Depuis le lancement de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en 2022, près de 500 entreprises occidentales ont totalement quitté le marché russe, selon les données de la Kyiv School of Economics, tandis que plus de 1 300 auraient temporairement mis en pause leurs activités dans le pays.

  • La majeure partie des grandes entreprises européennes et américaines présentes sur le marché russe avant février 2022 ont toutefois pris la décision de ne pas mettre fin à leurs activités dans le pays.
  • C’est notamment le cas de grands groupes comme Philip Morris, Leroy Merlin, Pepsi, Auchan, Nestlé, Haier, UniCredit Bank ou encore AstraZeneca.
  • Des entreprises comme le français Renault, l’américain McDonald’s ou encore le groupe danois Carlsberg ont quant à eux vendu leurs actifs, parfois après la prise de contrôle de leurs filiales par l’État russe — ce qui est arrivé en 2023 à l’allemand Uniper, au finlandais Fortum ainsi qu’au français Danone notamment.

De nombreux hommes d’affaires et investisseurs russes ont considérablement bénéficié du départ, parfois précipité, de ces groupes. En se voyant transférer le contrôle d’usines, d’ateliers et de bureaux en état de fonctionnement, le pouvoir russe a contribué à la création d’une nouvelle classe d’oligarques : les 130 cafés de Starbucks en Russie ont ainsi été vendus au rappeur Timati et au restaurateur Anton Pinskiy pour moins de 6 millions d’euros 1.

S’ils ont largement bénéficié du départ des entreprises occidentales, les entrepreneurs russes veulent conserver leurs avantages dans l’hypothèse d’un retour de ces groupes en Russie après la fin de la guerre.

  • Les investisseurs étrangers montrent d’ores et déjà des signes d’enthousiasme quant à une réouverture prochaine du marché russe.
  • Suite à la chute de l’URSS en 1991, l’ouverture du pays à l’international a conduit à des investissements massifs en Russie, qui dispose d’un important marché de consommateurs et dont une partie, très minoritaire, s’est considérablement enrichie grâce au boom pétrolier du tournant des années 2000.
  • Depuis plusieurs mois, le gouvernement travaille ainsi à de nouvelles lois et régulations qui fixeront les conditions dans le cadre desquelles des groupes occidentaux seraient autorisés à revenir en Russie.

En juin, la douma d’État devrait ainsi voter une nouvelle législation qui conduira à la création d’un mécanisme interdisant aux entreprises étrangères de racheter leurs actifs si plusieurs conditions sont remplies : l’investisseur doit être lié d’une certaine manière à un pays jugé « hostile » par la Russie (qui a imposé des sanctions) et l’entreprise doit avoir été vendue entre février 2022 et mars 2025 « à un prix nettement inférieur à sa valeur marchande » 2.

  • Cette interdiction de rachat pourrait ainsi empêcher le groupe français Renault de racheter ses actifs dans sa filiale russe et, surtout, sa participation majoritaire de près de 68 % dans le constructeur russe Avtovaz, cédée en 2022 pour un rouble symbolique.
  • Le contrat signé par le groupe Renault inclut une clause qui stipule que celui-ci peut racheter sa participation au prix de vente dans un délai de six ans, soit jusqu’en 2028.
  • La loi en préparation par le parlement russe permettrait ainsi à Avtovaz de refuser unilatéralement de remplir ses obligations dans le cadre du contrat signé avec Renault. D’autres grands groupes comme McDonald’s ou Mercedes-Benz pourraient eux aussi voir leurs contrats affectés par cette nouvelle loi.
  • Selon Forbes, plus d’un cinquième (21 %) des entreprises ayant vendu leurs actifs depuis février 2022 ont signé une option de rachat 3. Pour les entreprises américaines, environ un tiers de ces clauses auraient toutefois d’ores et déjà expiré 4.

Vladimir Poutine s’est exprimé à plusieurs reprises ces derniers mois sur le sort qui sera réservé aux entreprises occidentales ayant quitté le pays et qui souhaitent revenir s’y implanter une fois la guerre terminée. En mars, lors d’un discours prononcé devant l’Union des industriels et des entrepreneurs de Russie, le président russe présentait la Russie comme un « pays ouvert », tout en lançant un avertissement aux entreprises européennes et américaines : « Il n’y aura aucun privilège, aucun traitement de faveur pour ceux qui souhaiteraient faire leur grand retour en Russie ».