter la situation de l’Europe au cours de l’année 1919 : en janvier, le gouvernement social-démocrate allemand doit recourir aux proto-fascistes des corps francs pour réprimer la révolution spartakiste à Berlin, ce qui n’empêche pas la République des conseils de Bavière de perdurer jusqu’en mai ; en janvier encore, Churchill doit envoyer l’armée et ses chars pour réprimer une grève insurrectionnelle à Glasgow ; en mars, les communistes prennent le pouvoir en Hongrie sous la direction de Béla Kun ; en avril, les troupes françaises, effrayées par les mutineries menées par des communistes sur certains navires, quittent Odessa. C’est en été que la vague rouge continentale est à son apogée : le nouveau pouvoir hongrois repousse à l’Est la coalition militaire entre Roumains et Français et fonde au Nord la République slovaque des conseils ; la contre-offensive de l’Armée rouge en Sibérie repousse l’Armée blanche et reprend Oufa puis Tcheliabinsk ; en juin la France connaît de grandes grèves politisées et violemment réprimées ; le mois suivant c’est au tour de l’Italie, où l’agitation touche également les campagnes et est explicitement menée en soutien aux Bolchéviques de Russie et de Hongrie.
6 – Korenizatsiya
Avril 1923 (refoulé en décembre 2013)
En avril 1923, le XIIe Congrès du parti communiste soviétique lance officiellement la politique d’indigénisation (korenizatsiya). Regardons de plus près la situation en Ukraine : l’usage de la langue ukrainienne est favorisé dans tous les pans de la société et nombre de cadres locaux sont promus à des postes importants dans l’appareil soviétique. Cette politique s’applique dans un territoire pour lequel les Bolcheviks ont dû combattre jusqu’en 1922 contre diverses forces, dont l’armée nationaliste de Petlioura, mais aussi les troupes grand-russes de Dénikine, inflexible sur le mot d’ordre de la “Russie grande, unie et indivisible”. Mais la conquête bolchévique doit surtout être replacée dans le temps long : à la veille de sa chute en février 1917, la dynastie Romanov régnait alors sur près de 180 millions de sujets, dont de nombreux peuples « allogènes » aspirant au particularisme et réfractaires à la politique de russification à marche forcée menée par la Russie pétersbourgeoise depuis 1713.
Le léninisme aura donc permis un éveil nationaliste ukrainien effectif entre 1917 et 1929, lorsque Staline entreprend un vaste mouvement de recentralisation à l’occasion du premier plan quinquennal. Ainsi, lorsque le mouvement nationaliste ukrainien commence en décembre 2013 à abattre partout les statues de Lénine héritées de l’ère soviétique (c’est le Leninopad), il s’agit non seulement de s’attaquer à l’ennemi, mais en même temps peut-être de tuer le Père.
7 – La fin d’une ère
7 novembre 1989
Lorsque Gorbatchev participe ce jour-là, conformément à un rituel parfaitement rôdé, à la dernière commémoration d’Octobre pouvant se réclamer sans heurts du rituel, deux jours avant la chute du mur de Berlin, le ver est cependant déjà dans le fruit : la vision hagiographique de l’Événement d’Octobre parvenait à un certain essoufflement dans les années 1980, notamment avec le social turn qui remettait sur le devant de la scène historiographique divers groupes marginalisés par l’histoire orthodoxe : les non-russes, les femmes, les soldats, les paysans. Ainsi, à la fin des années 1980, les questions posées par l’histoire académique en Russie comme à l’étranger et éclaircies par l’ouverture des archives rencontrent les interrogations de la société sur son histoire à l’heure de la perestroïka.
Mais ce bouillonnement intellectuel ne dure pas : l’une des réponses aux interrogations qui se développent consiste à renverser la perspective soviétique en faisant de 1917 la catastrophe par excellence. Sous Eltsine, un extrême est remplacé par son contraire, on promeut l’image d’Octobre comme d’un soleil noir, le premier pas vers une décadence anti-moderne et par là même anti-démocratique formant une parenthèse de 70 ans dans le progrès russe vers la modernité. Elle est un véritable accident de l’Histoire, un coup d’État mené par une poignée d’hommes sans scrupules, au rebours des désirs profonds de la population. Cette lecture d’Octobre comme catastrophe reprend les codes et les grilles de lecture de l’histoire officielle désormais caduque ; la perspective téléologique demeure, ainsi que le rôle directeur du Parti, seul maître à bord, pour le pire et non pour le meilleur cette fois-ci.
Or les fondements de cette idée sont géopolitiques : elle dépend d’une vision de l’Histoire comme progrès vers une modernité fondamentalement occidentale, bien développée par exemple par Gavrili Popov. Autrefois d’abord : on met en avant que, sous la houlette modernisatrice de Stolypine, la Russie des années 1910 semblait promise à un avenir radieux, c’est-à-dire à un développement dans la droite lignée des pays occidentaux : investissements dans les infrastructures, croissance du parc industriel, amélioration de la santé publique. Aujourd’hui ensuite : puisque 1917 fut une erreur, un accident, il est possible de « reprendre le travail où l’on l’a laissé » ; de revenir à cette Russie prospère et heureuse, en voie de développement, en adoptant les réformes libérales et modernisatrices qui en imposant au pays la « thérapie de choc » économique pilotée par les économistes américains dont il a besoin déboucheront nécessairement sur l’avènement de la démocratie politique, à l’occidentale une fois encore.
8 – Revanche de la Russie éternelle
9 mai 2001 (écho au 9 mai 1945)
C’est le Jour de la victoire qui commémore chaque année en Russie la fin de la Grande guerre patriotique, c’est-à-dire la Seconde guerre mondiale. Cependant, cette année-là est particulière : pour la première fois depuis 1990, le défilé se déroule de nouveau à la musique de l’hymne soviétique, rétabli avec de nouvelles paroles par Vladimir Poutine après son entrée au Kremlin. On voit là toute l’habileté politique du nouveau chef d’État qui réussit à réhabiliter la période soviétique en s’appuyant sur la victoire contre les nazis. Il s’agit de reprendre la tradition stalinienne de combinaison entre l’idéologie nationaliste grand-russe et les thèmes marxistes, qui voyait dans la “patrie du socialisme” l’héritière d’une longue histoire d’affirmation géopolitique et dont la meilleure propagande fut sans doute Alexandre Nevski (1938).
Dans cette perspective, 1917 joue un rôle ambigu. En effet si la révolution en tant qu’événement historique fut le moteur de l’avènement d’un régime triomphant et modernisateur – elle représente toutefois ce que Poutine et tous les tenants d’un pouvoir fort détestent : février, encore plus d’octobre, c’est la corruption de la société organique russe par des idées étrangères ; c’est la rupture du lien sacré unissant le peuple et l’autocratie, fomentée par des intellectuels « agents de l’étranger », travaillant à affaiblir l’Empire russe, intoxiqués par les idées occidentales de « liberté » et de « démocratie ». 1917 dans cette perspective représenterait presque une épreuve, un fléau de Dieu -dans une lecture profondément chrétienne de l’histoire- ; la Russie devait surmonter cette épreuve pour parvenir à la victoire lors de la Grande Guerre Patriotique et retrouver sa grandeur passée, la grandeur impériale qui apparaît comme l’une des continuités existantes entre Russie tsariste et Russie soviétique.
9 – Devenir révolutionnaire
17 juin 2013
Ce jour-là, le tout nouveau pape François s’adresse au Congrès ecclésial du Diocèse de Rome : « Aujourd’hui, un chrétien, s’il n’est pas révolutionnaire, n’est pas chrétien. » On dira que cette sentence romaine n’a rien à voir avec la grande lueur à l’Est et que Lénine n’a pas le monopole de la révolution : pourtant l’année dernière, lorsque le même François a fait paraître sous forme d’un petit livre bleu la dernière version de la doctrine sociale de l’Église intitulée DOCAT, il l’a sous-titré Que faire ? comme le célèbre pamphlet de 1902.
On ne peut bien sûr pas mettre de côté la campagne lancée par Lénine début 1922 pour confisquer les biens du clergé dans les campagnes : “nous pouvons (et par conséquent devons) confisquer les biens de l’Église avec une énergie farouche, impitoyable. Plus le nombre de représentants du clergé réactionnaire et de la bourgeoisie réactionnaire passés par les armes sera important, mieux cela sera pour nous.” Mais les surprenantes convergences entre l’attitude révolutionnaire et l’attitude religieuse demeurent, comme en témoigne l’Obélisque des penseurs socialistes du jardin Alexandre à Moscou : en 1918, les Bolcheviks remplacent sur cette colonne à l’honneur des Romanov le nom des tsars par celui des précurseurs du socialisme, parmi lesquels deux utopistes de la Renaissance, Tommaso Campanella, qui nous a légué sa Cité du Soleil, et Thomas More, l’auteur de l’Utopie. Or le premier était un moine dominicain, et le second un théologien, grand pourfendeur des luthériens, béatifié par l’Église catholique.
10 – Lénine au XXIe siècle ?
Octobre 2017
Le centenaire de la révolution finit par projeter un effet de lecture étonnant et quelque part souhaitable sur un événement récent, le XIXe congrès du Parti Communiste Chinois.
Comme nous l’expliquions récemment, le congrès avait été pensé comme la grande mise en scène de la politique chinoise. Il devait produire des images, exprimer une hiérarchie, donner à voir un symbole. Peu d’observateurs ont cependant remarqué avec l’étonnement requis ce constat pourtant évident. Le plus grand parti politique de la planète s’est réuni, en octobre 2017, à l’ombre d’une faucille et d’un marteau.
Dans la relation conclusive du Congrès, un long discours de trois heures prononcé par celui qui a été défini tout récemment l’homme le plus puissant de la planète, le nom de Lénine a figuré à plusieurs reprises. Faudra-t-il ouvrir à nouveau l’archive du XXe siècle pour poser cette question quelque peu étrangeante pour la génération née en Europe après 1989 : le XXIe siècle verra-t-il réapparaître le nom de Lénine ?
Pour les commentateurs de la presse conservatrice, peu préparé par les débats de sortie de la guerre froide à la compréhension du phénomène, « léninisme » sert à exprimer, tout simplement, l’autoritarisme centralisant du parti. Le nom de Lénine est alors un carcan inutile et nocif. Dans un article particulièrement approximatif paru sur le Financial Times, Martin Wolfe définissait le discours de Xi « Too big, too leninist » en déclarant dans un ton prophétique : “une crise est au rendez-vous”.
Lénine à vrai dire ne figurait pas tout seul dans la relation de Xi mais était accompagné du nom de Marx, tous les deux déclinés en “doctrine” : le marxisme-léninisme. Le concept de marxisme-léninisme paraît en Russie surtout à partir des années ‘20 jusqu’à se retrouver à plusieurs reprises sous la plume de Staline. Son marxisme-léninisme est une variante du corpus pratique-théorique de Lénine conçue pour neutraliser les caractères internationalistes et révolutionnaires, incarnés, un moment, par la variante Trotsky. En revendiquant sa continuité avec les sources de la tradition marxiste, Staline souhaite placer son action au-delà de toute critique.
Mao Zedong, par une démarche comparable à celle de Staline, attribuera à sa pensée la caractéristique de “marxisme-léninisme”. C’est bien par cette médiation chinoise, conçue comme prise de distance par rapport au révisionnisme soviétique, que le nom de Lénine réapparaît en octobre 2017.
S’il y a eu des voyages organisées pour commémorer la révolution d’octobre, les cadres dirigeants du parti n’ont pas paru directement concernés par l’événement. La voie chinoise au marxisme-léninisme incarnée par Xi a fini par s’opposer à la voie russe au capitalisme illibéral incarnée par Poutine. Les deux mémoires divergent essentiellement sur l’événement, aucune rencontre n’est dès lors possible.
Il faut alors savoir apprécier la continuité chinoise vis-à-vis de cette doctrine que, par eurocentrisme, nous comprenons un peu de la même manière que l’alchimie. On a dit que le Parti communiste chinois avait trahi tous les principes du communisme en se rendant à l’économie de marché avec les réformes de libéralisation lancées en 1978 par Deng Xiaoping (qui disait « peu importe que le chat soit blanc ou noir, tant qu’il prend des souris ») et redoublées dans les années ’90.
La trahison du léninisme pour autant est plus difficile à apercevoir. Dès 1918, lorsque la paix le permet, Lénine défend la mise en place du “capitalisme d’État” comme voie de transition vers le socialisme : “Le capitalisme d’Etat est, au point de vue économique, infiniment supérieur à notre économie actuelle. Il ne contient rien que le pouvoir des Soviets doive redouter.” Et de fait la NEP mettra ce programme en œuvre dès que les objectifs économiques pourront à nouveau prendre le pas sur les objectifs militaires avec la fin de la guerre civile.
« Le prince moderne », le Parti, se décline encore en État en Chine. Le parti de masse permet de disposer d’observateurs capables de mettre en place des stratégies de censure à tous les niveaux (processus accéléré par les stratégies de contrôle du numérique qu’on a appelées, d’ailleurs, digital leninism), mais aussi de centraliser et faire émerger pour les trancher les grands thèmes d’intérêt public.
La question est bien celle des moyens qui précèdent l’action politique. Le tournant environnementaliste chinois soudain et à tous les égards impressionnant est obtenu par le changement de la ligne du parti central qui parvient à s’adapter et à interpréter les instances politiques (et scientifiques) recueillies dans les différents points du réseau, dans une constante circulation de l’information produisant une décision politique effective. Si la vision léniniste d’une nouvelle société comme d’un système industriel centralisé est sans doute devenue « inutile », comme le reconnaissait Slavoj Žižek, il faut encore comprendre ce que vient faire le nom de Lénine en plein milieu de la réunion du plus grand parti politique du monde.