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Cette semaine, l’expiration des mesures commerciales exceptionnelles pourrait priver Kiev de l’accès au marché européen à des conditions favorables et la ramener aux conditions d’avant-guerre. Comment vous préparez-vous à une telle éventualité ?
L’Ukraine continue de dialoguer avec ses partenaires européens, notamment dans cette phase finale de négociation. Nous leur sommes reconnaissants de leur volonté de rechercher des formats constructifs car il est clair que nous ne représentons pas une menace pour le marché européen. Nous contribuons au contraire à sa stabilité. Nous comprenons et respectons les préoccupations des États membres de l’Union pour leurs agriculteurs mais le modèle que nous proposons est fondé sur le partenariat — pas sur la concurrence.
Nos agriculteurs sont des fournisseurs fiables. Contrairement à l’idée qu’essaye de véhiculer la propagande russe, les agriculteurs ukrainiens ne sont pas les concurrents des Européens. Nous nous alignons déjà sur la législation agricole de l’Union, améliorons la qualité, investissons dans la transformation, les normes environnementales et la transparence de la chaîne d’approvisionnement — et nous défendons chaque jour les valeurs européennes.
Contrairement à l’idée qu’essaye de véhiculer la propagande russe, les agriculteurs ukrainiens ne sont pas les concurrents des Européens.
Vitaliy Koval
J’ajouterais que soutenir l’Ukraine aujourd’hui, c’est contribuer à la stabilité et à la sécurité alimentaire de toute l’Europe. C’est aussi faire le choix d’un avenir où l’Ukraine fait partie intégrante de la communauté européenne.
En Europe, peu nombreux sont ceux qui ont pleinement pris la mesure de ce qui est en jeu. Quelles sont les implications pour l’économie ukrainienne du retour au « régime normal » ?
Un retour automatique au régime commercial de l’accord d’association dans sa version de 2021, sans période de transition ni accords supplémentaires, aura non seulement des conséquences négatives pour l’économie ukrainienne mais elle affectera aussi indirectement l’économie de l’Union.
Le retour à la situation antérieure représenterait une baisse de 2,5 % du PIB ukrainien, 3,3 milliards d’euros de revenus issus des exportations. L’Ukraine restera un fournisseur alimentaire fiable pour l’Union et le monde entier et les restrictions d’accès à notre plus grand marché commercial ne contribueront certainement pas à la stabilité.
Les agriculteurs ukrainiens, les entreprises de logistique, l’industrie de transformation et, par conséquent, le budget de l’État en guerre seront touchés.
Dans le contexte actuel de guerre, toute nouvelle barrière à l’exportation ukrainienne se traduira directement par des pertes d’emplois, une baisse des recettes et une diminution de la capacité de l’État à financer notre défense.
Vous dites que l’Ukraine pourrait perdre plus de 3 milliards d’euros de revenus issus des exportations à un moment où la Russie bombarde violemment votre pays. Iriez-vous jusqu’à dire que la perte de l’accès aux marchés européens à des conditions favorables pourrait affecter l’effort de guerre ukrainien dans son ensemble ?
Nous ne spéculons pas sur l’avenir de la guerre. Nous expliquons simplement sa réalité.
Lorsque les agriculteurs ukrainiens sèment et récoltent sous les bombes, lorsque les entreprises agricoles investissent dans la transformation — croyant en l’avenir — l’accès au marché de l’Union n’est pas simplement une question économique.
C’est une question de confiance, de partenariat et de soutien moral.
Perdre 3 milliards d’euros de revenus issus des exportations en raison des barrières commerciales signifie perdre une partie d’une ressource qui est désormais essentielle à la viabilité de notre économie et à notre capacité à poursuivre nos efforts en matière de défense et d’aide humanitaire.
Aujourd’hui, la solidarité et la fiabilité de l’Union sont aussi importantes que les armes. C’est un signe que nous ne sommes pas seuls — ni sur la ligne de front ni sur le plan économique.
Dans le contexte actuel de guerre, toute nouvelle barrière à l’exportation ukrainienne se traduira directement par des pertes d’emplois, une baisse des recettes et une diminution de la capacité de l’État à financer notre défense.
Vitaliy Koval
La Commission européenne a promis de trouver une solution provisoire appropriée et a laissé entendre qu’il n’y aurait pas de rupture brutale. Êtes-vous déçu par l’issue de ces négociations ?
L’Ukraine propose une vision constructive des relations commerciales qui tient compte des intérêts de toutes les parties et crée les conditions d’un développement durable. Nous ne demandons pas de privilèges — seulement des règles équitables, transparentes et stables pour les agriculteurs qui travaillent en temps de guerre.
À quoi attribuez-vous le fait qu’aucune prolongation des exportations en franchise de droits n’ait pas été accordée cette fois-ci ? Quelle en est la raison selon vous ?
Le processus de rapprochement avec l’Union est toujours un processus d’adaptation, parfois difficile. Mais nous avons déjà prouvé que nous sommes capables de travailler dans l’incertitude et de rester résilients. Notre position vis-à-vis de nos partenaires européens est claire : l’Ukraine ne demande pas de privilèges. Nous demandons un partenariat qui fonctionne en temps de guerre. Il en va de la confiance mutuelle ; nous ne demandons que des règles commerciales équitables, transparentes et prévisibles — pour nous permettre de survivre.
Nos partenaires européens parlent de protéger les intérêts de leurs agriculteurs.
Mais ce ne sont pas leurs agriculteurs qui vont chaque jour dans les champs au son des sirènes ; ce ne sont pas leurs tracteurs qui sont détruits par des drones dans les airs ; ce ne sont pas leurs champs qui sont jonchés de mines.
Nous devons trouver des solutions qui satisfassent tous les membres de la grande famille européenne. Là où il y a un dialogue, il y a toujours un résultat. Je suis convaincu que nous y parviendrons. Ensemble.
La solidarité et la fiabilité de l’Union sont aussi importantes que les armes. C’est un signe que nous ne sommes pas seuls — ni sur la ligne de front ni sur le plan économique.
Vitaliy Koval
Prévoyez-vous une solution à plus long terme après les résultats des élections polonaises — qui vous rapprocherait de l’accord qui est sur le point d’expirer ?
Pour nous, l’avenir consacrera la pleine intégration des produits agricoles ukrainiens dans le marché unique. L’Ukraine fait déjà partie de l’espace économique commun et nous sommes prêts à approfondir l’intégration — y compris en matière de respect des normes élevées en matière d’environnement, de santé et de sécurité.
Le secteur agricole ukrainien est un importateur actif de biens et de matières premières en provenance de l’Union : semences, machines, engrais, produits phytosanitaires et carburants. Ceux-ci font partie intégrante des produits fabriqués en Ukraine. C’est un partenariat mutuellement avantageux qui soutient l’emploi tant dans l’Union qu’en Ukraine.
Nous nous intégrons déjà dans l’espace européen : l’Ukraine met en œuvre des normes, développe des processus de transformation durables et investit dans l’innovation.
Le secteur agricole ukrainien est un partenaire qui a prouvé sa fiabilité. Nous sommes ouverts à une coopération plus approfondie, à des investissements et à des solutions qui seront bénéfiques pour les deux parties.
Avec l’Ukraine, l’Union ne doit pas craindre de faire entrer un concurrent sur son marché : elle gagnera un allié pour garantir la sécurité alimentaire, la durabilité de la chaîne d’approvisionnement et le développement rural.