Tripoli. La traversée de la Méditerranée continue d’être l’une des routes les plus meurtrières du monde. Rien qu’au cours des deux dernières semaines, le nombre de victimes a dépassé les 200, le chiffre le plus dramatique depuis le début de l’année.
A l’occasion de sa mission en Libye le 25 juin dernier, le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, a rencontré le vice-président du gouvernement de l’Accord national, Ahmed Maitig. Lors de la conférence de presse à la fin du sommet (2), Salvini a félicité les autorités libyennes pour le travail accompli jusqu’à présent dans la gestion du trafic au large des côtes, et Maitig a à son tour loué l’exemple italien de coopération avec la Libye, invitant d’autres pays à le suivre. Une conformité renouvelée des intentions qui semblerait présager une plus grande impulsion vers une action de contraste des flux migratoires en Méditerranée.
En effet, après la pause du Ramadan, les garde-côtes libyens ont repris leurs activités au large des côtes de la Tripolitaine. Près de deux mille bateaux transportant des migrants ont été interceptés en dix jours seulement. Ce résultat apparemment efficace est conforme aux données de l’Oim sur l’effondrement des débarquements en Italie, un effondrement de 78 % par rapport au 2017 (3).
Toutefois, le programme de soutien aux garde-côtes libyens, financé par l’UE et l’Italie, pourrait ne pas suffire à expliquer une telle diminution. L’effet immédiatement visible semble être celui d’une reconfiguration des points de départ vers d’autres régions du pays, en particulier vers l’est et vers la frontière nord-ouest (4).
Dans cette recomposition géographique, le cas de la ville amazighe (« berbère ») de Zuwara, à deux pas de la frontière tunisienne, est emblématique de la fluidité des flux de migration en Tripolitaine. Au cours de l’été 2015, un naufrage qui avait fait plus de 200 morts a déclenché une protestation contre les trafiquants. Le conseil municipal s’est engagé à supprimer le trafic, avec des résultats immédiats, mais les réseaux criminels se sont déplacés un peu plus à l’est, vers Sabrata, qui est devenu depuis lors le centre névralgique du trafic (1). L’augmentation de l’opérabilité des garde-côtes libyens le long de la côte ouest ne semble donc pas empêcher l’utilisation d’itinéraires alternatifs.
Perspectives :
- Alors que les débarquements diminuent, les données sur les réseaux de trafic restent plus ou moins inchangées et les trafiquants ont un meilleur accès à l’est du pays et à la frontière nord-ouest. Il est donc essentiel de surveiller les voies de passage non conventionnelles, qui sont souvent aussi des itinéraires faciles pour les contrebandiers d’hydrocarbures.
- Dans un contexte où les opportunités de profit sont recréées et où les difficultés de navigation augmentent, les conditions de transit pour les migrants deviennent beaucoup plus dangereuses – comme le démontrent les conditions des centres d’accueil, aujourd’hui dispersés dans tout le nord du pays.
Sources :
- ABDELWAHED Mahmoud, Italy’s Salvini visits Libya for talks to stop migration, Al Jazeera, 25 juin 2018.
- BELLINGRERI Marta, Zuwara, Libia : la città che ha detto basta alle morti in mare, Open Migration, 4 septembre 2017.
- IOM Italy Briefing, Migration and transnationalism in Italy , Issue N°3, février 2018.
- UNHCR briefing, Mixed migration routes and dynamics in Libya The impact of EU migration measures on mixed migration in Libya , avril 2018.