Washington. Le 9 juin, les dirigeants du conglomérat United Technologies Corporation (UTC) et de l’entreprise Raytheon, ont annoncé leur fusion prochaine, un « mariage entre égaux » qui pourrait avoir lieu dès le premier semestre 2020. Des discussions avaient débuté à l’été 2018 entre les deux groupes, qui par un échange d’actions vont devenir Raytheon Technologies Corporation, un groupe valorisé entre 80 et 120 milliards de dollars en bourse pour un chiffre d’affaires cumulé estimé à 74 milliards de dollars en 2019. Cette fusion qui reste à faire valider par les autorités de la concurrence américaines octroierait à UTC 57 % du nouveau groupe 1, ce dernier qui serait probablement dirigé par Gregory Hayes, l’actuel dirigeant de UTC.

Ce rapprochement créerait un groupe relativement équilibré et complémentaire, d’une part entre le civil et le militaire (46/54) et d’autre part entre la commande nationale et les exportations (budget Pentagone estimé à plus de 700 milliards de dollars pour la FY2020, et le secteur de l’aviation commerciale est en plein essor). Raytheon c’est notamment la production des missiles Tomahawk et AMRAAM, des systèmes anti-missiles Patriot, et des systèmes de contrôle opérationnel pour les satellites GPS ; UTC c’est la production de moteurs d’avions civils et militaires via Pratt & Whitney et d’équipements d’avions via Collins Aerospace. En s’établissant ainsi, le groupe investirait plus de 8 milliards de dollars par an dans la R&D et pourrait se positionner sur les nouveaux programmes d’avions, les technologies hypersoniques, les capacités ISR ou encore l’intelligence artificielle. Un groupe bien intégré proposerait des systèmes plus larges et de nouvelles plateformes. Raytheon Technologies Corporation deviendrait ainsi la seconde entreprise mondiale du secteur aérospatial derrière Boeing (CA de $100Mds en 2018), et devant Airbus ($72Mds) et Lockheed Martin ($47Mds).

Cette impressionnante fusion n’est pas sans difficultés. L’intégration du groupe n’est pas acquise : UTC est encore en train de digérer l’acquisition de Collins Aerospace (anciennement Rockwell Aerospace) racheté en 2018 pour $30Mds ; et va devoir se séparer de ses filiales Ottis (ascenseurs) et Carrier (climatisation) du fait des mouvements d’actions, alors que ces filiales pèsent lourd sur la capitalisation boursière du conglomérat. Un groupe de cette taille sur le marché est une menace pour beaucoup de petites compagnies qui jouent sur le segment de l’innovation de pointe. L’innovation sera donc un important défi pour le nouveau groupe.

La principale critique émise à l’égard de cette fusion est la pression qui en résulterait sur le Pentagone. Ce dernier souhaite bien évidemment une consolidation du secteur (rachat de General Dynamics et Sikorky par Lockheed Martin, fusion de Northrop et Grumman, etc) mais pas que les prix augmentent, ce qui est à craindre ici. A cet égard, le président Donald Trump s’est exprimé le 10 juin sur CNBC, se montrant inquiet sur les futures négociations avec le Pentagone et souhaitant voir de la concurrence 2. Probablement vu d’un mauvais œil par les concurrents et du fait des mots du président, le 11 juin à la clôture de la bourse à New-York, l’action de Raytheon avait chuté de 5.1 %, et celle de UTC de 3.9 %. 3

Perspectives :

  • Du fait de la complémentarité des deux entités, l’autorité de la concurrence ne devrait pas s’opposer à une telle fusion au prétexte de la formation d’un monopole.
  • Un tel groupe représenterait un concurrent plus imposant sur le marché international de l’aéronautique notamment pour les producteurs de plateformes comme Airbus et les équipementiers comme Safran ou Thalès.