En près de trois ans et demi de guerre à haute intensité, la Russie a perdu en Ukraine la moitié de ses chars d’assaut, de ses véhicules de combat d’infanterie, de ses véhicules blindés de transport de troupes ainsi que de son artillerie. Malgré ces pertes élevées, l’armée russe continue de progresser grâce à une industrie désormais quasi-exclusivement tournée vers la défense et les besoins de l’armée.

  • La Russie est largement assistée par la Corée du Nord, qui a fourni l’an dernier à Moscou plus de la moitié (52 %) des explosifs importés de l’étranger puis transportés vers ses arsenaux.
  • La Chine joue également un rôle clef dans les chaînes d’approvisionnement de l’industrie russe, notamment en fournissant des composants essentiels à l’assemblage de drones 1.

Malgré des dépenses de défense 2,5 fois plus élevées pour les pays européens que la Russie — 370 milliards de dollars l’an dernier contre moins de 150 pour Moscou —, le secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte a déclaré lors d’un entretien début juillet que la Russie « produit désormais trois fois plus de munitions en trois mois que l’ensemble de l’OTAN en un an » 2.

Si Moscou reconstitue ses forces de manière à pouvoir potentiellement ouvrir un nouveau front contre l’OTAN d’ici la fin de la décennie, selon les services de renseignement occidentaux, l’Alliance atlantique dispose de capacités de production supérieures à celles de Moscou dans certains domaines.

  • Selon un rapport de Conflict Intelligence Team réalisé avec Radio Free Europe/Radio Liberty, l’industrie russe serait en mesure de produire deux fois plus d’obus d’artillerie par an que les pays de l’OTAN — environ 4 millions contre 2 3.
  • Avec une production annuelle d’artillerie estimée à près de 300 systèmes par an, dont près de la moitié en France avec les canons Caesar, les capacités de l’OTAN seraient trois fois supérieures à celles de l’industrie russe.
  • Si l’OTAN produit plus d’avions de chasse que la Russie (de 230 à 320 par an contre une cinquantaine pour Moscou), ses capacités en matière de drones, de missiles et de chars d’assaut sont néanmoins inférieures.
  • La plupart des équipements utilisés par l’armée russe en Ukraine ont été produits à l’époque de l’Union soviétique.
  • Ainsi, une part importante de ces systèmes sont réparés, remis à neuf ou sortis d’entrepôts. Seulement une faible part, notamment des missiles, drones et d’autres équipements spécifiques, sont de conception récente.
  • Comme le soulignaient Alexandr Burilkov et Guntram B. Wolff dans une étude parue dans nos pages en mars, une fois ces stocks épuisés, la production russe se poursuivra, quoique à un rythme réduit.

En portant leurs dépenses de défense à 5 % du PIB d’ici 2035, les alliés de l’OTAN devraient considérablement accroître leurs capacités de production au cours de la prochaine décennie. Si la Russie dédie une part toujours plus importante de son budget à sa défense, ses capacités à financer son armée sont également contraintes par une marge de manœuvre fiscale toujours plus réduite.

  • Selon l’Institute for Emerging Economies (BOFIT) de la Banque de Finlande, au moins 40 % de la croissance économique russe en 2024 était directement lié à la production d’armes et d’équipements militaires.
  • En juin, le Parlement russe a adopté une révision à la baisse du budget fédéral pour l’année 2025 en raison de l’anticipation d’une diminution de 24 % des ventes d’hydrocarbures — qui représentaient près d’un tiers (30 %) des recettes fédérales russes en janvier-février.
Sources
  1. « Chinese engines, shipped as ‘cooling units’, power Russian drones used in Ukraine », Reuters, 23 juillet 2025.
  2. Lulu Garcia-Navarro, « The Head of NATO Thinks President Trump ‘Deserves All the Praise’ », The New York Times, 5 juillet 2025.
  3. Who Produces More Weapons—Russia or NATO ?, Conflict Intelligence Team, 29 juillet 2025.