Consultez ici le PDF avec tous les résultats de notre sondage exclusif
Consultez ici l’analyse globale d’Eurobazooka par Jean-Yves Dormagen, ici celle de l’Espagne et ici celle de la France.
1 — Le retour du spectre de la guerre en Europe inquiète les Italiens
Selon les résultats de notre sondage exclusif Eurobazooka 1, près de 48 % des Italiens estiment qu’un conflit armé sur le territoire de l’Union européenne dans les prochaines années est une hypothèse crédible.
Cette inquiétude traverse l’ensemble du spectre politique, mais avec une intensité variable selon les partis.
- Les électeurs souverainistes (Lega, FdI) sont significativement moins inquiets que les électeurs du centre et de la gauche.
- Les électeurs du Parti démocrate (57 %) et de l’Alliance des Verts et de la Gauche (AVS) (56 %) y croient fortement, contre 26 % seulement chez la Ligue.
2 — Donald Trump cristallise une défiance massive
Seuls 16 % des Italiens jugent que l’élection de Trump rend le monde plus sûr. La majorité y voit un facteur de déstabilisation, voire un danger.
Ce chiffre atteint 90 % chez les électeurs du PD et 88 % chez ceux d’AVS. À l’inverse, 65 % des électeurs de la Lega pensent que Trump rend le monde plus sûr, tout comme 35 % de ceux de Fratelli d’Italia (FdI).
Le président américain est perçu comme un ennemi de l’Europe (52 %) et même de l’Italie (37 %), ce qui tranche avec les relations historiquement atlantistes d’une partie de la classe politique italienne.
Cette fracture se retrouve dans l’image même de Trump : 52 % des Italiens le considèrent comme un ennemi de l’Europe, mais 52 % des électeurs de la Lega le voient comme un ami de l’Italie.
Le clivage gauche-droite se retrouve également dans l’interprétation de l’action de Donald Trump.
- 65 % des électeurs Lega pensent qu’il rend le monde plus sûr et 52 % le considèrent comme un ami de l’Italie.
- À l’inverse, les électeurs de gauche (AVS, PD) le rejettent massivement, le qualifiant d’ennemi de l’Europe, voire de dictateur.
Un sondage d’un type nouveau, opéré par Cluster 17 dans une dizaine de pays et avec des milliers de sondes, particulièrement complexe à mettre en œuvre, pour mesurer l’opinion publique européenne.
3 — Une profonde méfiance envers Elon Musk et les GAFAM
Comme dans le reste du continent — et malgré la proximité mise en avant par la présidente du Conseil avec le propriétaire de Tesla — le rejet d’Elon Musk est massif en Italie.
71 % des Italiens en ont une opinion négative, 80 % ne lui font pas confiance, et 52 % soutiennent un boycott de Tesla et de Starlink.
Quand on étudie les données d’une manière plus granulaire, on s’aperçoit que la figure d’Elon Musk polarise l’électorat italien.
- Musk est rejeté à 97 % par les électeurs du PD et d’AVS, à 86 % par ceux du M5S.
- En revanche, seuls 12 % des électeurs de la Lega en ont une mauvaise image.
- Le parti de la présidente du Conseil FdI le rejette à 34 % et l’autre parti de la coalition de gouvernement le rejette à 52 %.
Alors que la moitié du pays souhaite boycotter Tesla, seuls 8 % des électeurs Lega et 21 % de FdI y sont favorables. à l’inverse, les taux d’adhésion au boycott atteignent 92 % chez les électeurs AVS et 75 % chez les électeurs PD.
Cette méfiance s’étend aux grandes entreprises technologiques américaines, perçues comme une menace pour la souveraineté européenne par 50 % des sondés.
4 — Autonomie stratégique : défendre l’Europe sans les États-Unis
Les Italiens semblent globalement dans la ligne européenne, en exprimant leur accord sur l’idée que l’Europe doit pouvoir compter sur elle-même pour assurer sa sécurité (58 %).
L’intensité de ce soutien varie toutefois fortement.
- 79 % chez les électeurs du PD, 61 % chez AVS, mais seulement 19 % chez ceux de la Lega, qui préfèrent largement s’en remettre aux États-Unis.
Ce clivage se retrouve aussi sur la défense européenne : 93 % des électeurs AVS et 90 % du PD y sont favorables, contre 27 % seulement pour la Lega.
Face au retour de Trump, les Italiens plaident pour une autonomie stratégique accrue.
- 65 % soutiennent la création d’une armée européenne commune ;
- 58 % affirment que l’UE doit assurer seule sa défense, sans compter sur Washington ;
- 69 % veulent privilégier des achats d’armement strictement européens.
Sur la défense européenne un clivage politique fort autour d’un axe gauche – droite apparaît.
- AVS, PD, et M5S soutiennent massivement une défense européenne commune (jusqu’à 93 % pour AVS).
- Lega, en revanche, reste très attachée à l’armée nationale (35 %) ou à l’OTAN (35 %).
- Sur la dissuasion nucléaire française étendue à l’Union, les oppositions sont fortes : 78 % de refus chez Lega, contre 61 % d’accord chez PD.
5 — Un soutien à l’Ukraine ambivalent
Le soutien italien à l’effort de guerre ukrainien s’érode. Seuls 37 % soutiennent un engagement militaire accru de l’Union, et 62 % estiment que l’Ukraine devrait accepter un traité de paix même au prix de pertes territoriales.
Ici aussi apparaît un clivage politique.
- Si 61 % des électeurs du PD soutiennent un engagement militaire accru de l’Union, ils ne sont que 34 % chez FdI, 12 % chez M5S, et 9 % à la Lega.
- De même, la majorité des électeurs de droite radicale est favorable à une paix même au prix d’une perte territoriale (92 % chez Lega, 73 % FdI), tandis que la gauche continue de privilégier la reconquête.
Une majorité relative (50 %) approuve cependant la saisie des avoirs russes gelés pour financer l’aide à Kiev.
6 — Un soutien au réarmement plus faible que dans le reste de l’Europe
Face à la montée des tensions géopolitiques, l’opinion publique italienne exprime une forme de dissonance stratégique. Alors même que 65 % des Italiens soutiennent la création d’une armée européenne commune, et que 58 % estiment que l’Union ne doit compter que sur ses propres forces pour sa défense, l’idée d’un véritable effort de réarmement rencontre une adhésion beaucoup plus limitée que dans le reste de l’Europe.
Seuls 19 % des répondants jugent urgent de porter les dépenses de défense à 5 % du PIB, contre 62 % qui estiment qu’il existe des dépenses plus prioritaires.
Cette prudence traverse presque toutes les familles politiques, y compris auprès des forces pro-européennes ou dans l’axe gauche de spectre politique :
- Le PD présente 21 % de favorables à l’augmentation des dépenses et 54 % opposés.
- AVS, 12 % favorables et 74 % opposés.
- La situation est encore plus nettement tranchée chez les électeurs M5S : 5 % y sont favorables, 87 % opposés.
Ainsi, 62 % des Italiens estiment qu’il y a d’autres priorités que d’augmenter les dépenses militaires, contre seulement 19 % qui jugent « urgent » de porter les budgets de défense à 5 % du PIB européen. Même les électeurs les plus pro-européens, comme ceux du PD (54 %) ou d’AVS (74 %), restent majoritairement opposés à cette hausse, privilégiant d’autres investissements.
La même ambivalence se retrouve sur la question du service militaire obligatoire qui voit une large majorité de rejet avec 63 %.
Ce rejet ne répond pas strictement à un clivage gauche/droite.
- Le refus est massif chez AVS (88 %), le PD (72 %) et le M5S (72 %).
- À droite, on constate une légère division notamment chez les électeurs Lega (50 % contre 50 %) et FdI (54 % favorables, 46 % opposés).
Ce paradoxe — souhait d’autonomie stratégique sans appétence pour l’effort militaire — semble traduire un imaginaire italien encore marqué par la culture pacifiste.
7 — Un rapport ambigu de l’électorat de la Ligue vis-à-vis des régimes autoritaires
La perception de Poutine est l’une des principales différences de l’opinion publique italienne par rapport au reste de l’Europe. Seulement une majorité de 52 % le considère comme un dictateur.
Le clivage partisan s’exprime nettement : 24 % des électeurs Lega estiment qu’il respecte la démocratie, contre 0 % (AVS) à 1 % (PD).
La même tendance peut être observée dans l’appréciation de l’action de Donald Trump, avec des forts clivages gauche/droite :
- 66 % des électeurs Lega jugent qu’il respecte les principes démocratiques, contre 0 % chez AVS et PD.
8 — Giorgia Meloni clive sur la scène internationale et son leadership européen est fortement critiqué
Giorgia Meloni est très clivante dans sa gestion de la relation avec Trump, puisque 52 % des Italiens considèrent qu’elle n’a pas eu la bonne attitude vis-à-vis de la nouvelle administration américaine. Ce chiffre est de 46 % en France pour Macron et de 50 % en Espagne pour Pedro Sanchez.
Son positionnement reste toutefois fortement approuvé par son parti (90 %) et par la Lega (89 %), mais elle fait l’objet d’une approbation moindre au sein du parti de centre-droite Forza Italia (FI) avec 78 %.
Elle est massivement critiquée à gauche avec plus de 80 % de rejet chez l’électorat PD et M5S.
9 — L’impasse de la défiance : aucun leader européen ne suscite l’adhésion
Le sondage Eurobazooka révèle une crise profonde de la confiance politique. À la question « Quel est votre niveau de confiance envers les dirigeants politiques suivants ? », aucune personnalité européenne n’obtient une note moyenne supérieure à 5,2/10.
Les clivages partisans sont, là aussi, flagrants :
- Sánchez reçoit un 6,7/10 chez les électeurs PD, mais 2,6 chez Lega.
- Meloni, malgré sa position de présidente du Conseil, ne récolte qu’un 4,0/10 en moyenne, et seulement 2,5 chez les électeurs PD.
- Macron polarise d’une manière particulière l’opinion italienne : le président français n’obtient que 4,0/10 au global — avec 5,9 chez l’électorat PD, mais 1,4 pour la Lega.
Ce nivellement par le bas de la confiance renvoie à un scepticisme structurel face à la capacité de l’élite politique européenne à répondre aux défis contemporains.
Et cela se confirme ailleurs : 81 % des Italiens jugent que les dirigeants européens ne sont pas à la hauteur de la situation internationale.
10 — Faut-il se rapprocher de la Chine ? une tentation marginale mais présente dans le seul pays du G7 à avoir adhéré aux Routes de la Soie
Face à la pression croissante des États-Unis et de la Russie, une minorité non négligeable d’Italiens envisage une forme de réalignement géopolitique : 36 % se disent favorables à un rapprochement de l’Union européenne avec la Chine. Si cela ne constitue pas une majorité, ce chiffre interroge, surtout dans un pays historiquement atlantiste.
Les clivages partisans sont marqués, mais moins attendus :
- Les plus favorables à un rapprochement avec Pékin sont les électeurs du M5S (68 %) — un chiffre très élevé qui s’explique par la politique pro-chinoise du président du parti — Giuseppe Conte avait signé l’adhésion de l’Italie aux Routes de la Soie.
- Suivent AVS (46 %) et PD (42 %).
- À droite, en revanche, le rejet est massif : FI & NM : 78 % d’opposition, Lega : 86 %, FdI : 81 %.
Sources
- Publié le 20 mars 2025. Étude réalisée par internet online selon la méthode CAWI auprès de 10572 personnes dans neuf pays de l’Union européenne : France (1319), Italie (1257), Espagne (1539), Allemagne (1407), Belgique (1000), Pays-Bas (1020), Pologne (1003), Roumanie (1014) et Danemark (1013). Les échantillons sont représentatifs des populations sondées et sont réalisés selon la méthode des quotas, au regard des critères d’âge, de sexe, de catégories socioprofessionnelles, de taille de communes et de régions de résidence. Questionnaires auto-administrés en ligne. Interviews réalisées du 11 au 14 mars 2025.