La dernière réunion entre les deux pays, avec la médiation d’Oman, avait eu lieu le 19 avril à Rome. Les deux délégations étaient dirigées par Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Donald Trump, et Abbas Araqchi, ministre iranien des Affaires étrangères. Les deux parties auraient dû se retrouver à nouveau le 3 mai, mais les discussions ont été annulées pour « des raisons logistiques », selon la diplomatie du sultanat d’Oman.

  • La rencontre d’aujourd’hui intervient à un moment particulier, alors que Donald Trump arrivera en Arabie saoudite le 13 mai pour sa première visite officielle à l’étranger depuis son investiture. Il devrait également se rendre au Qatar et aux Émirats arabes unis.
  • Une raison qui pourrait accroître les tensions entre les deux pays : le président américain s’apprêterait à renommer le Golfe persique en « Golfe d’Arabie ». Cette annonce a suscité une indignation unanime en Iran, rassemblant des figures de tous horizons, du ministre des Affaires étrangères à l’opposant en exil et prétendant au trône, Reza Pahlavi 1.

Les négociations d’aujourd’hui seront a priori de nouveau indirectes, avec la diplomatie d’Oman comme intermédiaire. Cependant, le caractère public et répété de ces négociations rend la position de la diplomatie iranienne — hostile en principe aux négociations directes — de plus en plus intenable et contre-productive.

Le 9 mai, dans un entretien à Breitbart News, Steve Witkoff avait détaillé une position de négociation particulièrement ferme, estimant que l’Iran ne pourrait pas avoir ni capacité d’enrichissement, ni centrifugeuse, et que l’accord qu’il trouver avec les Iraniens ne pourrait pas avoir de clauses d’expiration, comme c’était le cas dans le JCPOA 2. Dans un entretien le 4 mai, Donald Trump avait adopté une ligne identique, affirmant que l’objectif des négociations avec l’Iran était de parvenir à un « démantèlement complet » de son programme nucléaire 3.

  • Depuis le début des négociations nucléaires en 2003, la République islamique a toujours exigé le droit de conserver une capacité d’enrichissement et Téhéran avait déclaré à plusieurs reprises qu’il n’accepterait pas le démantèlement complet de son programme nucléaire.
  • Les négociations d’aujourd’hui ne seront donc pas des négociations techniques mais de principe : les États-Unis vont-ils refuser que l’Iran conserve toute capacité d’enrichissement ou seront-ils flexibles ? L’Iran est-il prêt à une réduction massive de son programme nucléaire ? 
  • Si un accord de principe parvient à être trouvé sur cette question clef, des négociations techniques pourront alors démarrer.
  • Il est important à noter qu’il a fallu près de deux ans à l’administration Obama pour passer d’un accord de principe signé à l’automne 2013, le Joint Plan of Action, à l’accord sur le nucléaire iranien, le Joint Comprehensive Plan of Action en 2015. 

Cette reprise des négociations s’inscrit dans un contexte particulièrement tendu entre l’administration Trump et la République islamique, en raison notamment des affrontements entre Israël et l’Iran. 

  • Le 4 mai, un missile tiré par des Houthis a frappé l’aéroport de Ben Gourion à Tel-Aviv, blessant quatre personnes et perturbant l’ensemble des vols. Donald Trump a réagi en déclarant que toute attaque perpétrée par les Houthis relevait de la responsabilité de Téhéran 4.
  • Le 30 avril, l’Iran a annoncé l’exécution de Mohsen Langarneshin, accusé d’espionnage pour le compte du Mossad. 
  • Le 26 avril, une explosion dans le port iranien de Bandar Abbas, centre de la production de pétrole et de gaz, a tué 70 personnes et blessé 1 200. Les causes restent pour l’heure inconnues.
  • Les autorités iraniennes accusent également Israël d’essayer d’empêcher les négociations avec les États-Unis, et craignent des attaques directes contre les installations nucléaires, scientifiques ou militaires en charge du programme.
  • Le Premier ministre israélien demande que les négociations avec l’Iran suivent le modèle de démantèlement du programme nucléaire libyen. D’après Ali Vaez, chercheur au Crisis Group, une telle proposition révèle soit d’une méconnaissance des différences entre les programmes nucléaires de la Libye et de l’Iran, soit d’une volonté que ces négociations n’aboutissent pas.

Le 1er mai, Donald Trump avait annoncé des sanctions secondaires sur le pétrole et le gaz iranien 5, la Chine étant le principal pays concerné, avec 1,5 million de barils de pétrole iranien importés par jour. Téhéran a un besoin urgent de lever les sanctions pour faire face aux difficultés financières du pays — mais aussi pour répondre aux conséquences du changement climatique. 

  • La situation géologique du pays est en effet critique : les sécheresses, le réchauffement climatique et la mauvaise gestion de l’eau aggravent le phénomène de subsidence, ou d’affaissement des sols, notamment dans la région de Téhéran, alors que le président de la République, Massoud Pezechkian, a publiquement relancé le débat sur la nécessité de déplacer la capitale iranienne. 
  • En effet, le sud de Téhéran s’affaisse de 31 millimètres par an, alors qu’un affaissement annuel de seulement 5 millimètres est déjà considéré comme très préoccupant selon les standards internationaux 6.
  • Or, les investissements nécessaires pour assurer une gestion durable de l’eau et des sols en Iran exigeraient des financements aujourd’hui inaccessibles, en raison de l’impact des sanctions américaines sur l’économie du pays.
Sources
  1. Alayna Treene, Trump planning to change how US refers to Persian Gulf, CNN, 7 mai 2025.
  2. Exclusive — Steve Witkoff Ahead of Round 4 of Talks : Iran Has Agreed ‘They Don’t Want’ Nuclear Weapon, Breitbart, 9 mai 2025.
  3. Barak Ravid, Trump will only accept « total dismantlement » of Iran’s nuclear program, Axios, 4 mai 2025.
  4. Déclaration de Benjamin Netanyahou sur X, 4 mai 2025.
  5. Donald Trump, Truth Social, 1er mai 2025.
  6. Tsimur Davydzenka, Pejman Tahmasebi, Nima Shokri, “Unveiling the Global Extent of Land Subsidence : The Sinking Crisis”, Geophysical Research Letters, 20 février 2024.