Guerre

Projet E1 : le plan israélien pour « enterrer l’idée d’un État palestinien »

Un sigle bureaucratique et un document administratif sont à l'origine de l'une des transformations géopolitiques les plus profondes de l'été.

Avec le soutien de l'administration américaine, une nouvelle colonie a été approuvée hier à Jérusalem, visant à priver l'État palestinien d'un territoire essentiel à son existence.

Nous le traduisons et le contextualisons pour la première fois en français.

« Enterrer l’idée d’un État palestinien. » C’est l’objectif que s’est fixé le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, lorsqu’il a annoncé, jeudi 14 août, la décision de valider un projet de construction de plus de 3 000 logements à l’est de Jérusalem, en Cisjordanie occupée.

Ce projet, connu sous le nom de code E1, doit s’étendre entre Jérusalem et la colonie de Ma’ale Adumim. Il couperait la Cisjordanie en deux, du nord au sud, et mettrait fin à la continuité territoriale entre Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie.

Le comité israélien chargé du projet a rejeté 1, début août, les objections formulées par des ONG israéliennes telles que La Paix Maintenant, et a donné son accord aux constructions en un temps record, hier, mercredi 20 août. 

Codifié dans des documents officiels et dans un langage juridique, le projet E1 illustre l’écart entre la volonté d’Israël de légitimer des décisions de construction illégales par le biais de mesures administratives et la réalité sur le terrain.

Si l’administration civile de Judée-Samarie — nom biblique de la Cisjordanie employé par les autorités israéliennes — détaille avec minutie l’emplacement et le cadre juridique du projet, le ministre d’extrême droite Smotrich en expose ouvertement les effets attendus : « le dernier clou dans le cercueil de l’idée d’un État palestinien ».

Dans la journée d’hier Bezalel Smotrich s’est réjoui de la validation du projet, une décision qu’il a qualifiée « d’historique ».

« Avec E1, nous concrétisons enfin ce qui a été promis depuis des années. C’est un moment fondateur pour les implantations, pour la sécurité, et pour l’État d’Israël tout entier…. L’État palestinien est effacé de l’agenda, non pas par des slogans, mais par des actes. Chaque implantation, chaque quartier, chaque unité de logement est un clou de plus dans le cercueil de cette idée dangereuse ».

Cette décision du Conseil suprême de planification de l’administration civile israélienne s’inscrit dans un contexte marqué par l’explosion des violences commises ces derniers mois par des colons contre des Palestiniens, souvent sans que les auteurs de ces violences soient sanctionnés — et alors que le gouvernement israélien rappelle 60.000 réservistes pour une nouvelle opération militaire visant la conquête de la ville de Gaza.

En juillet, la Knesset a adopté 2, à une majorité de 71 voix, un texte non contraignant appelant à l’application de la souveraineté israélienne sur la Judée-Samarie et sur la vallée du Jourdain. 

Par ailleurs, en juin 2023, le gouvernement Netanyahou a voté l’accélération des procédures de planification en Cisjordanie, en réduisant les prérogatives des autorités compétentes en matière d’établissement et d’expansion des colonies. Selon cette décision du 18 juin 3 ces procédures n’exigent plus l’approbation des instances politiques ni du ministre de la Défense ; elles relèvent désormais directement de Bezalel Smotrich.

En raison de ses conséquences potentielles, ce projet, que le quotidien israélien Haaretz a qualifié de « colonie la plus dangereuse » 4, fait l’objet depuis les années 1990 de fortes pressions internationales, en particulier de la part des États-Unis, qui ont jusqu’ici freiné sa validation.

Mais l’administration Trump, dirigée sur ce dossier par Mike Huckabee — le premier évangélique à occuper le poste d’ambassadeur américain en Israël —, a exprimé son soutien au projet dans un revirement sans précédent.

« Une Cisjordanie stable assure la sécurité d’Israël et correspond à l’objectif de cette administration de parvenir à la paix dans la région », a déclaré ce 14 août le département d’État 5.

La France a, de son côté, réaffirmé son opposition ferme « à la reprise du projet de colonie E1, annoncée par le Conseil suprême de planification de l’administration civile israélienne. Ce projet, gelé depuis 2021, prévoit la construction de plus de 3 000 logements à l’est de Jérusalem. Il ne doit pas voir le jour. Il est contraire au droit international et menace la perspective de la solution à deux États. » 6

En réponse au mouvement sans précédent en Occident, initié par la France, visant à reconnaître un État palestinien lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, Bezalel Smotrich a indiqué qu’il comptait agir directement sur le terrain.

Avec le projet E1 — que nous traduisons ici pour la première fois de l’hébreu — le gouvernement de Benjamin Netanyahou entend faire en sorte que la reconnaissance internationale de l’État palestinien soit en décalage avec la réalité du terrain.

L’expansion continue des colonies réduit, en effet, chaque jour davantage les conditions d’existance territoriale d’un État palestinien.

Avis de dépôt du plan détaillé n° 420/4/10 – Modification du plan détaillé n° 

Type de modification | Numéro du plan

Modification | 905/4

Modification | 824

Modification | 420/4

Modification | 420 

Ce plan vise en particulier la construction de 2,173 unités de logement sur une partie du territoire entre Ma’ale Adumim et Jérusalem, plus connue sous le nom de E1.  Au total, le plan E1 représente 3,753 unités de logement sur cette zone. 

Bloc cadastral : 6, parcelle partie : Wadi Arak-Saïda, Al Mintar et Chaab Youssef. Sur les terres du village : Issawiya.

Bloc cadastral : 6, parcelle partie : Wadi Arak-Saïda, Al Mintar et Chaab Youssef. Sur les terres du village : Issawiya.

Bloc cadastral : 9, parcelle partie : Chaab Shuner, Al Wazouza, Daher Abu-Qara. Sur les terres du village : Al-Tur.

Bloc cadastral : 7, parcelle partie : Brit Al-Assoua. Sur les terres du village : Issawiya.

Limite du plan : délimitée par la ligne bleue sur le plan.

Lieu du plan : ville de Ma’ale Adumim.

Objectifs du plan :

  1. Définir les affectations des terrains pour un quartier résidentiel, y compris les terrains destinés aux bâtiments publics, institutions, zones commerciales et services de santé, espaces ouverts publics et voies de circulation.
  2. Définir les directives relatives au plan et les dispositions pour la gestion des espaces ouverts.
  3. Définir l’implantation de nouvelles routes, leur position et leur largeur.
  4. Définir les conditions pour l’approbation d’un plan de construction, la délivrance de permis de construire et l’occupation des bâtiments.

Le projet E1 est à l’étude depuis les années 1990. Il a toutefois été bloqué à plusieurs reprises en raison de pressions exercées en Israël et à l’international qui dénonçaient l’impact que celui-ci aurait sur la perspective de création d’un État palestinien. En raison de son emplacement, dans un étroit corridor situé à l’est de Jérusalem, la zone concernée constitue le principal point de passage entre le nord et le sud de la Cisjordanie.En interdisant ou en ralentissant le passage de populations palestiniennes par la construction d’une colonie à cet endroit précis, Israël fragmenterait davantage le territoire.

Conformément à l’article 24(a) de la loi sur l’urbanisme des villes, villages et bâtiments n° 79 de 1966, le Sous-comité pour les implantations annonce le dépôt du plan détaillé n° 420/4/10, modification du plan directeur n° 420, plan directeur n° 420/4, plan directeur détaillé n° 824 et plan directeur détaillé n° 905/4.

Le plan est disponible dans les bureaux du Bureau central de l’urbanisme à Beit El et/ou dans les bureaux de l’ingénieur du Comité spécial pour l’urbanisme et la construction de Ma’ale Adumim, 3 Derech Kedem, Ma’ale Adumim.

Toute personne peut le consulter gratuitement les lundi, mardi et mercredi de 08h15 à 12h30.

Ce texte constitue la version officielle du plan.

Depuis le début de l’année, les Nations unies ont recensé la destruction de plus de 1 150 structures palestiniennes en Cisjordanie (logements, écoles, fermes…), soit un rythme plus important qu’au cours de l’année précédente — qui avait constitué un record.

De plus, une copie du plan sera également publiée sur le site internet de l’Administration de l’urbanisme en Israël (www.iplan.gov.il). Toutefois, il ne s’agit pas d’une copie contraignante et sa publication n’affecte pas le calcul du délai pour soumettre des objections légales.

Toute personne ayant un intérêt dans le plan et considérant être lésée a le droit de soumettre une objection Cette objection doit être présentée par écrit, accompagnée de tous les documents à l’appui, y compris une carte ou d’autres documents permettant d’identifier l’emplacement de la propriété du requérant et de prouver son lien avec le plan.

Dans les zones non réglementées, les extraits de registre des bureaux des impôts fonciers ne seront pas pris en compte sans l’annexe d’une carte topographique actuelle, préparée par un géomètre, indiquant la propriété, son emplacement, sa taille, etc. De même, une objection non motivée ou sans preuve du lien du requérant avec le plan déposé ne sera pas prise en considération.

Il faut également joindre une déclaration sous serment, certifiée par un avocat, confirmant les faits sur lesquels l’objection repose.

Le requérant peut détailler ses propositions de modification du plan s’il le souhaite. Il doit également indiquer son adresse complète et son numéro de téléphone.

L’objection doit être envoyée au Bureau de l’urbanisme à Beit El, boîte postale 16, ou au bureau de l’ingénieur du Comité spécial pour l’urbanisme et la construction de Ma’ale Adumim, dans un délai de deux mois à compter de la publication de cet avis dans le journal officiel. 

Architecte Natalia Averbukh

Présidente du Sous-comité pour les implantations

Région de Judée et Samarie

Date/Nom :

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