Points clefs
- Le concept de « Bretton Woods 2.0 », inventé par Folkerts-Landau et Garber en 2003, décrivait un ordre monétaire organisé autour de la Chine dont les excédents étaient réinvestis dans la dette américaine, agissant ainsi à la fois comme la source de la détérioration de la balance courante américaine et comme le garant de sa viabilité.
- Nous sommes aujourd’hui à l’ère de « Bretton Woods 3.0 » : la principale contrepartie du besoin de financement des États-Unis est une économie mature, l’Europe.
- Depuis 2022, les investisseurs de la zone euro sont les principaux détenteurs étrangers de la dette publique américaine. Les États-Unis devraient y trouver leur compte car il est préférable de compter sur l’épargne d’un allié politique et militaire pour continuer à mener des politiques fiscales dépensières que sur un rival géopolitique tel que la Chine.
- Dans cette situation, pourquoi essayer de réparer quelque chose qui n’est pas cassé ? Le nouveau président du Conseil des conseillers économiques des États-Unis, Stephen Miran, a émis l’idée de forcer les Européens à augmenter leur exposition à la dette américaine, en guise de « redevance » pour bénéficier du soutien militaire des États-Unis et éviter les droits de douane.
- Cette approche coercitive des États-Unis a une limite fondamentale : les stratégies alternatives des Européens — par exemple le développement de leur propre souveraineté en matière de défense — pourraient devenir économiquement attrayantes si le coût de la relation transatlantique devenait trop élevé. Le fait que Friedrich Merz ait déjà exprimé son intérêt pour une telle révision stratégique pointe dans cette direction.
Penser la relation transatlantique au-delà de la balance commerciale
Les déficits commerciaux bilatéraux ne devraient pas avoir d’importance d’un point de vue macroéconomique. Seule la balance globale des opérations courantes — qui mesure la part de l’investissement intérieur qui ne peut être couverte par l’épargne intérieure et détermine donc le volume des entrées de capitaux nécessaires en provenance du reste du monde — est importante en termes de viabilité financière.
Pourtant, puisque les équilibres bilatéraux semblent être la boussole de Donald Trump sur ces questions, ils ne peuvent en pratique pas être ignorés étant donné l’ampleur du déficit commercial bilatéral des États-Unis vis-à-vis de l’Union — 235 milliards de dollars en 2024, soit un cinquième du total. La réalité de la relation transatlantique est toutefois beaucoup plus complexe et plus équilibrée que ce que l’examen superficiel du commerce des marchandises pourrait laisser penser. En effet, la « balance commerciale » ne prend en compte que les échanges de marchandises. À cet égard, la détérioration de la position des États-Unis par rapport à la zone euro est évidente, alors même que le déficit était déjà important il y a dix ans. Il est intéressant de noter que, du moins pour l’instant, la nouvelle dépendance de l’Europe à l’égard du gaz liquéfié américain pour remplacer le gaz naturel russe n’a pas changé la donne : la régularité dans le temps de la détérioration de la balance commerciale bilatérale des États-Unis — qui semble d’ailleurs imperméable aux changements d’orientation politique à Washington — suggère que quelque chose de plus structurel est en jeu dans ce domaine.
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Toutefois, cet important déficit commercial américain — environ 200 milliards d’euros cumulés au cours des quatre trimestres allant jusqu’au troisième trimestre 2024, le dernier point de données disponible si l’on utilise les données européennes et non américaines — ne s’accompagne pas d’un déficit équivalent de la balance courante : selon cette mesure, la relation bilatérale entre les États-Unis et la zone euro a été presque parfaitement équilibrée au cours des deux dernières années.
En simplifiant un peu, il faut ajouter à la balance commerciale les échanges de services et les flux de revenus pour obtenir le compte courant. Jusqu’au début de l’année 2019, les balances commerciale et courante évoluaient de manière synchronisée. La divergence provient d’une détérioration soudaine et massive du déficit de la zone euro dans les échanges de services avec les États-Unis, et dans une moindre mesure une dégradation de sa balance des revenus.
Commençons par les services. La Banque centrale européenne (BCE) fournit une ventilation assez précise de la balance bilatérale des services. Les échanges de « redevances pour l’utilisation de la propriété intellectuelle (PI) » ont été le principal moteur de la détérioration globale de la balance des services de la zone euro avec les États-Unis au cours des dernières années.
Dans son bulletin de juin 2023, l’article portant sur le compte courant de la zone euro après la pandémie mentionne d’ailleurs cette donnée clef 1. La BCE attribue ce mouvement aux « opérations de restructuration menées par de grandes entreprises multinationales, y compris le transfert aux États-Unis d’actifs de propriété intellectuelle, précédemment détenus dans des filiales situées dans des centres offshore. Du point de vue de la zone euro, ces transactions impliquent principalement l’Irlande et les Pays-Bas, en raison de leur rôle de plaque tournante pour les grandes entreprises multinationales de la zone euro ».
Cette question n’est pas seulement technique. Derrière les réorganisations d’entreprises se cache en effet une « vérité » économique. Pendant des années, la balance européenne des services a sous-évalué les importations de produits de propriété intellectuelle qui étaient pourtant américains — c’est-à-dire les licences de logiciels accordées par des développeurs basés aux États-Unis. Le fait que ces produits soient désormais délocalisés aux États-Unis — notamment pour des raisons fiscales que nous examinerons plus loin — rend à notre avis plus réalistes les calculs des échanges de services tels qu’ils désormais pris en compte dans les données de la balance des opérations courantes.
Les « bonnes affaires » des États-Unis en Europe : un Bretton Woods 3.0
En résumé, l’Europe vend des « biens physiques » de la vieille école aux États-Unis et achète en échange des « biens dématérialisés » aux États-Unis, d’une manière essentiellement équilibrée. Pour être plus concret et bien sûr caricatural : pendant la journée, les Européens fabriquent des voitures pour le marché américain en utilisant des logiciels américains avant de rentrer chez eux pour regarder des séries télévisées américaines sur des plateformes américaines.
Or il n’est pas bon pour l’économie européenne de se spécialiser ainsi.
En effet, à mesure que les revenus augmentent, les préférences des consommateurs s’orientent vers des « expériences » — essentiellement fournies par des services (par exemple, loisirs ou soins de santé de qualité) — plutôt que vers la possession de biens matériels. En outre, alors que la domination des États-Unis en matière de propriété intellectuelle reste incontestée — du moins pour l’instant — la concurrence pour la fourniture de biens est intense, par exemple pour les voitures.
L’Europe vend des « biens physiques » de la vieille école aux États-Unis et achète en échange des « biens dématérialisés » aux États-Unis, d’une manière essentiellement équilibrée.
Gilles Moëc
Ainsi, si l’on prend en compte les services, la relation transatlantique semble bénéfique pour les États-Unis à long terme. La seule pomme de discorde devrait être de nature politique : l’administration américaine actuelle accorde une importance toute particulière au déficit commercial en biens matériels, considéré comme une menace pour les perspectives d’emploi des cols bleus américains. Il nous semble y avoir très peu de preuves que ce soit le cas. En effet, le déficit commercial bilatéral est en augmentation constante depuis plus de 10 ans, tandis que la part de l’industrie manufacturière dans l’emploi total s’est stabilisée à environ 10 % aux États-Unis. Accorder une telle importance à cette question pourrait même être un mauvais calcul politique à long terme, puisque davantage d’Américains sont aujourd’hui employés par Google que par Ford Motors.
Passons maintenant aux échanges de revenus. Paradoxalement, compte tenu de leur déficit dans la balance bilatérale des revenus, les Européens tirent moins de profits de leurs immenses investissements financiers dans les actifs américains qu’ils ne paient aux investisseurs américains sur un stock d’investissement pourtant de moindre ampleur des Américains dans les actifs européens. Cela est d’autant plus remarquable que les taux d’intérêt sont tendanciellement plus élevés aux États-Unis qu’en Europe.
Le rendement des investissements de portefeuille est beaucoup plus élevé pour les investisseurs américains dans la zone euro que pour les investisseurs européens aux États-Unis. Cette situation s’explique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les entreprises américaines versent généralement des dividendes moins élevés que leurs homologues européennes. Ensuite, il y a également une différence significative dans le rendement des revenus des investissements directs, beaucoup plus élevés pour les Américains que pour les Européens — un écart significatif apparaissant au cours des cinq dernières années.
Nous sommes tentés d’expliquer cela par la vaste réforme de l’impôt sur les sociétés mise en œuvre par Donald Trump au cours de son premier mandat, qui a fortement incité les entreprises multinationales ayant leur siège aux États-Unis à rapatrier les bénéfices de leurs entités étrangères en réduisant le taux global de l’impôt sur les sociétés de 35 % à 21 % et en modifiant les règles d’exonération des bénéfices accumulés dans les pays étrangers. C’est aussi probablement la raison pour laquelle elles ont délocalisé leur propriété intellectuelle. La seule catégorie dans laquelle les investisseurs de la zone euro aux États-Unis sont mieux lotis que les investisseurs américains dans la zone euro est celle des « autres investissements ». Cette catégorie comprend les prêts et les dépôts en devises, sur lesquels joue mécaniquement le différentiel de taux d’intérêt. Cela devrait rappeler à l’administration américaine que les entreprises américaines font de « bonnes affaires » dans la zone euro et que les bénéfices qui y sont produits contribuent à compenser le déficit commercial des États-Unis et génèrent des recettes fiscales dont le budget américain a grand besoin. Fondamentalement, le recyclage des économies des Européens dans des actifs américains contribue à assurer la viabilité financière de l’économie américaine.
Compte tenu de tout cela, en 2022, la zone euro est devenue la première source de financement étranger du déficit budgétaire américain, si l’on décompose les avoirs des non-résidents en titres du Trésor américain. En effet, la Chine réduit régulièrement sa contribution au financement du déficit américain depuis le pic atteint lors de la grande crise financière de 2009. Il en va de même du Japon.
David Folkerts-Landau avait forgé avec Peter Garber l’expression « Bretton Woods 2.0 » en 2003 pour décrire un ordre monétaire mondial potentiellement stable organisé autour de la Chine recyclant ses excédents en actifs américains, en particulier en titres du Trésor, agissant ainsi à la fois comme la source de la détérioration du déficit de la balance courante des États-Unis et comme la source de son financement. En 2009, ces auteurs ont prédit qu’avec la maturation de l’économie chinoise — qui génère donc moins d’excédents — d’autres pays émergents tels que l’Inde prendraient le relais.
Accorder une telle importance à la question manufacturière pourrait être un mauvais calcul politique à long terme, puisque davantage d’Américains sont aujourd’hui employés par Google que par Ford Motors.
Gilles Moëc
Nous pensons que « Bretton Woods 3.0 » est déjà en place, avec deux différences majeures par rapport au modèle Folkerts-Landau/Garber : premièrement, la principale contrepartie du besoin de financement des États-Unis est une économie mature, la zone euro, et non une économie émergente ; et deuxièmement, il ne s’agit pas du revers d’un déficit bilatéral des États-Unis vis-à-vis de l’Europe si l’on prend en compte les échanges de services et les flux de revenus.
Là encore, les États-Unis devraient y trouver leur compte : il est beaucoup plus confortable de compter sur l’épargne d’un allié politique et militaire pour continuer à mener des politiques fiscales dépensières que sur l’épargne d’un rival géopolitique tel que la Chine.
Pour que ce Bretton Woods 3.0 puisse continuer à fonctionner, il faut que la zone euro continue à générer des excédents globaux de la balance courante, au-delà de sa relation bilatérale avec les États-Unis, afin de pouvoir exporter l’épargne excédentaire vers les États-Unis. Il y a en effet au moins deux façons d’interpréter les excédents de la balance courante : il s’agit soit du symptôme d’une faiblesse de la demande intérieure, soit du résultat d’une forte compétitivité.
Ici apparaissent les contradictions internes de l’approche américaine actuelle à l’égard de l’Europe. Les responsables politiques américains déplorent régulièrement la faiblesse de la demande européenne — Donald Trump l’a exprimé dans son discours à Davos en janvier — alors que c’est précisément cette faiblesse — contrepartie de l’excès d’épargne de l’Europe — permet aux Européens d’acheter des quantités massives de titres américains. La faiblesse de la croissance européenne se traduit également par une baisse de la valeur des actifs financiers européens par rapport aux actifs américains, ce qui rend les avoirs en dollars américains attrayants pour les Européens.
Les Européens peuvent accepter d’être mal rémunérés en termes de dividendes et d’intérêts sur leurs actifs américains si les gains en capital restent élevés. Or si en plus de la faiblesse de la demande intérieure ils étaient frappés par des droits de douane, leur capacité à recycler l’épargne vers les actifs américains diminuerait, de même que leur capacité à orienter une part importante de leur consommation vers des produits générant des revenus de propriété intellectuelle pour les entreprises américaines.
De quoi un « Accord Mar-a-Lago » serait le nom
Il en va de même pour les préoccupations relatives aux devises. L’administration américaine souhaite une baisse du dollar. Or, une appréciation de l’euro se traduirait par une diminution de l’excédent de la balance courante en Europe et donc par une moindre capacité à financer le déficit américain.
Stephen Miran, nommé président du Conseil des conseillers économiques de la Maison Blanche, a écrit, lorsqu’il travaillait encore dans le secteur privé, un essai très pertinent sur la manière de déformer le système monétaire mondial pour mieux servir les intérêts économiques des États-Unis. Il y évoque plusieurs moyens de provoquer une dépréciation du dollar sans pour autant entraîner une baisse de la demande d’actifs américains, ce qui entraînerait une hausse des taux d’intérêt aux États-Unis et, à terme, un ralentissement de l’économie et compliquerait encore davantage la résolution de l’équation budgétaire déjà complexe.
Son idée est que, dans le cadre d’un « Accord de Mar a-Lago », s’inspirant des accords du Louvre et du Plaza des années 1980, lorsque l’Europe et le Japon avaient consenti à un effort conjoint pour déprécier le dollar, les banques centrales étrangères accepteraient de transférer leurs réserves vers des obligations du Trésor américain à très long terme — voire une dette perpétuelle — ce qui plafonnerait les taux d’intérêt à long terme tandis que les investisseurs privés déserteraient le marché américain, anticipant la dépréciation du dollar.
Miran lui-même souligne combien il serait improbable que les Européens acceptent une telle démarche et introduit pour cette raison une dimension coercitive : l’investissement à long terme dans la dette américaine constituerait la « compensation » que les Européens paieraient pour éviter les droits de douane et bénéficier du maintien de la protection militaire de Washington. Cependant — et c’est un point auquel Miran fait allusion, sans le résoudre — un problème majeur est que les investissements européens aux États-Unis résultent principalement d’une multitude de décisions décentralisées prises par des opérateurs privés : entreprises de l’économie réelle pour les investissements directs, gestionnaires d’actifs et investisseurs institutionnels pour les mouvements de portefeuille.
Le recyclage des économies des Européens dans des actifs américains contribue à assurer la viabilité financière de l’économie américaine.
Gilles Moëc
Les réserves des banques centrales y jouent un rôle très modeste. C’est une différence essentielle avec Bretton Woods 2.0, lorsque les investissements chinois dans les bons du Trésor américain étaient centralisés par le gouvernement. Il est donc difficile de comprendre comment un accord de Mar-a-Lago fonctionnerait concrètement : si les investisseurs privés étrangers aux États-Unis décident de rester sur place, aucune intervention verbale des banques centrales ne pourrait les convaincre de bouger.
Par ailleurs, si, parallèlement à une « déclaration commune solennelle » en faveur d’un dollar plus faible, la BCE annonçait son engagement à acheter des titres de dette américains à très long terme, les investisseurs privés pourraient décider qu’avec le renforcement de la viabilité à long terme des finances publiques américaines, il est plus judicieux d’accroître leurs avoirs en actifs américains.
L’essai de Miran propose une autre idée — inquiétante : la possibilité de taxer les intérêts versés par les titres du Trésor aux investisseurs non-résidents. Cela les « éloignerait » probablement du marché obligataire américain, mais, compte tenu de l’écart entre le montant des réserves des banques centrales et les avoirs américains des investisseurs privés, l’effet net sur le coût global du financement américain pourrait être dramatique pour la santé de l’économie américaine.
Dans la réalité, nous pensons qu’un « accord de Mar-a-Lago » ne pourrait pas fonctionner sans un engagement des banques centrales non américaines à relever leurs taux directeurs afin de réduire l’écart avec la Réserve fédérale (Fed). Cela serait essentiel pour déclencher un rapatriement ordonné de l’épargne hors des États-Unis.
Même en ignorant la question, pourtant cruciale, de l’indépendance de la BCE, le calcul des Européens deviendrait alors très complexe. En effet, ils pourraient décider que la protection militaire des États-Unis et l’évitement des droits de douane ne justifient pas une appréciation de l’euro néfaste pour la compétitivité, combinée à une politique monétaire qui ne ferait qu’aggraver les performances économiques médiocres du continent. Le coût d’une intensification de leur propre effort de défense pourrait, comparativement, paraître acceptable, surtout si une part significative de ces dépenses supplémentaires est consacrée aux entreprises européennes.
En somme, l’approche actuelle des États-Unis concernant leurs relations commerciales et financières avec l’Europe vise à améliorer une situation déjà largement bénéfique aux États-Unis. Il y a une limite à la promotion des intérêts américains par la coercition. Il est possible que les Européens considèrent que le coût macroéconomique global de la tentative à tout prix de maintenir un lien politique et de défense étroit avec les États-Unis devienne trop élevé — rendant ainsi d’autres options géopolitiques plus acceptables.
Un bouleversement stratégique en Allemagne ?
Dans son livre de 2022, Leadership, six études de stratégie mondiale, Henry Kissinger rappelait comment les dirigeants européens qu’il respectait le plus — l’ouvrage contient une analyse pénétrante de la perspicacité d’Adenauer et de De Gaulle — lui exprimaient souvent des doutes quant à la solidité de l’engagement américain dans la défense de ses alliés européens.
Un événement en particulier était régulièrement évoqué lors de ses conversations avec Adenauer : le fait que les États-Unis aient mis un coup d’arrêt à trois de leurs principaux alliés — la France, Israël et le Royaume-Uni — dans leur opération à Suez en 1956. En fin de compte, la conclusion que la France tira de Suez fut la nécessité de se doter de sa propre capacité nucléaire militaire, tandis que l’Allemagne — après le départ d’Adenauer du pouvoir — commença à développer sa propre stratégie à l’égard du bloc soviétique (« Ostpolitik »).
L’approche actuelle des États-Unis concernant leurs relations commerciales et financières avec l’Europe vise à améliorer une situation déjà largement bénéfique aux États-Unis. Mais il y a une limite à la promotion des intérêts américains par la coercition.
Gilles Moëc
La déclaration du prochain chancelier allemand Friedrich Merz résonne à la lumière de ces exemples historiques : « Nous devons discuter avec les Britanniques et les Français — les deux puissances nucléaires européennes — pour savoir si le partage nucléaire, ou du moins la sécurité nucléaire du Royaume-Uni et de la France, pourrait également s’appliquer à nous ».
Demander aux Européens de sacrifier leur propre compétitivité, avec un transfert de la demande et de l’activité manufacturière de l’Europe vers les États-Unis, pose la question du coût relatif pour les Européens.
Ils pourraient préférer consacrer cette part de leur PIB à d’autres questions, telle que l’organisation d’une défense souveraine. Stephen Miran permet aux Européens d’envisager qu’un autre calcul est possible — par rapport à son objectif initial, c’est pour le moins paradoxal.
Sources
- Lorenz Emter, Michael Fidora, Fausto Pastoris et Martin Schmitz, « The euro area current account after the pandemic and energy shock », ECB Economic Bulletin, 6/2023.