En décembre dernier, Vladimir Poutine a ordonné à son gouvernement d’élaborer un « plan d’urgence » pour venir en aide à l’industrie russe du charbon, qui traverse sa pire crise depuis les années 1990. Fin octobre, une analyse conduite par le ministère de l’Énergie indiquait que l’industrie russe du charbon était devenue non-rentable en 2024, avec des pertes estimées à 34 milliards de roubles sur l’année (environ 350 millions d’euros) 1.

  • Depuis le lancement de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en 2022, la Russie a tiré près de 87 milliards d’euros de revenus de ses ventes de charbon, soit environ 10,4 % de la valeur totale de ses exportations d’hydrocarbures (68 % pour le pétrole et 21 % pour le gaz), selon les données du Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA).
  • Bien que la Russie dépende moins de ses exportations de charbon que de pétrole et de gaz, elle est le troisième exportateur au monde du combustible (après l’Indonésie et l’Australie). Le secteur emploie directement et indirectement environ 650 000 personnes en Russie, et représente 39 % du fret russe — soit la marchandise la plus transportée.

Si le secteur du charbon russe s’est progressivement contracté ces dernières décennies à mesure que le monde se tourne de plus en plus vers des sources alternatives de production d’énergie, les sanctions imposées par les pays occidentaux suite à l’invasion de 2022 ont eu un impact direct sur l’industrie, accélérant la crise. L’Agence internationale de l’énergie considère que la demande mondiale de charbon a atteint son pic en 2024 et devrait rester stable jusqu’en 2027, avant une probable baisse 2.

  • Les sanctions poussent de nombreux acheteurs internationaux de charbon russe à se tourner vers d’autres fournisseurs. En 2024, l’Inde a réduit ses achats de charbon russe de 37 %, et la Chine de 13 %.
  • Afin de compenser le risque pour les acheteurs, les producteurs russes ont également la possibilité de proposer de vendre leur production au rabais. Dans le même temps, leurs frais (notamment pour le transport ferroviaire) ont augmenté en raison de la surcharge du réseau dû à la guerre et à l’impact des sanctions.
  • Dans la région de Kemerovo, qui représente 60 % de la production de charbon du pays et 80 % pour le charbon à coke, 8 entreprises charbonnières ont cessé leurs activités en 2024 et des centaines de mineurs n’ont pas reçu leurs salaires (environ 220 millions de roubles d’arriérés) 3.
  • En raison d’un prix trop élevé causé par les sanctions, le charbon russe perd des parts de marché en Chine au profit d’autres concurrents comme l’Australie et la Mongolie notamment, qui pourraient remplacer dès cette année Moscou, actuellement deuxième fournisseur de charbon au marché chinois.

L’une des solutions envisagées par le Kremlin pour pallier la baisse des exportations est d’augmenter la demande intérieure en construisant de nouvelles centrales à charbon pour produire de l’électricité 4. Officiellement, la Russie s’est fixé un objectif de neutralité carbone d’ici 2060.

Sources
  1. « Уголь тонет в убытках », Коммерсантъ, 28 octobre 2024.
  2. Coal 2024. Analysis and forecast to 2027, Agence internationale de l’énergie, 5 décembre 2024.
  3. « В главном угольном регионе России из-за санкций начали закрывать шахты и перестали платить зарплаты шахтерам », The Moscow Times, 3 mars 2025.
  4. Василий Милькин et Александр Волобуев, « В России к 2050 году доля угля в генерации энергии может вырасти », Ведомости, 25 août 2023.