Au début de l’année 2024, le média allemand Correctiv publiait, en partenariat avec d’autres journaux européens, une enquête révélant l’organisation quelques mois plus tôt d’une réunion secrète de cadres du parti à Potsdam visant à préparer un vaste plan de « remigration » des personnes d’origine étrangère présentes en Allemagne 1.

Ces révélations avaient conduit à une vague massive de manifestations à travers le pays. 

  • Au total, plus de 2,4 millions de personnes sont descendues dans les rues entre janvier et juillet 2024 pour dénoncer la montée de l’AfD et son programme, selon les chiffres agrégés par la Carnegie Endowment for International Peace. Une pétition demandant l’interdiction du parti d’extrême-droite avait recueilli plus de 800 000 signatures.
  • Le début de ce grand mouvement de manifestations coïncide également avec la baisse des intentions de vote du parti dans les sondages, qui avaient atteint près de 22 % au début de l’année 2024.
  • Après un plancher atteint en mai, quelques semaines en amont des élections européennes et après plusieurs mois de manifestations, les intentions de vote en faveur de l’AfD ont depuis remonté et s’approchent aujourd’hui, un an après les révélations de Correctiv, de leur pic historique.

Le dernier sondage INSA publié samedi 11 janvier place l’AfD deuxième à 22 % en amont des prochaines élections fédérales, qui se tiendront le 23 février. La dernière fois que le parti avait atteint des intentions de vote aussi élevées remonte au 10 janvier 2024. En parallèle, la CDU/CSU perd un point par rapport à la précédente enquête pour s’établir à 30 %, soit le chiffre le plus bas depuis le 21 octobre dernier, selon l’institut de sondage 2.

  • Après avoir presque entièrement conquis l’Est de l’Allemagne lors des élections européennes, remportant 69 arrondissements (Kreise) contre 31 lors du précédent scrutin de 2019, l’AfD a gagné les élections régionales en Thuringe début septembre. Le parti est également arrivé second en Saxe.
  • La formation d’extrême-droite menée par Alice Weidel vise aujourd’hui l’ancien coeur industriel de l’Allemagne, à l’Ouest, notamment en Rhénanie du Nord-Westphalie où l’AfD joue sur l’anxiété de la population suscitée par la fermeture des usines et la baisse du niveau de vie 3.

La formation d’extrême-droite bénéficie de la campagne de légitimation du parti et de sa Spitzenkandidatin menée par Elon Musk sur X (Twitter) puis dans le quotidien conservateur Die Welt fin décembre 4. Lors de son entretien conduit avec Weidel en direct sur sa plateforme jeudi 9 janvier, celui-ci a renouvelé explicitement son soutien en déclarant : « Seule l’AfD peut sauver l’Allemagne. Fin de l’histoire. Les gens doivent soutenir l’AfD ».

L’AfD demeure un parti isolé et ne gouvernera très certainement pas suite aux élections du 23 février, toutes les autres formations refusant de former une coalition avec le parti d’extrême-droite. Parmi les électeurs de la CDU/CSU, 77 % rejettent cette hypothèse — un chiffre élevé mais plus faible qu’au sein de l’électorat des Verts, du SPD ou de la gauche (environ 90 %) 5.

Sources
  1. « Geheimplan gegen Deutschland », Correctiv, 10 janvier 2024.
  2. « AfD verbessert sich auf 22 Prozent – und kommt der Union immer näher », Die Welt, 11 janvier 2025.
  3. Eva Brendel et William Wilkes, « Germany’s Political Frontlines Shift to Downtrodden Rust Belt », Bloomberg, 11 janvier 2025
  4. Le sondage de l’INSA publié le 11 janvier 2025 ne prend pas en compte le potentiel impact de l’entretien de Musk avec Weidel sur X (Twitter).
  5. « K-Frage : Habeck gleichauf mit Merz », ZDF, 10 janvier 2025.