Sur X (ex-Twitter) et dans les cercles journalistiques, les bombardements et frappes américaines sur le programme nucléaire iranien du 22 juin ont provoqué la perplexité pour deux raisons : tout d’abord, car il s’agissait de la première fois que l’armée américaine attaquait directement l’Iran ; mais également, car une fois encore, l’attaque semble avoir été anticipée par un indicateur précis.
- Le « Pizza Index » du Pentagone est très probablement apparu pour la première fois en 1989, en amont de l’invasion américaine du Panama décidée par George H. W. Bush.
- Avant Internet et le suivi en temps réel de la fréquentation des lieux via Google Maps, des employés de plusieurs pizzerias Domino’s de Washington avaient déclaré : « Nous le savons […] Les commandes du Pentagone ont doublé la veille de l’attaque contre Panama ; la même chose s’est produite avant l’invasion de la Grenade » 1.
- Aujourd’hui, un compte X suivi par plus de 200 000 personnes baptisé « Pentagon Pizza Report », surveille en temps réel l’affluence dans les pizzerias de la capitale dans l’espoir d’anticiper le moindre pic.
Selon cette théorie, en amont d’une hausse de la charge de travail, susceptible d’être provoquée par le lancement d’une opération militaire, les pizzerias situées à proximité du Pentagone reçoivent davantage de commandes. Celles-ci pourraient provenir de fonctionnaires du département de la Défense et de leurs familles, qui commanderaient davantage de pizzas que d’habitude.
Un lien de causalité entre la hausse des commandes de pizza et le lancement d’opérations militaires est toutefois peu plausible pour plusieurs raisons.
- Tout d’abord, le Pentagone compte plus d’une dizaine de restaurants et de fast-foods en son sein, ce qui rendrait la commande d’en-cas pour une longue nuit de travail bien plus facile.
- De plus, comme en témoigne un ancien conseiller du département de la Défense américain, il est très difficile de se faire livrer des pizzas à l’intérieur du bâtiment pour des raisons de sécurité. Sortir pour récupérer une commande de pizzas en temps de crise serait également particulièrement sensible 2.
- La méthode de Google pour évaluer la fréquentation d’un lieu par rapport à une moyenne historique, utilisée pour surveiller « l’activité » dans les pizzerias situées à proximité du Pentagone, pourrait par ailleurs s’avérer approximative.
- De plus, toutes les pizzerias de la capitale fédérale ne disposent pas d’un affichage des données de fréquentation en raison d’une quantité trop faible de données d’utilisateurs ou bien d’une fermeture temporaire pour travaux, d’une ouverture récente, etc…
L’apparente causalité entre un pic d’activité et des attaques américaines lors des frappes sur l’Iran du 22 juin semble avoir contribué à renforcer un biais de confirmation.
- Cependant, Google ne rendant pas publiques ses données sur les horaires d’affluence, il est impossible de mener une étude rigoureuse permettant de tester cette théorie.
Sources
- Paul Gray, « And Bomb The Anchovies », Time, 13 août 1990.
- Publication sur X d’Emerson T. Brooking, 3 août 2024.