Le démantèlement de l’USAID, l’Agence des États-Unis pour le développement international, a surpris un certain nombre d’élus républicains, notamment au sein de l’arrière-garde du GOP. Pour ceux ayant commencé leur carrière politique au cours des années Reagan, comme l’ancien leader républicain au Sénat Mitch McConnell, l’assistance économique américaine à l’étranger faisait partie des outils les plus efficaces — et les moins coûteux (depuis 2001, le budget de l’USAID a représenté entre 0,7 % et 1,4 % du total des dépenses fédérales 1) — pour entretenir et développer des alliances.

Si l’Agence, accusée d’être guidée par un agenda « idéologique », était ciblée par les Républicains dans le cadre d’une campagne « anti-woke », son utilité pour avancer les intérêts des États-Unis dans le monde était rarement remise en question.

  • Trump continue de s’attaquer à ce qui a constituait le socle du soft power américain depuis huit décennies. Vendredi 14 mars, le président américain a signé un décret ordonnant de réduire au minimum les ressources et personnels employés par l’U.S. Agency for Global Media 2.
  • C’est cette agence qui est chargée de superviser les médias dirigés vers l’international, comme Voice of America (VOA) et Radio Free Europe/Radio Liberty notamment. Plusieurs centaines de journalistes ont depuis été placés en congé administratif.
  • VOA produisait des contenus dans près de 50 langues. La radio avait commencé à émettre pendant la Seconde Guerre mondiale afin de lutter contre la propagande nazie, notamment en Amérique latine.

La guerre idéologique livrée par l’administration Trump à tout ce qu’elle considère comme portant un discours libéral et « woke », qualifié d’anti-américain, impacte également le monde universitaire.

  • Le 8 mars, la Maison-Blanche a annoncé annuler l’équivalent de 400 millions de dollars de subventions et contrats fédéraux à l’université Columbia. 
  • Mahmoud Khalil, un étudiant de l’université, est actuellement détenu en Louisiane et menacé de déportation en raison de sa participation à des manifestations pro-palestiniennes.
  • La semaine dernière, une médecin spécialiste de la transplantation rénale et professeur à l’université Brown, Rasha Alawieh, de nationalité libanaise, a été déportée des États-Unis, où elle résidait et travaillait légalement 3.

Ces actions radicales, dont la légalité est contestée par divers acteurs et groupes d’intérêts, a d’ores et déjà des conséquences. Les données provisoires du département du Commerce montrent que le nombre de visites dans le pays a baissé de 2,4 % en février 2025 par rapport à l’année dernière. Par crainte de se retrouver détenus par les douanes américaines, un sort connu par au moins 3 allemands et britanniques le mois dernier, de nombreux touristes pourraient reconsidérer un potentiel voyage aux États-Unis 4.

  • Tourism Economics estime que la « situation de polarisation » provoquée par les politiques et la rhétorique de l’administration Trump pourraient contribuer à une baisse de 5,1 % du nombre de visites aux États-Unis cette année par rapport à 2024 5.
  • De la même manière, de nombreux Américains et résidents considèrent sérieusement quitter le pays. C’est notamment le cas de scientifiques exerçant dans des domaines considérés idéologiques par l’administration Trump (environnement et changement climatique, sciences humaines et sociales, santé, astrophysique… 6)
  • Dans une sorte de « brain drain inversé », l’université française d’Aix-Marseille a lancé la semaine dernière un programme intitulé « Safe Place for Science. Welcoming United States Scientists Threatened in Their Research ». Celui-ci vise à permettre aux scientifiques se sentant « menacés ou entravés dans leurs recherches » de poursuivre leurs travaux en France 7.
  • Le président de l’université, Éric Berton, a déclaré qu’en une semaine le programme avait attiré une cinquantaine de candidatures. Pour certains de ces chercheurs, le gel d’instituts et centres, comme le National Institute of Allergy and Infectious Diseases, menace directement l’octroi de fonds et la pérennité des programmes de recherche 8.

Au-delà de la perte de capital intellectuel qui pourrait bénéficier à la recherche américaine et au prestigieuse des universités, la perspective d’un « exil » pourrait également avoir des conséquences économiques. Au cours du dernier trimestre 2024, soit autour de la ré-élection de Trump, plus de 1 700 Américains ont déposé une demande de visa au Royaume-Uni — le nombre le plus élevé depuis au moins 20 ans 9. Cette hausse coïncide avec une augmentation du nombre de propriétés achetées par des citoyens américains à Londres, qui attire particulièrement les « super-riches » 10.