Avec l’annonce des résultats officiels des élections le 7 novembre, les tendances prévues par les premières projections de la soirée électorale sont devenues réalité : pour la première fois dans l’histoire de la République fédérale, une coalition de la CDU, du SPD, des Verts et du FDP n’a pas la majorité dans un parlement allemand.
La Linke, dirigée par le Premier ministre Bodo Ramelow, reçoit un mandat gouvernemental clair (31,0 %), mais la coalition sortante rouge-rouge-vert ne tient plus. Au lieu des 46 sièges requis pour la majorité au parlement du Land de Thuringe, elle en obtient 42. Pour la première fois, la Linke est devenue la force politique la plus puissante dans un parlement régional.
Le plus grand perdant des élections en Thuringe est la CDU : le parti perd 12 points de pourcentage et arrive troisième avec 21,8 % des voix – derrière l’AfD. Après la Saxe et le Brandebourg, le parti d’extrême-droite mené par le représentant du courant nationaliste Flügel, Björn Höcke, est devenu, en Thuringe également, le deuxième parti le plus puissant. L’AfD a doublé son résultat de 2014 et a terminé à 23,4 %.
Les Verts et le FDP sont également représentés au nouveau parlement du Land. Pour la première fois en dix ans, les libéraux ont réussi à réintégrer un parlement d’Allemagne de l’Est, avec seulement 73 voix au-dessus de la barre de 5 % requise, un résultat extrêmement serré. Comme lors des deux dernières élections régionales, les Verts n’ont pas pu s’appuyer sur leurs très bons résultats au niveau fédéral, ainsi que sur les succès des élections européennes et des élections régionales en Bavière et en Hesse : ils n’ont obtenu que 5,2 % des voix.
Ce résultat conduit à une grande incertitude quant à la formation gouvernementale. Arithmétiquement, on ne peut considérer que deux alliances, qui disposent des 46 sièges requis au parlement thuringeois : une coalition de la CDU et de la Linke (50 sièges) et une alliance entre la gauche, le SPD, les Verts et le FDP (47 sièges). Tant la CDU que le FDP ont fermement exclu toute coopération avec la Linke. Par conséquent, la coalition rouge-rouge-vert pourra finalement se poursuivre – sous la forme d’un gouvernement minoritaire sous la direction du ministre-président Bodo Ramelow, activement toléré par la CDU. Concrètement, cela signifie que la CDU donnerait une majorité aux projets de loi de la coalition. En retour, la CDU bénéficierait de l’appui du gouvernement pour certains projets particuliers. Alors que la gauche, le SPD et les Verts se sont déjà rencontrés pour des pourparlers, la CDU et le FDP préféreraient que le Land soit gouverné par une coalition dite « zimbabwéenne » – une coalition de la CDU, du SPD, des Verts et du FDP. Étant donné que même cette alliance de quatre ne disposerait pas d’une majorité au parlement et, en outre, obligerait le vainqueur des élections de gauche à tolérer activement la coalition, une telle issue est politiquement peu probable.
Pour les chrétiens-démocrates, cependant, ce n’est pas seulement le résultat des élections qui est désastreux. Les tensions qui règnent au sein de la CDU ont été révélées en particulier par les discussions internes qui ont suivi : le représentant de la CDU de Thuringe Michael Heym à évoqué une coopération entre CDU, FDP et AfD immédiatement après les élections, alors que 17 autres politiciens de la CDU demandaient des « discussions ouvertes » avec l’AfD. Certes, le secrétaire général de la CDU, Paul Ziemiak, a tenté de limiter les dégâts et a rejeté la proposition en la qualifiant de « folle » ; en même temps, Tilman Kuban, dirigeant des jeunes du parti, a remis en question le leadership d’Annegret Kramp-Karrenbauer et l’automatisme de sa candidature à la chancellerie en 2021 : diriger le parti n’assurerait plus de pouvoir se présenter à la plus haute magistrature.
Les pertes lors des élections législatives dans plusieurs Länder et lors des élections européennes – tout au long du mandat d’AKK -, la décision de se démarquer de l’AfD, qui a été attaquée à plusieurs reprises par les politiciens de la CDU, et le débat en cours sur la chef du parti Annegret Kramp-Karrenbauer : y aura-t-il une révolution lors du congrès fédéral du parti cette semaine ?