Brésil. En janvier 2019, le président brésilien Jair Bolsonaro (PSL) a signé un décret allégeant la possession d’armes à feu dans le pays, en autorisant de garder une arme à feu chez soi ou dans son lieu de travail, et ceci, à condition que le propriétaire de l’arme à feu soit le tuteur légal de l’établissement. De ce fait, le règlement du Estatuto de Desarmamento – politique de maîtrise des armements en vigueur au Brésil depuis le 22 décembre 2003 ayant pour but de réduire la circulation d’armes et d’établir des sanctions strictes pour des crimes tels que la possession illégale et la contrebande a été modifié.1. Entre 2003 et 2015, ce règlement aurait permis de sauver plus de 160 000 vies, parmi lesquelles celles de plus de 112 000 jeunes, âgés de 15 à 29 ans, selon le Mapa da Violencia 2015.2.

Mardi 7 mai, ce fut le tour du port d’armes à feu. Comme il l’avait promis lors de sa campagne, le président a signé un décret qui autorise le port d’armes dans des lieux publics pour un ensemble de professions telles que les instructeurs de tir accrédités par la police fédérale, les collectionneurs, les chasseurs, mais aussi les agents publics, qu’ils soient actifs ou pas, les avocats, les officiers de justice, les attachés de presse travaillant sur la couverture policière, les agents de trafic, les chauffeurs d’entreprise, les résidents dans les zones rurales et les hommes politiques.3. Le décret permet également aux détenteurs d’armes à feu autorisés d’acheter jusqu’à 5 000 munitions par an, une différence considérable par rapport à la limite précédente de 50 munitions par an, et de posséder jusqu’à 4 armes à feu. Le décret, qui entrerait en vigueur dans les trente prochains jours, lève l’interdiction sur l’importation d’armes.

Cette modification, l’une des promesses de campagne du président Bolsonaro afin de lutter contre la violence et le crime qui touchent le pays, est largement critiquée. Le décret a été signé unilatéralement sans avoir été présenté sous forme de projet ensuite traité par le Congrès pour pouvoir modifier la loi existante. De nombreux projets de loi sur le port de certaines catégories d’armes avaient été présentés par différents parlementaires. Dans ce contexte, le décret est considéré par certains comme l’expression d’un abus de pouvoir du président. En 2017, l’ancien président Michel Temer avait opposé son veto, sur avis du Ministère de la Justice, au projet de loi autorisant l’utilisation d’armes par les agents de trafic, proposition qui avait été approuvée un mois auparavant par le Congrès national.

Le parti d’opposition Rede Sustentabilidade, dirigé par Marina Silva, ancienne ministre de l’Environnement sous Lula (2003 – 2008) et ayant obtenu 21,3 % des voix lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2014, a contesté la constitutionnalité du décret signé mardi dernier devant la Cour suprême fédérale (STF) du Brésil. La juge Mme Rosa Weber a établi que le décret constituait un « abus de pouvoir réglementaire » et qu’il « contrevenait à l’esprit du Estatuto de Desarmamento de 2003”, qui interdit de porter des armes dans des lieux publics. La Cour Suprême du Brésil a donné cinq jours au président Jair Bolsonaro pour justifier son décret qui autoriserait plus de 19 millions de Brésiliens à porter des armes4.

Si le décret était finalement approuvé, le Brésil ne serait pas le seul pays d’Amérique latine et des Caraïbes à autoriser la possession ou le port d’armes. À Porto Rico, la loi autorise les personnes titulaires d’une licence, d’une durée maximale de 5 ans, à disposer de deux armes à feu au maximum, mais à n’en porter et à n’en transporter qu’une seule de manière « cachée ou non ostentatoire » conformément à la loi en vigueur depuis l’année 2000. Au Mexique, l’article 10 de la Constitution autorise les citoyens à disposer légalement des armes chez eux pour assurer leur sécurité et leur défense légitime, mais leur port est aussi soumis à une licence. Le fait de porter, de fabriquer ou de manipuler des armes sans les autorisations correspondantes est néanmoins considéré comme un crime passible d’une peine comprise entre 3 mois et 30 ans de prison. De son côté, l’Assemblée au Salvador a approuvé en 1999 le décret 655 qui réglemente et contrôle les armes, mais permet la possession et le port d’armes à feu après l’obtention d’une licence délivrée par l’État.

En Argentine, la loi prévoit que ceux qui possèdent des armes à feu sans autorisation soient passibles d’une peine allant de six mois à deux ans. Un Programme National de Livraison Volontaire d’Armes a été créé en 2007 dans le but de désarmer les civils par le biais de la livraison volontaire et anonyme d’armes. En Colombie, le port d’armes est interdit conformément au décret signé par le président Iván Duque en décembre 2018.

Perspectives :

  • L’assouplissement des contrôles augmentera la violence armée dans un pays qui affiche déjà l’un des taux d’homicides les plus élevés au monde. En 2017, le Brésil a enregistré 64 000 homicides, soit un taux d’homicide de 30,8 pour 100 000 habitants, trois fois le niveau considéré par les Nations Unies comme violence endémique.
  • Le Congrès ou le Suprême Tribunal Fédéral (STF) peuvent annuler le décret promulgué par le président Bolsonaro. La demande faite par Rede Sustentabilidade constitue une « Arguição de Descumprimento de Preceito Fundamental (ADPF) » – son but étant d’empêcher ou de réparer le préjudice causé à un précepte fondamental découlant de la Constitution, résultant de tout acte (ou omission) du pouvoir public – qui demande une décision préliminaire de suspendre le décret. La juge Mme. Rosa Weber doit statuer sur cette demande après avoir entendu le président Jair Bolsonaro, qui dispose de cinq jours pour expliquer le décret à compter de la date à laquelle la notification de la Cour a été reçue.
  • Les mesures mises en place par le président brésilien s’opposent complètement aux interdictions des armes automatiques instaurées par l’Union européenne. En 2016, des parlementaires avaient proposé d’étendre l’interdiction aux armes semi-automatiques5. Aucune question parlementaire n’a néanmoins été adressée pour l’instant au sujet d’un éventuel positionnement des institutions et des organes de l’Union sur la situation au Brésil.