Kirill Dmitriev est le directeur du fonds souverain Russian Direct Investment Fund (RDIF) ainsi qu’un proche conseiller de Vladimir Poutine. Il est impliqué dans les efforts de « normalisation » de la relation bilatérale russo-américaine depuis le retour au pouvoir de Trump, en janvier. Il a notamment joué un rôle de premier plan dans la libération le 11 février de l’instituteur américain Marc Fogel, arrêté en 2021 en Russie puis condamné à 14 ans de prison.

Depuis quelques jours, Dmitriev mène une campagne active sur les réseaux sociaux en faveur de la construction d’un tunnel reliant l’Alaska au district autonome de Tchoukotka, le sujet fédéral le plus septentrional de la Russie.

  • Jeudi 16 octobre, après un appel entre Poutine et Trump, Dmitriev a publié sur X (ex-Twitter) une carte supposément extraite d’archives soviétiques qui confirmerait l’existence d’un projet similaire au moins depuis le début des années 1960, durant la guerre froide.
  • Le croquis ci-dessus ferait partie d’un dossier remis par l’ambassade de Russie aux États-Unis à la représentante républicaine Anna Paulina Luna, qui consacre une part importante de son mandat à « enquêter » sur l’assassinat de JFK.
  • En février, Luna avait été nommée par le speaker républicain Mike Johnson à la tête d’une commission d’enquête parlementaire portant sur « la déclassification des secrets fédéraux ».
  • Celle-ci entretient également des liens avec la Russie, et a annoncé le 8 octobre qu’elle rencontrerait Dmitriev avant la fin du mois.

Depuis, Dmitriev poursuit activement sa campagne sur les réseaux sociaux. Sa proposition a gagné de l’ampleur vendredi 17, après que Trump ait qualifié l’idée « d’intéressante » lors d’une réunion avec Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche.

  • Dmitriev a estimé le coût de construction du tunnel — d’une longueur de 112 kilomètres — à 8 milliards de dollars s’il était construit par The Boring Company, l’entreprise de forage d’Elon Musk, au lieu de 65 milliards en suivant une méthode « traditionnelle ».
  • Hier, dimanche 19, il a lancé un sondage sur X de générations de vidéos du tunnel par des intelligences artificielles, promettant un voyage de 4 jours en Extrême-Orient russe ou en Alaska pour le gagnant — ou le premier trajet via le tunnel.
  • La veille, Dmitriev annonçait qu’une étude de faisabilité avait été lancée il y a six mois par le Russian Direct Investment Fund. De son côté, Musk n’a pas confirmé son intérêt pour le projet.

Si la viabilité économique du projet est incertaine — au-delà du tunnel, des investissements massifs seraient requis dans les infrastructures des deux côtés du détroit de Béring —, « l’offensive de charme » de Dmitriev vise à façonner un narratif favorable à la Russie en amont d’une potentielle rencontre Trump-Poutine, qui pourrait avoir lieu à Budapest au cours des prochaines semaines.

  • La Russie, par l’intermédiaire de Dmitriev ou de Poutine, a multiplié les projets de coopération économique avec les États-Unis ces derniers mois : accord sur les terres rares, exploration spatiale, réouverture de Nord Stream 2, mais également des deals immobiliers ou encore des matchs de hockey russo-américains.
  • Face à une guerre contre l’Ukraine qui approche de son quatrième anniversaire, ces ouvertures permettent de présenter Moscou comme la partie au conflit la plus « pragmatique » et ouverte à une résolution du conflit, bien qu’aucun de ces projets ne se soit pour l’heure concrétisé.
  • Ces derniers visent également à dissuader l’administration républicaine d’apporter un soutien militaire plus important à l’Ukraine, notamment via la vente de missiles Tomahawk, activement étudiée depuis plusieurs semaines puis finalement abandonnée par la Maison-Blanche.