Ankara – « Les développements en Syrie et ailleurs rendent urgent le passage au nouveau système exécutif, afin de prendre des décisions fortes pour l’avenir du pays » déclarait Recep Tayyip Erdoğan à l’annonce de la convocation d’élections anticipées le 18 avril 2018 (3). Toutefois d’autres facteurs sont entrés dans l’équation politique. En effet, pour ne pas risquer l’impopularité dans un contexte de crise monétaire et de forte inflation, mais aussi pour empêcher l’opposition de coordonner une coalition, le président turc a souhaité être réélu le plus rapidement possible pour entériner l’entrée en vigueur du nouveau régime présidentiel.

Ainsi, le 4 juillet 2018, Sadi Güven, président du Haut Conseil Électoral turc (YSK) a publié les chiffres définitifs des scrutins présidentiels et législatifs du 24 Juin. Avec un taux de participation de 86,24 % soit 51 197 959 votants, Erdoğan a été réélu président (pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois) au premier tour avec 52,59 % des suffrages exprimés. Muharrem İnce (CHP) a obtenu 30,64 % des voix, Selahattin Demirtaş (HDP) 8,40 %, Meral Akşener (İyi Parti) 7,29 %, Temel Karamollaoğlu (SP) 0,89 %, Doğu Perinçek (VP) 0,20 %. Pour ce qui est des élections législatives, la coalition AKP-MHP a obtenu la majorité avec respectivement 295 et 49 sièges au parlement contre la coalition de l’opposition qui place à l’Assemblée nationale 146 députés du CHP, 43 du İyi Parti ; le HDP, quant à lui, dépasse les 10 % et obtient donc 67 sièges (1).

Approuvée par référendum le 16 avril 2017 à 51,4 % des voix, la réforme constitutionnelle entrera en vigueur ce lundi et consacre « le début d’une nouvelle ère pour la Turquie […] grâce à un nouveau système de gestion sous la forme idéale » pour son premier défenseur et premier bénéficiaire, Recep Tayyip Erdoğan (4). Jusqu’à présent et en théorie, les compétences du chef de l’État en Turquie étaient très limitées. Et même si  le pouvoir était entre les mains d’Erdoğan de facto, il l’est maintenant de jure. Le président a désormais la possibilité d’influer sur le pouvoir judiciaire par la capacité de nommer et destituer les magistrats. Il exerce également une influence sur le pouvoir législatif en prononçant des décrets-loi et en disposant d’un droit de veto sur les lois votées par le parlement et de l’autorité pour dissoudre ce dernier ; inversement, le parlement peut encore destituer le président. Concernant le pouvoir exécutif, le poste de Premier Ministre est supprimé, faisant du chef de l’Etat le chef du gouvernement. Par la même occasion celui-ci peut également demeurer chef de son parti politique (5).

Perspectives :

  • Lundi 9 Juillet, le président turc prêtera serment à 16h30 (heure turque) devant la Grande Assemblée Nationale de Turquie et après une visite solennelle au mausolée d’Atatürk, fondateur de la république. Il prendra ses fonctions lors d’une cérémonie dans le grandiloquent palais présidentiel, pour ensuite annoncer son gouvernement.
  • Muharrem İnce, principal candidat de l’opposition, a demandé la tenue d’un Congrès extraordinaire du CHP pour éventuellement en prendre la tête et proposer à l’actuel président du parti, Kemal Kılıçdaroğlu de devenir président d’honneur.
  • Binali Yıldırım s’apprête à quitter son poste de Premier Ministre supprimé par la réforme constitutionnelle. Lors de l’une de ses dernières interventions, il annonçait qu’avec la mise en place d’un nouveau gouvernement, l’état d’urgence pourrait arriver à son terme. En défendant la méthode offensive de la politique sécuritaire turque il affirmait en revanche qu’un décret-loi permettra de renforcer les dispositions pour poursuivre efficacement la lutte antiterroriste (2).

Sources :

  1. Turkey : Anadolu Agency and election body results match, Anadolu Ajansı, 04 juillet 2018.
  2. Başbakan Yıldırım : Yarın son KHK’yı yayımlayacağız, Anadolu Ajansı, 05 juillet 2018.
  3. Erdoğan (re)devient le super-président de la Turquie, Arte, 25 juin 2018.
  4. Erdoğan Recep Tayyip, Discours de victoire de Recep Tayyip Erdoğan le soir du scrutin, 24 juin 2018.
  5. Turkey constitutional changes : what are they, how did they come about and how are they different ?, The Independent, 21 janvier 2017.