La liste des pays visés par les « tarifs réciproques » annoncés mercredi 2 avril par Donald Trump révèle une cartographie étonnante. Le Lesotho s’est vu imposer le taux le plus élevé parmi les partenaires commerciaux de Washington (50 %), les 9 pays visés par des taux supérieurs à 40 % sont tous catégorisés par la Banque mondiale comme à revenu faible ou intermédiaire inférieur, et des territoires appartenant à des États comme la France, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas ont été ciblés par des tarifs qui diffèrent de ceux imposés sur leurs territoires métropolitains.
Plus étonnant encore, la Russie, le Belarus, la Corée du Nord ou la Somalie ont été exclus de la liste des pays frappés par ces tarifs.
- La Maison-Blanche se défend d’avoir octroyé un quelconque traitement préférentiel à la Russie dans le cadre de sa « libération » commerciale.
- La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré le 2 avril que Moscou n’était pas concerné par ces nouveaux tarifs car les sanctions américaines « empêchent déjà tout commerce significatif » 1.
- Si le commerce bilatéral entre les États-Unis et la Russie a effectivement été divisé par 10 depuis 2021 en raison des sanctions imposées suite à l’invasion de février 2022, des pays et territoires avec qui Washington échange considérablement moins ont quant à eux été visés par des tarifs.
- Les Îles Heard et McDonald, inhabitées, ont ainsi été frappées par un taux de 10 % alors que le commerce bilatéral avec ce territoire australien ne s’élevait qu’à 72 468 $ l’an dernier.
En pratique, rien n’empêcherait la Maison-Blanche de mettre en place des tarifs sur les importations en provenance de Russie. Si le commerce bilatéral ne représentait que 3,5 milliards de dollars l’an dernier, les États-Unis entretiennent un déficit commercial chronique avec la Russie depuis le milieu des années 1990. En utilisant la formule inventée par l’USTR pour fixer le taux des tarifs « réciproques », les importations russes auraient dû être soumises à un taux de 41 % — soit deux fois plus que celui imposé à l’Union européenne.
- L’absence de la Russie de la liste des pays visés par ces mesures tarifaires pourrait suggérer que Trump craint de susciter des tensions supplémentaires avec Moscou susceptibles de nuire au rapprochement engagé avec Vladimir Poutine, et ainsi retarder la conclusion d’un accord de cessez-le-feu avec l’Ukraine.
Pendant que le président américain annonçait ses tarifs dans la roseraie de la Maison-Blanche, le négociateur russe Kirill Dmitriev était en visite à Washington où il s’est entretenu avec plusieurs responsables américains, notamment Steve Witkoff. Il s’agissait de la première fois depuis au moins 2022 qu’un représentant de Poutine se rendait aux États-Unis.
- Dmitriev a accompli le traditionnel rituel de tous les dirigeants et responsables étrangers souhaitant échanger indirectement avec Trump en se rendant sur le plateau de Bret Baier, sur Fox News, pour louer l’action du président et son « ouverture » vis-à-vis de la position et des intérêts russes.
- Le représentant de Poutine a nié le fait que l’absence de la Russie de la liste des tarifs « réciproques » s’inscrivait dans le cadre des négociations entre Moscou et Washington — ou, du moins, que ces mesures tarifaires n’avaient pas joué un « rôle important » dans les discussions 2.
- Il a également de nouveau évoqué les « opportunités » de coopération économique et d’investissements américains en Russie dans le secteur des terres rares, dans la région arctique et a déclaré que la Russie travaillait au rétablissement des liaisons aériennes directes entre les deux pays.
Sources
- Dave Lawler et Barak Ravid, « Trump’s tariffs list is missing one big country : Russia », Axios, 2 avril 2025.
- Ashley Carnahan, « Top Russian negotiator shares status on Ukraine peace talks after meeting with US counterpart in DC », Fox News, 3 avril 2025.