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Avant le renouveau critique de ces dernières décennies, la lecture de Schmitt s’est concentrée autour de quelques formules ; quelles étaient les thèses couramment associées à l’auteur ?
Au-delà du monde des juristes constitutionnalistes, qui était le sien, la réception de Carl Schmitt, dès le début, s’est focalisée principalement sur un texte, La notion de politique, dont la première mouture date de 1927.
Plus précisément, cette réception s’est concentrée sur une formule-choc qui est devenue en quelque sorte sa signature : « La distinction spécifique du politique, c’est la discrimination de l’ami et de l’ennemi 1 ». Il va falloir revenir sur cette formule, qui est souvent comprise de manière réductrice, voire erronée. Mais il est certain qu’elle paraît illustrer parfaitement la pratique politique de l’actuelle équipe dirigeante des Etats-Unis et semble préfigurer un devenir « schmittien » de la politique qui paraît être à bien des égards notre lot.
Mais une autre formule de Schmitt a eu un destin remarquable ; elle aussi peut aider à répondre à la question, quoique de façon moins directe que la précédente. Elle se trouve dans Théologie politique, livre publié en 1922 : « Tous les concepts prégnants de la théorie moderne de l’État sont des concepts théologiques sécularisés 2 ».
Cette thèse a des conséquences multiples : en particulier, elle semble impliquer que la pensée politique moderne n’est pas aussi « laïcisée » que certains de ses plus éminents représentants l’ont prétendu, et que la rupture des Temps modernes avec la pensée médiévale, où la théologie occupait évidemment une place centrale, est plus apparente que réelle.
Cette thèse théologico-politique, source elle aussi de nombreux contresens et confusions, a eu un impact important. Elle a provoqué des discussions entre juristes et historiens de la pensée politique, et donné lieu à de multiples controverses.
Lesquelles ?
Une des prises de position les plus influentes a été la critique qu’a fait le philosophe Hans Blumenberg de ce qu’il a nommé le « théorème de la sécularisation 3 » ; ce « théorème » schmittien contredit selon lui la puissance d’« auto-affirmation » de la modernité en la faisant dépendre de racines théologiques dont elle a au contraire cherché à se libérer — une idée qu’Habermas a reprise à son compte, avant de la réviser dans ses travaux récents, sans pour autant se réconcilier avec Carl Schmitt 4.
La question demeure débattue, en particulier en Allemagne : comme le fait remarquer l’éminent juriste Ernst-Wolfgang Böckenförde, ne faut-il pas considérer que l’État libéral-démocratique laïcisé se nourrit de présuppositions qu’il n’est pas en mesure de fournir lui-même, et qu’il faut chercher dans les tréfonds de la conscience religieuse 5 ?
La Théologie politique de Schmitt, et surtout le second livre publié sous ce titre en 1970, ont aussi provoqué un débat entre théologiens, ou entre Carl Schmitt et des théologiens, sur la possibilité même d’une théologie politique chrétienne : faut-il soutenir, comme Carl Schmitt, que le dogme religieux, explicité et commenté par la théologie, configure les principes normatifs de l’ordre politique ? Faut-il même considérer que les fondements de cet ordre sont forcément ancrés dans des croyances religieuses ?
La question a des implications considérables, y compris dans le débat contemporain sur la laïcité. Cet aspect de l’œuvre de Schmitt a donné lieu à une réception critique importante dans des cercles religieux, chez des théologiens catholiques ou protestants, certains étant de proches disciples ou amis de Schmitt. Il est significatif que la seconde Théologie politique soit principalement consacrée à réfuter les positions du théologien Erik Peterson, selon qui le dogme chrétien ne saurait appuyer quelque système politique que ce soit, ce qui valait pour condamnation du ralliement de Schmitt au national-socialisme 6.
La réception de Schmitt s’est d’abord concentrée sur une formule : la définition du politique comme distinction entre l’ami et l’ennemi.
Jean-François Kervégan
Ceci dit, pendant longtemps, la réception du motif théologico-politique schmittien est restée discrète. Elle s’exprimait de manière souterraine ou bien dans des débats techniques, réservés à un petit nombre de spécialistes de l’exégèse néo-testamentaire et, tout particulièrement, de l’Épître aux Romains : peut-on « déduire » du dogme chrétien une politique, une conception de l’État, ou faut-il considérer, dans la pure tradition augustinienne, que la cité de Dieu n’a rien de commun avec la civitas terrena ?
Ce genre de discussions, qui avait longtemps eu cours parmi les théologiens, avait été marginalisé par le processus de sécularisation. Les thèses de Carl Schmitt — entre autres idées, car le mouvement est plus profond — ont contribué à la réactivation de ce débat.
Progressivement, ces idées issues de la discussion entre théologiens et philosophes ont essaimé dans le débat public et donné lieu, comme c’est de règle, à des simplifications parfois outrancières. En gros, ce qu’on a retenu de ce qui s’appelait classiquement le « problème théologico-politique » est qu’il fallait à tout prix restituer au politique les bases religieuses dont l’absence ou la destruction auraient provoqué les dysfonctionnements structurels de la démocratie libérale.
On a parfois l’impression que ce que décrit Schmitt correspond à des évolutions très récentes ; par exemple, la centralité de la décision comme définition de la politique se retrouve chez des idéologues proches de Trump. Nous avons mené un entretien avec l’un d’eux, Curtis Yarvin, qui plaide pour la restauration de la monarchie, qui va de pair avec le retour de l’idée de conquête territoriale. Les États-Unis deviennent-ils un État schmittien ? Assistons-nous à la fin d’un certain mode de fonctionnement politique ?
La transcription idéologique de ce qui était au départ une discussion intellectuelle sérieuse a été poussée jusqu’à la caricature aux États-Unis.
Aujourd’hui, dans une partie de l’entourage du président actuel des États-Unis ou parmi ceux qui façonnent les instruments idéologiques de ses entreprises — Curtis Yarvin, Steve Bannon, Stephen Miller et les idéologues du « gouvernement présidentiel », tout particulièrement dans le cercle du vice-président Vance qui brandit comme étendard sa conversion au catholicisme— un certain nombre d’idées lointainement issues des thèses de Schmitt sur la « théologie politique » et sur la nature polémogène du politique circulent manifestement.
Je ne suis pas certain que J. D. Vance ait lu attentivement Carl Schmitt, mais il est clair que certaines de ses idées, plus ou moins déformées ou vulgarisées, lui sont parvenues. La conviction selon laquelle la politique requiert une assise dans la culture religieuse se retrouve dans le fameux discours de Munich, où Vance reprochait aux États européens d’avoir oublié leurs racines spirituelles et morales.
Ce type d’idées est colporté aux États-Unis par certains courants influents du christianisme conservateur, qui est puissant et organisé. De ce fait, certains thèmes schmittiens, vulgarisés ou déformés, ont trouvé un écho dans la droite chrétienne et un répondant dans certaines prises de position actuelles du vice-président américain et des cercles gravitant autour de Donald Trump.
Qu’en est-il du président Trump lui-même ?
L’influence de l’œuvre juridico-politique de Schmitt sur la politique américaine est elle aussi incontestable. On ne peut qu’être surpris de l’écho que trouvent certains thèmes développés dans l’œuvre de Schmitt dans la pratique du président des États-Unis et de son équipe.
Il est à peu près certain que Donald Trump n’a jamais ouvert un livre de Schmitt ni entendu parler de lui, mais sa pratique, qui consiste entre autres choses à déposséder le législateur d’une large part de son pouvoir pour concentrer l’essentiel de celui-ci entre les mains de l’exécutif, rappelle de façon évidente certaines thèses de Schmitt durant la crise du régime de Weimar, lorsqu’il se prononçait, dans son livre sur Le Gardien de la Constitution ou dans Légalité et légitimité, pour transférer à un ou des « législateurs extraordinaires » les pouvoirs incombant à un Parlement paralysé par ses divisions 7.
Cette proximité s’observe aussi dans le domaine des relations internationales. Aujourd’hui, les revendications territoriales des États-Unis font penser aux efforts de Schmitt, au début des années 1930, pour formuler, en réaction contre « Weimar, Genève et Versailles », une « doctrine Monroe allemande » en phase avec les visées expansionnistes de Hitler 8.
Il est certain que Donald Trump ne serait pas sourd, s’il pouvait l’entendre, à l’appel de Carl Schmitt à un recours à la « légitimité plébiscitaire », seule à même de mettre un terme au Parteienstaat, au régime des partis. Donner une légitimité juridique à une pratique d’exception, l’exercice par l’exécutif — le président du Reich alors, celui des États-Unis aujourd’hui — de pouvoirs législatifs que le législateur ordinaire n’est plus en mesure d’assumer, semble être le fil conducteur « schmittien » d’une politique assumée par l’actuel président américain, son entourage et ses conseillers juridiques. Certains, comme Mike Davis ou John Yoo, naguère théoricien des « techniques d’interrogatoire améliorées » à Guantanamo 9, y font référence.
D’autres usages de thèmes schmittiens sont possibles : chacun peut se l’approprier, dès lors qu’il accepte l’affirmation qu’il y a toujours du politique dans le droit.
Pourriez-vous rappeler la réalité de l’engagement de Carl Schmitt au sein du national-socialisme ?
Il est faux d’affirmer — comme l’ont soutenu certains de ses zélateurs— que Carl Schmitt aurait pris ses distances avec le régime nazi à partir de 1936, et qu’il se serait réfugié dans une forme d’opposition intérieure.
Schmitt a donné beaucoup d’éclat à son adhésion à la NSDAP en mai 1933, et a multiplié dans les années suivantes les manifestations d’allégeance inconditionnelle aux décisions et à l’idéologie du nouveau pouvoir. Il a même mis les bouchées doubles, en publiant des écrits comme État, mouvement, peuple (1933) ou Les trois types de pensée juridique (1934), sans oublier l’article « Le Führer protège le droit », qui prétend justifier juridiquement la « nuit des longs couteaux » — l’assassinat des chefs de la SA par la garde prétorienne d’Hitler. Schmitt organisa aussi en 1936 une journée d’étude sur « les méfaits du judaïsme dans la science juridique allemande ».
Il y a toujours, chez Carl Schmitt, un mélange — voire une confusion — entre un propos théorique tranchant et des conséquences politiques plus qu’hasardeuses.
Jean-François Kervégan
Tout cela est aujourd’hui bien documenté 10, et on sait jusqu’où Schmitt est allé dans son adhésion au nouveau cours des choses et pour faire oublier qu’il avait pris part aux ultimes tentatives pour empêcher l’arrivée de Hitler au pouvoir.
Certes, Schmitt a fait l’objet en 1936 d’attaques de la part de membres des SS : ils ne lui pardonnaient pas d’être un rallié tardif et peut-être d’être catholique, et enviaient les positions qu’il avait acquises dans l’appareil universitaire nazifié, à la tête de l’Académie du droit allemand. Ces polémiques internes étaient pourtant monnaie courante dans la vaste mouvance nazie, où les conflits de pouvoir étaient de règle.
À la suite de ces attaques, Carl Schmitt a certes perdu quelques galons : mais, protégé par Göring, il a conservé jusqu’en 1945 son poste de professeur de droit public à l’université de Berlin, position la plus prestigieuse pour un juriste, et celle de membre du Conseil d’État de Prusse, ce qui lui permettait, comme il l’a lui-même raconté, de bénéficier d’une voiture de fonction ornée d’un fanion frappé de la croix gammée.
On ne peut donc en aucun cas le considérer comme un opposant au régime, contrairement à la légende, alimentée par lui-même, d’un Schmitt opposant (très) discret et maltraité par les « ultras » du régime.
Comment Schmitt a-t-il cherché à se disculper après la défaite du troisième Reich ?
Toute la tactique de Schmitt, après 1945, a consisté à se présenter comme une victime non seulement de l’épuration — qui se limita en son cas à une mise à la retraite d’office —, mais du national-socialisme lui-même ; c’est là une posture abjecte. La seule chose qu’on peut à la rigueur accorder à Schmitt est que bon nombre d’anciens nazis ont été mieux traités que lui et ont fait parfois une fort belle carrière en RFA ; mais peut-être n’avaient-ils pas attiré sur eux la lumière comme l’a fait Schmitt, poursuivi par sa réputation en partie surfaite de « juriste de la couronne » (Kronjurist) du troisième Reich.
Il faut aussi rappeler que Schmitt a été incarcéré quelques mois à Nuremberg dans le cadre d’un des procès secondaires et interrogé, en vue d’une possible inculpation, par Robert Kempner, un juriste d’origine allemande qui s’était réfugié aux États-Unis et qui était procureur adjoint auprès du tribunal militaire.
Finalement, après les interrogatoires, Schmitt a été relâché : cela signifie qu’on ne pouvait pas l’accuser juridiquement de participation directe à la commission de crimes ; toutefois, cela ne constituait pas un blanc-seing.
La conclusion du procureur fut que les écrits ou les actes de Schmitt ne justifiaient pas une inculpation pour crimes contre l’humanité ou participation à de tels crimes. Les minutes de ces interrogatoires et les mémoires rédigés par Schmitt pour sa défense à la demande du procureur ont été publiés depuis lors 11 ; cela permet de se faire une idée précise de la réalité de son engagement et de sa tactique d’auto-disculpation.
Pour comprendre la résurgence de Carl Schmitt dans les débats contemporains, pourriez-vous revenir sur l’histoire de la réception de son œuvre en France ? À partir de quand et dans quels cercles a-t-on vu des gens s’intéresser à Carl Schmitt en France ?
Jusqu’à la fin des années 1980, la pénétration des idées de Carl Schmitt en France était très limitée, parce qu’il existait très peu de traductions de ses écrits ; de ce fait, son œuvre n’avait pas en France un écho notable, à quelques exceptions près, parmi lesquelles on peut citer René Capitant, un des inspirateurs de la Constitution de la Ve République, plusieurs fois ministre durant la présidence de De Gaulle.
Les textes originaux de Schmitt, pas tous réédités, notamment les plus compromettants d’entre eux, étaient d’accès difficile ; durant la préparation de ma thèse j’ai dû courir d’une bibliothèque à l’autre pour les trouver lorsque j’ai commencé à m’intéresser de près à cet auteur qui ne figurait pas dans mon programme initial, centré sur Hegel. Pour l’étudier, il valait mieux se rendre en Allemagne, ce que je fis de 1988 à 1991.
Quand j’ai soutenu ma thèse de doctorat d’État sur Hegel et Carl Schmitt en 1990, le président du jury, spécialiste bien connu de la pensée de Hegel, déclara publiquement qu’il n’avait jamais entendu parler du second ! De fait, le seul texte de Schmitt qui était alors disponible en langue française, hormis quelques publications ésotériques et plus ou moins introuvables, était l’écrit qui reste aujourd’hui encore le plus connu et qui contient la fameuse « définition » du politique par la relation ami-ennemi : La notion de politique, texte de 1932, réédité en 1963, qui avait été traduit à l’instigation d’un des principaux disciples de Carl Schmitt en France, Julien Freund 12.
Cette publication était paradoxale, car elle eut lieu dans une collection, La Liberté de l’esprit, fondée et dirigée par Raymond Aron, et destinée à promouvoir les idées libérales, alors que le livre en question polémique durement contre le libéralisme, une des thèses de Schmitt étant qu’il n’y a pas de politique libérale, mais seulement une critique libérale de la politique.
Ce qui explique la diversité de réception de l’œuvre de Carl Schmitt, c’est que chacun peut se l’approprier, dès lors qu’il accepte l’affirmation qu’il y a toujours du politique dans le droit.
Jean-François Kervégan
Aron lui-même, lors de son séjour à Berlin au début des années 1930, avait pris connaissance de certains écrits de Carl Schmitt, qui était un des juristes les plus en vue de la république de Weimar ; mais peut-être n’avait-il pas suivi de près les péripéties ultérieures, en particulier le ralliement et l’engagement ostentatoire de Schmitt en faveur du national-socialisme à partir de 1933. Toujours est-il que Julien Freund lui a proposé de publier ce texte en prétendant que Carl Schmitt n’avait pas été membre du Parti national-socialiste, ce qui est évidemment faux : comme Heidegger, il s’est fait photographier arborant la svastika au revers de sa veste.
Freund, qui avait un passé de résistant, ignorait-il l’engagement nazi de Schmitt ou l’a-t-il sciemment caché à Aron ? Je ne sais ; le simple fait qu’il ait pu soutenir que Schmitt avait seulement « fait confiance au départ à Hitler » mesure en tout cas l’étendue de l’ignorance qui régnait alors à propos de l’œuvre et de son auteur 13. Moi-même, lorsque j’ai lu pour la première fois La notion de politique, vers 1975, j’ignorais à peu près tout de l’auteur de ce texte et de son itinéraire.
Schmitt fut donc pendant plusieurs décennies un auteur méconnu en France. À quoi se limitait la connaissance de ses idées ?
En France, la réception de Schmitt s’est longtemps limitée pour l’essentiel à La notion de politique et à la thèse qui, pour beaucoup, résume toute la pensée de Carl Schmitt, ce qui est très réducteur : la politique repose sur la distinction entre l’ami et l’ennemi. Aujourd’hui encore, on entend parfois citer cette formule tronquée dans la bouche de personnalités qui proclament par exemple que « contrairement à ce que disait Carl Schmitt, la politique n’est pas la distinction de l’ami et de l’ennemi ». Pour le grand public (plus ou moins) cultivé, la connaissance de Carl Schmitt se limite à cela.
L’image qui domine est que la politique, d’après Schmitt, ce serait l’affrontement avec « l’ennemi ». On oublie que Schmitt ajoute dans le même passage que ce critère ne constitue pas une définition de l’essence du politique, mais un simple outil de démarcation entre ce qui est politique et ce qui ne l’est pas, et qu’il précise — ce qui est le plus intéressant à mes yeux — que cela implique que tout peut devenir politique, mais que rien ne l’est par nature.
Il est vrai que ces simplifications ont été favorisées par les auto-interprétations opportunément fluctuantes de Schmitt lui-même, au gré de la conjoncture. Il y a toujours eu chez lui un mélange — voire une confusion — entre un propos théorique tranchant et des conséquences politiques plus qu’hasardeuses. Nazi convaincu en 1936, il se complaît dans les années soixante-dix à dialoguer avec l’extrême-gauche.
La réception de Schmitt en France est-elle politiquement située, ou bien est-il lu par des intellectuels de courants différents ?
En raison du très petit nombre de traductions, et aussi bien sûr du passé nazi de Carl Schmitt, son œuvre était presque ignorée en France jusqu’au milieu des années 1980, si l’on excepte une réception dans une frange de l’extrême droite, regroupée dans ce qu’on appelait la Nouvelle Droite, dont le chef de file intellectuel était et demeure Alain de Benoist, qui publiait la revue Nouvelle École.
À l’époque où j’écrivais ma thèse, j’ai vu paraître un numéro entier de cette revue consacré à Carl Schmitt. On y trouvait des contributions d’auteurs français, allemands, italiens et d’autres encore, presque tous d’extrême-droite.
Cette réception restait toutefois souterraine, comme l’était alors l’influence de la Nouvelle Droite elle-même. Ce n’est que progressivement que les idées « différentialistes » qu’elle développait ont pénétré le monde politique français, en particulier la droite parlementaire par l’intermédiaire du Club de l’horloge.
Le différentialisme est une doctrine qui ne se présente pas comme raciste, mais qui affirme que chaque peuple doit vivre et exister conformément à sa nature et à sa culture propres. Cet ethno-différentialisme a progressivement gagné en visibilité dans le débat public. Disons qu’une certaine lecture de l’œuvre de Schmitt, qui n’est pas la mienne mais qui est possible, a contribué à créer un « climat » favorable à ce genre de thématique.
Les positions de Carl Schmitt elles-mêmes ont évolué sur ce genre de sujet ; à la suite de son ralliement au national-socialisme, l’ethno-différentialisme dont on pouvait percevoir les prémices dans ses écrits de la période de Weimar se transforme en proclamation d’une hiérarchie des races.
Qu’une autre lecture, toute différente, des écrits de Schmitt soit possible et féconde, c’est ce que moi et d’autres que moi, comme la regrettée Catherine Colliot-Thélène, se sont efforcés de montrer, en prenant exemple sur leur réception en Italie. Un cas exemplaire est celui d’Étienne Balibar qui, dans sa Préface à la traduction du Léviathan de Schmitt, a montré qu’au-delà des poncifs du type « les extrêmes se touchent », une pensée critique du politique pouvait trouver du grain à moudre dans les écrits de Schmitt, même les plus révoltants 14.
De mon côté, je me suis efforcé dans mon livre Que faire de Carl Schmitt ? de faire un bilan serein des usages possibles de thèmes schmittiens en philosophie du droit et en philosophie politique, tout en marquant les limitations insurmontables que comporte à mes yeux le type de pensée qu’il incarne 15.
C’est la réception droitière de motifs schmittiens qui occupe aujourd’hui le devant de la scène.
Jean-François Kervégan
Il y a aussi, il convient de le noter, une réception libérale de Carl Schmitt : la revue Commentaire, dans le droit fil d’Aron, a publié un certain nombre d’articles de et sur Carl Schmitt dès les années 1980 ; c’était normal, au demeurant, puisque ses écrits constituent pour le libéralisme une provocation à laquelle il convenait de répondre. Le Débat avait consacré en 2004 à Schmitt un dossier coordonné par moi ; il comportait une contribution de Philippe Raynaud, qui dirige maintenant Commentaire.
Avant la traduction de La notion de politique, quels étaient les textes de Schmitt disponibles en français ?
Avant la guerre, quelques textes avaient été traduits en français, sans recevoir un écho particulier. Par exemple, un article technique sur les délégations législatives, c’est-à-dire sur la manière pour le gouvernement de se substituer au législateur, avait été publié dans un volume d’hommage à un grand juriste français, Édouard Lambert, inventeur de l’expression « gouvernement des juges ».
Dans cet article, Carl Schmitt soutenait qu’il était juridiquement normal et politiquement démocratique que, dans certaines circonstances, le pouvoir gouvernemental prenne en charge le travail législatif, autrement dit légifère par ordonnances. Ces considérations s’inscrivaient dans le contexte troublé qui précède l’arrivée au pouvoir de Hitler, dans lequel n’existait aucune majorité parlementaire stable. Dans les faits, faute de majorité au Reichstag, le gouvernement allemand fonctionnait alors par ordonnances et par décrets, pratique que Schmitt justifiait sur un plan théorique bien qu’elle fût contestée, on s’en doute. L’actualité offre un écho à ces discussions.
Par ailleurs, une traduction partielle d’un texte de 1932, Légalité et légitimité, avait été publiée sous forme de brochure en 1936 16 ; le traducteur avait agrémenté le texte de citations de hiérarques nazis, alors que cet écrit, lors de sa parution, était destiné à s’opposer à une éventuelle arrivée au pouvoir de Hitler — en tout cas selon la lecture que Schmitt a proposée rétrospectivement en présentant cet texte comme un « cri d’alarme » face à cette perspective imminente 17 » ; on dispose aujourd’hui, fort heureusement, d’une traduction bien plus fiable et contextualisée de cet écrit.
Vous mentionnez des traductions de l’entre-deux-guerres. Que fait l’Occupation à ce mouvement de diffusion ?
Un ou deux autres textes de Schmitt ont été traduits durant l’occupation allemande dans des publications de propagande, comme la revue Deutschland-Frankreich, ou chez des éditeurs collaborationnistes. Ultérieurement, ces publications ont été oubliées ou longtemps dissimulées, car elles témoignaient surtout des efforts des autorités d’occupation pour valoriser la culture allemande auprès du public français.
Certains textes ont refait surface lorsque plusieurs recueils de textes, datant notamment de la période nazie, ont été publiés par des maisons d’édition appartenant à la mouvance de la Nouvelle Droite 18. Bien que « suspects », ces écrits prêtent à réflexion, comme Terre et Mer (1942) et les textes sur les grands espaces « impériaux » et ceux sur la conception « discriminatoire » ou « non-discriminatoire » de la guerre, dont l’intérêt pour la réflexion géopolitique la plus actuelle me paraît évident. Ces écrits portent bien entendu la marque de leur contexte, mais leur intérêt outrepasse leur rôle initial de mise en musique théorique de la politique hitlérienne d’agression visant à la formation d’un Lebensraum allemand.
Je note au passage que Carl Schmitt, dans ses écrits géopolitiques des années 1938-1944 19, substitue la notion de « grand espace » (Grossraum) à celle, chère aux idéologues du national-socialisme, d’espace vital (Lebensraum), ce qui n’est pas dépourvu de signification. Comme on le voit dans sa correspondance avec Alexandre Kojève durant les années 1950 20, Schmitt juge que l’avenir politique du monde est multipolaire : considérant la forme de l’État-nation comme dépassée, il pronostique la formation de quelques grands espaces impériaux dotés chacun d’une sphère d’influence outrepassant ses frontières. La réalité ne lui a pas donné tort sur ce point.
Que fit l’après-guerre à ce mouvement de traduction ?
Il faut bien constater qu’entre 1945 et 1980, pour des raisons faciles à comprendre, rien ou presque ne fut traduit de l’œuvre de Carl Schmitt, qui avait pourtant recommencé à publier à partir de 1950 — date de la parution de Der Nomos der Erde, un de ses livres les plus importants —, jusqu’à la parution de La notion de politique, en 1972. Cette traduction, d’ailleurs de bonne qualité, a enclenché un mouvement, et les traductions se sont multipliées à partir des années 1980 : les deux Théologies politiques, La dictature, Parlementarisme et démocratie, Théorie de la Constitution, Le Nomos de la Terre, entre autres ouvrages.
On peut considérer Carl Schmitt comme le « poil à gratter » de la conscience démocratique.
Jean-François Kervégan
Les écrits de la période nazie, comme le livre de 1938 sur le Léviathan de Hobbes — qui combine analyses perspicaces et remarques antisémites — et ceux que j’ai précédemment cités — État, Mouvement, peuple, Les trois types de pensée juridique, les écrits géopolitiques ou relevant de l’histoire des idées —, ont aussi été traduits, ce qui a bien entendu occasionné des controverses, parallèles à celles qui ont eu lieu à propos de Heidegger : fallait-il offrir un écho à des textes et à un auteur aussi scandaleux ? Fallait-il s’indigner de ce qu’on redonne vie à un auteur qui, en tout état de cause, n’était pas vraiment mort, étant donné l’écho planétaire reçu par ses écrits, ou tenter, en toute lucidité sur ce qui les a occasionnées, de tirer parti de ses analyses pour penser les contradictions du présent ? Pour ma part, j’ai adopté le second point de vue.
Quoi qu’il en soit, les polémiques étant allées à leur terme, on peut dire qu’une très grande partie de l’œuvre de Carl Schmitt est aujourd’hui disponible en français, en tout cas ses textes les plus importants. C’était déjà le cas en Italie, qui a été très en avance dans la réception de Schmitt, et désormais, aussi dans les mondes anglophone et hispanophone.
Quelle fut la réception de Carl Schmitt dans d’autres pays européens, et les interactions entre ces différentes réceptions ?
L’Italie constitue un cas particulièrement remarquable. La réception de Schmitt y fut précoce, sous le fascisme, régime pour lequel il ne cachait pas sa sympathie dès les années 1920 21. Carl Schmitt se rendit à deux ou trois reprises en Italie dans les années 1930 et eut même un entretien et une correspondance avec Mussolini, probablement entre 1937 et 1939. Il entretenait du reste d’excellents rapports avec les principaux juristes italiens de l’époque, ralliés en général au régime en place. L’Italie connut donc une première réception de l’œuvre de Schmitt dès cette époque.
Après-guerre, cette réception italienne s’est poursuivie, d’une manière assez différente du cas français. En France, la traduction, la fréquentation et le commentaire de l’œuvre de Schmitt ont pâti de son engagement national-socialiste. En revanche, en Italie, la réception de l’œuvre de Schmitt a été favorisée après le rétablissement de la République par le fait que l’intellectuel italien sans doute le plus respecté, Norberto Bobbio — philosophe, sénateur à vie, figure estimée de tous les courants politiques, des communistes à la droite, à l’exception peut-être de l’extrême-droite « post-fasciste » — a témoigné d’un intérêt constant pour la pensée de Carl Schmitt, avec qui il a même occasionnellement correspondu.
Cette caution a contribué à rendre possible une réception relativement sereine des écrits de Schmitt, sans pour autant que cela constitue un blanc-seing. De nombreux textes ont été traduits assez tôt en Italie, notamment sous l’impulsion d’un courant équivalent à la Nouvelle Droite française, composé d’intellectuels réunis autour de Gianfranco Miglio, l’un des inspirateurs du mouvement aujourd’hui dirigé par Matteo Salvini, la Lega. Mais cette réception droitière de motifs schmittiens n’a pas, contrairement à ce qui fut partiellement le cas en France, provoqué une marginalisation, un ostracisme.
Que voulez-vous dire ?
À l’autre extrémité du spectre politique, un certain nombre d’intellectuels italiens de gauche ou d’extrême gauche ont lu, commenté et discuté Carl Schmitt dès les années 1970. En 1981 paraît un ouvrage publié sous la direction du philosophe Giuseppe Duso, au sommaire duquel se retrouvent notamment, à côté de Miglio, des figures majeures de la scène intellectuelle progressiste, comme Mario Tronti, Giacomo Marramao, Massimo Cacciari ou Carlo Galli 22. Je voudrais évoquer en particulier deux cas de cette réception à fronts renversés.
Le premier est celui de Toni Negri, qui a joué un rôle important dans la structuration de la gauche extraparlementaire en Italie et qui fut l’auteur d’une œuvre considérable, dont on sait l’influence qu’elle a eu sur le courant altermondialiste. L’un de ses principaux livres, Le Pouvoir constituant, s’empare de cette notion inventée par Sieyès, qu’il repense dans une perspective révolutionnaire 23.
Or, si Carl Schmitt n’en pas l’auteur de ce concept de pouvoir constituant, il lui accorde un rôle central dans sa Théorie de la Constitution de 1928 24. La thèse de Carl Schmitt est, comme chez Sieyès, que le pouvoir constituant peut s’exercer de toutes les manières possibles, non seulement par des voies prédéterminées par un texte constitutionnel, mais aussi par d’autres, comme l’action révolutionnaire — ce que Negri et une partie de l’extrême-gauche italienne des années 1970 ont bien entendu.
Le deuxième cas est celui de Giorgio Agamben, qui s’est saisi du concept schmittien d’état d’exception, proposé en 1922 pour définir la conception « décisionniste » de la souveraineté : « Est souverain celui qui décide de la situation d’exception 25. » Dans le livre qu’il a publié à partir de l’exemple de Guantanamo 26, Agamben s’appuie sur Carl Schmitt qu’il lit à travers Walter Benjamin, lequel avait témoigné de son intérêt pour certaines analyses d’un auteur dont tout le séparait par ailleurs 27.
Agamben construit son argumentation à partir d’une phrase extraite de l’écrit de Walter Benjamin « Sur le concept d’histoire » : « L’état d’exception dans lequel nous vivons est devenu la règle 28. » Agamben confère à cette affirmation, proférée au moment où Benjamin, après avoir fui l’Allemagne, assistait, désespéré, à l’avancée triomphale du nazisme en Europe, une portée explicative générale. Selon lui, la formule résume l’essence de l’État contemporain et de son mode de gouvernement : nous vivons dans un régime d’état d’exception permanent, dont le Patriot Act et Guantanamo seraient l’illustration emblématique.
Ce qui retient l’attention d’Agamben dans la théorie schmittienne de l’exception, c’est qu’elle procède à « l’inscription d’un en-dehors dans le droit 29 ». On peut discuter cette lecture ; toujours est-il qu’Agamben, et pas seulement dans État d’exception, s’empare de concepts schmittiens pour développer une critique de la conception occidentale du droit, de la politique et de leur rapport 30.
Aujourd’hui, les revendications territoriales des États-Unis me font penser aux efforts de Schmitt, au début des années 1930, pour formuler une « doctrine Monroe allemande ».
Jean-François Kervégan
J’ai pris connaissance, au cours des années 1990, de cette réception italienne très large, savante — je pense en particulier aux travaux de Carlo Galli —, et en un sens dépassionnée des écrits de Schmitt. Là-bas, discuter de son œuvre ou s’appuyer sur elle paraissait tout à fait normal ; cela faisait partie du débat public. Il n’y avait pas, en Italie, de polémique comparable à celles qui surgiront plus tard en France, bien que l’on n’y ignorât rien du passé de cet auteur.
Qu’en est-il de la réception de Carl Schmitt aux États-Unis ?
La première réception de la pensée de Carl Schmitt aux États-Unis fut le fait d’intellectuels conservateurs rassemblés sous le magistère de Leo Strauss.
Leo Strauss n’était certainement pas un « schmittien », mais il connaissait Schmitt depuis le début des années 1930, et même avant. Il a d’ailleurs sollicité et obtenu son appui pour obtenir une bourse Rockefeller, ce qui lui a permis de poursuivre ses recherches en Grande-Bretagne puis aux États-Unis où il s’installe définitivement à la fin des années 1930. Cette circonstance lui a valu d’échapper au sort des juifs allemands.
En 1932, Leo Strauss publie un compte rendu de La notion de politique de Carl Schmitt, d’une grande subtilité mais au propos paradoxal 31. Selon lui, Carl Schmitt, en dépit de sa critique du libéralisme, continue de penser dans l’horizon du libéralisme ; il développerait, en quelque sorte, une critique inconsciemment libérale du libéralisme.
Il y aurait beaucoup à dire sur cette critique et surtout sur son arrière-fond ; en réalité, l’explication de la critique adressée à Carl Schmitt se trouve dans l’ensemble de l’œuvre ultérieure de Leo Strauss : son livre La philosophie politique de Hobbes, publié en 1936, éclaire la recension de La notion de politique 32.
Dans cet ouvrage, Strauss soutient, à l’encontre de l’opinion commune, que Hobbes est le véritable fondateur du libéralisme moderne, ce qui contredit directement la thèse de Schmitt selon laquelle Hobbes incarne un mode de pensée décisionniste frontalement opposé au rationalisme et au libéralisme. De son point de vue, Carl Schmitt reste sous l’emprise des présupposés de la pensée moderne, qui ont contaminé la philosophie, mais aussi le droit.
Quoi qu’il en soit, en raison sans doute de leur rejet des présupposés de la pensée libérale dominante, les « straussiens » américains — dont le plus connu est Allan Bloom — et, à leur suite, le courant néo-conservateur, n’ont pas été insensible à la pensée de Schmitt.
Quels ont été les autres écoles dialoguant avec les écrits de Carl Schmitt ?
Un autre canal de diffusion de thèmes de provenance schmittienne a été la théorie dite « réaliste » des relations internationales dont un des chefs de file, Hans Morgenthau, était depuis ses études de droit à Francfort familier des écrits de Carl Schmitt et de sa critique du normativisme abstrait 33. On peut considérer que, aussi bien sur le plan de la pratique politique — pensons à Henry Kissinger — que sur celui de la théorie, l’école américaine des relations internationales a subi l’influence de Carl Schmitt.
Une autre réception de Carl Schmitt, plus discrète, est celle d’Hannah Arendt. Évidemment, Hannah Arendt parle peu de lui dans ses écrits publiés. Elle l’évoque cependant dans la troisième partie des Origines du totalitarisme, consacrée au système totalitaire, où une note mentionne les « ingénieuses théories de Carl Schmitt sur la fin de la démocratie » et la crise du régime parlementaire 34. Ceux qui ont étudié de près ses écrits non publiés — l’une de mes doctorantes s’y est consacrée — ont constaté qu’Hannah Arendt avait consacré beaucoup d’efforts à lire et commenter les écrits de Schmitt, sans toutefois publier ses réflexions, sans doute pour ne pas contribuer à accroître leur notoriété.
Le principal canal de diffusion directe des idées et des textes de Carl Schmitt aux États-Unis a cependant été à partir de 1968 une publication qui, au départ, se situait clairement à gauche : la revue Telos. Celle-ci existe toujours, mais a progressivement évolué vers des formes de conservatisme, voire de néo-conservatisme. À l’origine pourtant, Telos se plaçait bien plus à gauche que le Parti démocrate américain et affichait même des sympathies pour l’école de Francfort et pour la gauche extraparlementaire. C’est à l’impulsion de l’équipe de Telos que la plupart des textes importants de Schmitt ont été traduits en langue anglaise.
La philosophe et spécialiste de science politique Ellen Kennedy a publié dans Telos plusieurs articles, où elle soulignait — et cela fit scandale — la parenté ou, du moins, les liens intellectuels entre Carl Schmitt et l’École de Francfort 35.
Cette thèse suscita une vive indignation de la part de Jürgen Habermas, pour qui Carl Schmitt représente l’incarnation même de ce que la pensée allemande a produit de pire. Il n’en reste pas moins qu’Ellen Kennedy a factuellement démontré l’influence que Carl Schmitt a exercée sur certains membres de l’École de Francfort. Dans le cas d’Otto Kirchheimer, cela ne fait prête pas à discussion : disciple de Carl Schmitt, ce brillant juriste juif continua, même après son exil, à reconnaître sa dette à l’égard de certains aspects de l’œuvre de Schmitt. En revanche, dans d’autres cas, l’hypothèse d’une influence de Carl Schmitt était plus surprenante.
Il est certain que Trump ne serait pas sourd à l’appel de Schmitt à un recours à la « légitimité plébiscitaire », seule à même de mettre au régime des partis.
Jean-François Kervégan
Ellen Kennedy va jusqu’à affirmer que Jürgen Habermas lui-même avait subi l’influence de Carl Schmitt : elle se référait en particulier aux premiers écrits de Habermas, notamment L’Espace public 36, mais aussi à d’autres textes non traduits en français. On trouve effectivement dans ces écrits des références dépourvues de toute critique à l’égard de Schmitt ; ce n’est que plus tard, face au regain d’intérêt pour l’œuvre de Schmitt en Allemagne et ailleurs, qu’Habermas a jugé nécessaire d’adopter des positions de plus en plus virulentes contre lui et contre l’influence qu’il pouvait exercer 37.
Pour finir ce tour d’horizon, comment Carl Schmitt a-t-il été lu et compris en Espagne ?
L’Espagne constitue un cas particulier, car elle a connu une réception très précoce de l’œuvre de Schmitt, ce qu’explique notamment le contexte politique. Carl Schmitt, grand lecteur du penseur contre-révolutionnaire Juan Donoso Cortés, auquel il consacra plusieurs études 38, avait des relations étroites avec l’Espagne franquiste, sa fille ayant même épousé un juriste espagnol. Il était en contact avec plusieurs personnalités de l’époque franquiste, comme le romaniste Alvaro d’Ors ou le diplomate Francisco Javier Conde ; l’une d’entre elles, Manuel Fraga Iribarne, fondateur du Parti Populaire (droite), joua un rôle politique important lors de la transition démocratique.
Schmitt était régulièrement invité à donner des conférences en Espagne franquiste et y était reçu avec tous les honneurs. En raison de son catholicisme, il avait aussi des accointances avec des membres de l’Opus Dei. Ses écrits ont donc été traduits et largement diffusés en Espagne, et Schmitt n’a pas subi le même discrédit qu’ailleurs après 1945.
Évidemment, la réception de sa pensée par d’autres courants a été freinée par ses liens avec le franquisme. Néanmoins, après la transition démocratique, un certain nombre d’universitaires progressistes, comme José Luis Villacañas Berlanga 39, entreprirent un travail critique d’approche et de réflexion à partir de l’œuvre de Schmitt. Ce processus fut naturellement plus lent que dans d’autres pays européens ; mais il est aujourd’hui possible, cinquante an après la fin du régime de Franco, d’avoir là aussi une approche dépassionnée de cette œuvre, ce dont témoigne l’existence travaux universitaires d’excellente facture, comme ceux de Montserrat Herrero 40.
J’ajoute que les analyses de Schmitt ont trouvé un important écho dans le monde ibéro-américain et au Brésil, principalement dans les milieux de gauche. Je pense en particulier à l’œuvre d’Ernesto Laclau qui, en compagnie de Chantal Mouffe, a tiré parti dans une perspective populiste de gauche de la critique schmittienne du parlementarisme 41. Leur travail a eu aussi un écho important dans le monde anglo-saxon et francophone.
Un texte de Carl Schmitt que nous avons publié, « Prendre/partager/paître », insistait sur l’importance de la conquête territoriale comme nouveau régime du droit. Ce rapport à la conquête semble être de nouveau officialisé aujourd’hui, alors que, depuis 1945, le système international était censé la rendre impossible. Le retour de ces thèmes indiquerait-il la fin d’une forme de démocratie ?
Carl Schmitt a publié en 1950 — mais d’après lui, ce livre avait été écrit avant 1945, durant la phase terminale du reflux des armées allemandes — un de ses ouvrages les plus importants, Le Nomos de la Terre 42. Il y explique que le droit international moderne — qu’il appelle jus publicus europaeum, le droit des gens européens — s’est construit sur la conquête du Nouveau Monde et le partage de la terre entre puissances impériales comme l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal, la Hollande, la France.
Ainsi, la conquête de terres (Landnahme), la « prise », joue selon lui un rôle fondamental dans l’instauration même du droit. Dans l’article que vous citez, « Prendre/partager/paître », Schmitt développe un certain nombre de considérations linguistiques et étymologiques discutables, pour ne pas dire fausses, sur l’étymologie du mot grec nomos. Il explique, en évoquant Homère et Pindare, que le mot nomos, qui désigne le droit en sa majesté, a la même racine que le verbe nemein, qui signifie entre autres « prendre ».
De là, Schmitt déduit que la racine du droit, c’est la « prise ». Dans Le Nomos de la Terre, il en donne une illustration : la prise de terre, c’est-à-dire l’appropriation de territoires par les grandes puissances impériales, constituerait l’origine même du droit interétatique. La thèse qui en découle est que le « prendre » précède nécessairement le « partager » — la distribution selon un modèle de justice sociale — et le « paître » — la production des biens. Le droit, par conséquent, s’il inclut ces trois moments, repose d’abord sur un acte de prédation/appropriation des choses et/ou des personnes qui, s’il peut être ultérieurement habillé et dissimulé par un appareillage normatif, n’en demeure pas moins originaire.
Cette thèse rejoint celle de La Notion de politique : il y a un moment politique sous-jacent dans le droit. Pour Carl Schmitt, sous le droit, il y a toujours du politique, autrement dit la définition et le possible affrontement d’un ennemi.
Toute son œuvre est portée par cette conviction : « la politique est inévitable et indestructible 43 » ; mais, là où La Notion de politique appliquait principalement cette thèse à la politique intérieure, Le Nomos de la Terre transpose cette idée dans l’ordre international, en soutenant que le jus publicum europaeum, le droit des gens eurocentrique né avec l’État moderne, s’est dissous au cours du XXe siècle sous l’effet de représentations humanitaires — illustrées par la sacralisation des droits de l’homme — et d’un mouvement regrettable de « moralisation » du droit, dont la criminalisation des vaincus de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale serait la manifestation.
Carl Schmitt en tire quelques conséquences : il importerait de mettre en place — c’est un point sur lequel ses vues et celles d’Alexandre Kojève convergent de manière surprenante — un « nouveau Nomos de la terre » reposant sur un équilibre entre quelques puissances impériales ; c’est une idée qu’à leur manière les actuels dirigeants des États-Unis, de la Chine et de la Russie s’emploient à concrétiser.
Que cela passe par un abandon des principes de la démocratie libérale, cette « formule de compromis dilatoire », comme disait Schmitt à propos du régime de Weimar 44, va sans doute de soi pour ces puissances, comme c’était le cas pour lui.
Est-ce là la cause de l’intérêt toujours renouvelé pour Carl Schmitt ?
À mon sens, ce qui explique l’étendue et la grande diversité de la réception de l’œuvre de Carl Schmitt, c’est que chacun peut se l’approprier, dès lors qu’il accepte cette affirmation centrale, qui peut d’ailleurs s’entendre de manière très diverse : oui, il y a toujours du politique dans le droit. C’est le fond de l’antilibéralisme de Schmitt, si l’on accepte sa définition du libéralisme comme une politique de la négation du politique 45.
Par exemple, on comprend que certains courants d’extrême gauche aient pu être attirés par cette vision politique du droit — qui n’est pas une dissolution de la « superstructure » juridique, mais une incorporation d’un geste politique, le « pouvoir constituant », au sein même de l’ordre du droit. Schmitt lui-même, après s’être penché dans les années 1960 sur ce en quoi la guerre de partisans (Algérie, Vietnam, Cuba) transforme la conception classique de la guerre, s’est complu, vers 1970, à dialoguer avec un intellectuel maoïste 46.
On comprend aussi que d’autres courants, conservateurs ou autoritaires, aient cherché une inspiration dans la critique schmittienne du parlementarisme, de la démocratie ou de la dérive « humanitaire » du droit ; comme je l’ai souligné au début de l’entretien, c’est la réception droitière de motifs schmittiens qui occupe aujourd’hui le devant de la scène.
Je ne suis pas un spécialiste de politique américaine, ni de géopolitique en général, mais en tant que lecteur attentif de Carl Schmitt, dès que j’allume la radio, dès que j’ouvre le journal, j’ai l’impression de retrouver des mots et surtout des modes de raisonnement qui me sont familiers. Comme évoqué, les revendications territoriales des États-Unis, cette nouvelle doctrine impériale que formule le président américain, me font penser à la « doctrine Monroe allemande » réclamée par Schmitt au début des années 1930.
Sans doute, l’appropriation brutale de territoires voisins par une grande puissance a toujours existé, même à une échelle limitée. Le jour où les États-Unis ont annexé de fait Porto Rico au motif que l’île faisait partie de leur zone d’influence, presque personne n’y a trouvé à redire. Mais ce qui est nouveau, et que Schmitt avait anticipé, c’est que l’emprise exercée sur la terre et sur la langue peut apparaître comme un élément fondateur du droit.
Les propos du président américain concernant le Canada, immense pays voisin, ou encore le Groenland, territoire tout aussi vaste, mais aussi sa décision de rebaptiser le golfe du Mexique en golfe d’Amérique, ne sont pas seulement des fanfaronnades. Nommer un espace, c’est participer à son appropriation. Le renommer, c’est poser les conditions de sa possible revendication. Schmitt le disait dans Le Nomos de la Terre : la « prise de terre » et la « prise du langage » sont indissociables.
On a donc affaire ici à un cas étonnant de convergence. Quelle est la part de contingence et la part d’influence ? Je ne sais trop. Il est probable que parmi les idéologues qui mettent en concepts les pulsions de Trump, il y a des lecteurs de Carl Schmitt, comme il y en a eu parmi les chefs de file du courant néoconservateur du temps des présidences Bush. Ils ont pu trouver dans ses écrits un aliment théorique pour étayer certaines conceptions idéologiques et politiques dont la traduction dans la politique menée par l’exécutif américain est parfois assez grossière — dans tous les sens du terme.
Schmitt peut être vu tant comme l’inspirateur d’une partie de l’extrême-gauche que comme celui d’une partie de la droite « dure » ; on peut également le considérer comme le « poil à gratter » de la conscience démocratique. Tout cela peut être dit d’un auteur qui s’identifiait complaisamment au Benito Cereno d’Herman Melville, capitaine de navire prisonnier de son équipage révolté, et se considérait comme « le dernier représentant du jus publicum europaeum, du droit public européen 47.
Sources
- Carl Schmitt, La notion de politique, suivi de Théorie du partisan, trad. Marie-Louise Steinhauser, préface de Julien Freund, Paris, Calmann-Lévy, 1972 ; réédition Champs-Flammarion, 1992, p. 64.
- Carl Schmitt, Théologie politique, trad. Jean-Louis Schlegel, Paris, Gallimard, 1988, p. 15. La traduction française regroupe deux écrits, Théologie politique et Théologie politique II, publiés en allemand à près de cinquante ans d’intervalle.
- Hans Blumenberg, La légitimité des Temps modernes, trad. Marc Sagnol et alii, Paris, Gallimard, 1999.
- Jürgen Habermas, Le discours philosophique de la modernité, trad. Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz, Paris, Gallimard, 1988 ; Entre naturalisme et religion, trad. Christian Bouchindhomme et Alexandre Dupeyrix, Paris, Gallimard, 2008.
- Ernst-Wolfgang Böckenförde, « La naissance de l’État, processus de sécularisation », in Le droit, l’État et la constitution démocratique, trad. Olivier Jouanjan et alii, Bruylant-LGDJ, 2000, p. 117.
- Erik Peterson, Le monothéisme : un problème politique (1935), trad. Anne-Sophie Astrup, Bayard, 2007.
- Carl Schmitt, Der Hüter der Verfassung (1931), Berlin, Duncker & Humblot, 1996, p. 132 sq. ; Légalité et légitimité (1932) trad. Christian Roy et Augustin Simard, Presses de l’Université de Montréal-Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2016, p. 65-73.
- Voir en particulier « Völkerrechtliche Formen des modernen Imperialismus » [Les formes de l’impérialisme moderne en droit international], in Carl Schmitt, Positionen und Begriffe im Kampf gegen Weimar-Genf-Versailles, rééd. Berlin, Duncker & Humblot, 1988.
- Voir leurs déclarations sans équivoque dans le documentaire de Michael Kirk, « Trump contre la loi », 2025.
- Voir Reinhard Mehring, Carl Schmitt : dans le ventre du Léviathan, Paris, CNRS Éditions, 2013.
- Helmut Quaritsch (dir.), Antworten in Nürnberg, Berlin, Duncker & Humblot, 2000. Voir à ce sujet l’article fouillé de Céline Jouin, « Carl Schmitt à Nuremberg. Une théorie en accusation », Genèses, 2009/1 (n° 74), p. 46-73.
- Une première version de Der Begriff des Politischen était parue en 1927 sous forme d’article de revue ; une troisième, raccourcie et mise au goût du nouveau pouvoir hitlérien, parut en 1933. La version définitive, le texte de 1932 agrémenté d’une Préface, parut en 1962 ; c’est celle qui a été traduite en français.
- Julien Freund, Préface, in Carl Schmitt, La notion de politique, op. cit., p. 11. De même, les violentes attaques antisémites de 1936-1938 sont présentées comme « certains articles qui critiquent les Juifs » (p. 12).
- Étienne Balibar, « Le Hobbes de Schmitt, le Schmitt de Hobbes », in Carl Schmitt, Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes, Paris, Éd. du Seuil, 2002, p. 7-65.
- Jean-François Kervégan, Que faire de Carl Schmitt ?, Gallimard, 2011.
- Carl Schmitt, Légalité, légitimité, trad. W. Gueydan de Roussel, Paris, LGDJ, 1936 ; cette traduction fut reprise, expurgée, dans le recueil de textes de Schmitt édité par Alain de Benoist, Du Politique, Grez-sur-Loing, Pardès, 1990, p. 39-73. Condamné à mort par contumace après-guerre pour collaboration avec la Gestapo, le traducteur jouira d’une retraite paisible en Argentine jusqu’à son décès.
- Carl Schmitt, Verfassungsrechtliche Aufsätze, Berlin, Duncker & Humblot, 1958, p. 345.
- Carl Schmitt, Terre et mer, Paris, Le Labyrinthe, 1985 (rééd. Pierre-Guillaume de Roux, 2017) ; Machiavel-Clausewitz, Paris, Krisis, 2007 ; Guerre discriminatoire et logique des grands espaces, Paris, Krisis, 2011. Il faut y ajouter le recueil de textes, édité par Alain de Benoist, mentionné plus haut, Du Politique, op. cit.
- La plupart de ces écrits sont regroupés dans Carl Schmitt, Staat, Grossraum, Nomos, éd. Günter Maschke, Berlin, Duncker & Humblot, 1995. Certains ont été traduits dans Carl Schmitt, Guerre discriminatoire et logique des grands espaces, Paris, Krisis, 2011.
- Correspondance Alexandre Kojève-Carl Schmitt, Philosophie, n° 135 (septembre 2017), p. 5-27.
- Carl Schmitt, « Wesen und Werden des faschistischen Staates » [Essence et avenir de l’État fasciste], in Positionen und Begriffe im Kampf gegen Weimar-Genf-Versailles, op. cit., p. 109-115.
- Giuseppe Duso (dir.), La politica oltre lo Stato : Carl Schmitt, Venezia, Arsenale Cooperativa Editrice, 1981.
- Antonio Negri, Le pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité, trad. Étienne Balibar et François Matheron, Paris, PUF, 1997.
- Carl Schmitt, Théorie de la Constitution, trad. Lilyane Déroche, Paris, PUF, 1993, p. 211 sq.
- Carl Schmitt, Théologie politique, op. cit., p. 15.
- Giorgio Agamben, État d’exception. Homo Sacer II.1, trad. Joël Gayraud, Paris, Éd. du Seuil, 2003.
- Walter Benjamin, avait adressé une lettre admirative à Carl Schmitt et s’était référé dans L’Origine du drame baroque allemand à son livre sur le romantisme politique (Politische Romantik, 1919 ; traduction partielle de Pierre Linn, Romantisme politique, Paris, Librairie Valois, 1928). Ce livre de Schmitt est intéressant mais occupe une place assez marginale dans son œuvre, puisqu’il relève davantage de l’histoire des idées ou de l’histoire littéraire que de la théorie juridique ou politique. Schmitt y soutient une thèse paradoxale : selon lui, il n’existe pas de romantisme politique, le romantisme se caractérisant par l’incapacité de décider, donc par une nullité politique.
- Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire » (1940), trad. Maurice de Gandillac et Pierre Rusch, in Œuvres, t. III, Paris, Gallimard, 2000, p. 433. Voir Giorgio Agamben, État d’exception, op. cit., p. 18 et passim.
- Giorgio Agamben, État d’exception, op. cit., p. 58.
- Voir également Giorgio Agamben, Homo Sacer I : Le pouvoir souverain et la vie nue, trad. Marilene Raiola, Paris, Éd. du Seuil, 1997 ; Le règne et la gloire. Homo Sacer II.2, trad. Joël Gayraud et Martin Rueff, Paris, Éd. du Seuil, 2008.
- Leo Strauss, « Anmerkungen zu : Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen », Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, 67 (1932) ; trad. in Heinrich Meier, Carl Schmitt, Leo Strauss et la notion de politique : un dialogue entre absents, Paris, Julliard, 1990.
- Leo Strauss, La philosophie politique de Hobbes, trad. André Enegrén et Marc B. de Launay, Paris, Belin, 1991.
- Voir Martti Koskienniemi, « Carl Schmitt, Hans Morgenthau, and the Image of Law in International Relations », in Michael Byers (dir.), The Role of Law in International Politics, Oxford, Oxford University Press, 2001.
- Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, Paris, Gallimard, 2002, p. 655 ; elle fait ici référence à Parlementarisme et démocratie (1923-1926) ainsi qu’à la Théorie de la Constitution. Voir également, dans le même ouvrage d’Arendt, p. 539 et 554 (où Arendt cite État, mouvement, peuple).
- Ellen Kennedy, « Carl Schmitt and the Frankfurt School », Telos 20 (1987), p. 37-66.
- Jürgen Habermas, L’Espace public, trad. Marc B. de Launay, Lausanne, Payot, 1997 : voir en particulier p. 91.
- Voir Jürgen Habermas, « Carl Schmitt dans l’histoire des idées politiques de la RFA », in De l’usage public des idées, trad. Christian Bouchindhomme, Paris, Fayard, 2005, p. 113-129.
- Carl Schmitt, Donoso Cortés in gesamteuropäischer Interpretation, Cologne, Greven, 1950.
- Voir José Luis Villacañas Berlanga, Poder y conflicto. Ensayos sobre Carl Schmitt, Madrid, Biblioteca Nueva, 2008.
- Montserrat Herrero, The political discourse of Carl Schmitt : a mystic of order, Lanham, Roman & Littlefield, 2015.
- Ernesto Laclau, La Raison populiste, trad. Jean-Pierre Ricard, Paris, Éd. du Seuil, 2008 ; Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, Hégémonie et stratégie socialiste, trad. Julien Abriel, Paris, Pluriel, 2019.
- Carl Schmitt, Le Nomos de la Terre, trad. Lilyane Déroche-Gurcel, Paris, PUF, 2001.
- Carl Schmitt, Der Hüter der Verfassung, Berlin, Duncker & Humblot, 1996 [1931], p. 111.
- Carl Schmitt, Théorie de la Constitution, op. cit., p. 159-166.
- Voir à ce propos Jean-François Kervégan, Hegel, Carl Schmitt. Le politique entre spéculation et positivité, Paris, PUF, 2005, p. 111 sq.
- Carl Schmitt, Théorie du partisan, in La notion de politique, op. cit., p. 203 sq. ; « Gespräch über den Partisanen », in Staat, Grossraum, Nomos, op. cit., p. 619-624.
- Carl Schmitt, Ex Captivitate Salus, trad. André Doremus, Paris, Vrin, 2003, p. 161.