Rome/Tripoli. La ligne Rome-Tripoli a été beaucoup empruntée ces derniers jours. Après le voyage du ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini à la fin de juin, dont nous avions déjà parlé dans la lettre de la semaine dernière (4), le ministre des Affaires étrangères Enzo Moavero Milanesi s’est également rendu à Tripoli le 8 juillet, au cours d’un voyage très rapide où il a rencontré le président du Conseil présidentiel Fayez al Serraj et d’autres hauts fonctionnaires du gouvernement libyen. La ministre de la Défense, Elisabetta Trenta, effectuera également sa visite dans les semaines à venir. La principale raison de cet intérêt du gouvernement italien pour la Libye reste l’immigration : l’annonce par Rome de l’envoi gratuit de 12 patrouilleurs en Libye et de l’aide à la formation des garde-côtes libyens va dans le sens d’impliquer davantage Tripoli dans sa lutte contre le trafic illicite de migrants vers l’Italie, laissant même, à long terme, à la Libye la tâche de coordonner les sauvetages en mer (5). La Libye, quant à elle, a partiellement ouvert la possibilité de réaliser des centres de tri pour les migrants dans le pays et d’activation des mécanismes de rapatriement volontaire.
Bien que, comme le gouvernement italien l’a répété, “la stabilité en Libye dépende de la résolution du problème de l’immigration”, le partenariat renouvelé avec Rome a une portée plus large. L’économie est au centre : la relance de l’accord d’amitié et de coopération signé par les deux pays en 2008 puis interrompu à la suite des troubles en Libye se profile. Cet accord prévoit un rôle de premier plan pour certaines entreprises italiennes, comme Impregilo et Aeneas, dans la construction d’infrastructures stratégiques. En outre, le commerce est revenu à la croissance en Libye, atteignant près de 4 milliards, avec une croissance de 34 % par rapport à 2016 (3). Presque tout est dû au pétrole, qui a recommencer à « couler » vers l’Italie. Les exportations devraient continuer à augmenter, grâce à la capitulation de Haftar, qui a accepté de vendre ses champs de pétrole à la compagnie nationale Noc (1).
L’affirmation vigoureuse des liens entre Rome et Tripoli est surtout motivée par le désir de reprendre l’initiative en Libye, de regagner du terrain contre la France de Macron. Dans le schéma du jeu en train de se former, l’Italie aurait l’ambition d’agir en tant que partisan du gouvernement Serraj reconnu par l’Onu, en soutenant sa feuille de route pour la paix et la stabilité. C’est Moavero Milanesi qui a relancé le plan de l’Onu lors de sa visite. Ce plan avait reçu l’aval de l’UE avec la récente visite du président du Parlement européen, M. Tajani, et sa promesse de soutenir le processus démocratique à Tripoli. Un soutien supplémentaire pour le rôle de leader de l’Italie en Libye pourrait venir de Washington : ce n’est pas une tâche facile, mais une tâche que le président Conte pourrait tenter lors de sa prochaine visite aux États-Unis (2).
Perspectives :
- Bien que la date n’ait pas encore été officiellement annoncée, la ministre italienne de la Défense, Elisabetta Trenta, devrait se rendre prochainement en Libye, poursuivant ainsi l’offensive diplomatique italienne.
- 30 juillet 2018 : Le premier ministre italien Giuseppe Conte se rendra officiellement à Washington pour une visite bilatérale avec le président Trump.
- 10 décembre : prochaines élections en Libye.
Sources :
- Libia, Compagnia del petrolio annuncia ripresa delle esportazioni, Askanews, 11 juillet 2018.
- CABRAS Stefano, Europa, Onu e relazione bilaterale. Così l’Italia (bipartisan) stringe sulla Libia, Formiche, juillet 2018.
- MARINI Andrea, Non solo migranti, l’interscambio Italia-Libia vale 4 miliardi, Il Sole 24 Ore, 27 juin 2018.
- MUSINA Daniela, En Libye, la traite d’êtres humains s’accroît malgré les efforts internationaux, La Lettre du lundi, Édition 14, 5 juillet 2018.
- PELOSI Gerardo, Libia : Serraj chiede al ministro Moavero la riattivazione dell’accordo Berlusconi-Gheddafi, Il Sole 24 Ore, 8 juillet 2018.