Make America Great Again (MAGA) 2.0 : ce slogan percutant revient avec un souffle nouveau, mais que signifie-t-il vraiment pour l’économie américaine ? En remportant la Maison-Blanche une seconde fois, Donald Trump compte déployer un programme centré sur la croissance, la dérégulation et le renforcement des frontières et des barrières commerciales. Le lendemain de l’élection, le S&P500 a enregistré un bond de 2,5 % — un record historique pour une journée post-électorale —, signal que les marchés saisissent le potentiel qu’aura la nouvelle administration de doper la croissance américaine.
La « vague rouge », renforcée par une majorité confortable des Républicains au Sénat — et désormais à la Chambre —, fait naître des espoirs comme des craintes pour l’administration Trump 2.0. Pour les observateurs européens, souvent éloignés de la réalité américaine et encore tétanisés par la victoire de Trump, il faut d’ores et déjà analyser comment cette nouvelle dynamique, qui va s’enclencher avec une grande célérité et peut-être même de manière brutale, pourrait chambouler l’économie américaine à court et long terme — car cette victoire républicaine est au moins aussi conséquente que l’arrivée au pouvoir de Reagan il y a 43 ans.
La victoire de Trump : une légitimité renforcée
Un « comeback » politique inattendu
Qui aurait cru que, malgré les polémiques entourant sa première présidence — des accusations judiciaires à la gestion de l’émeute au Capitole, et jusqu’aux critiques à la suite des défaites républicaines de 2022 lors des midterms —, Trump parvienne à effectuer un « comeback » politique aussi impensable ? Quoique l’on pense du résultat, ce second mandat est le fruit d’un mouvement populaire plus large.
Une victoire incontestable dans le collège électoral
En remportant les 7 États clefs, même l’Arizona, et en faisant tomber « le mur bleu » qui semblait impénétrable — le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin —, Trump a mis en lumière une transformation profonde de l’électorat en faveur des Républicains. La victoire ne repose pas seulement sur les votes traditionnels, mais sur une alliance élargie qui inclut de plus en plus de voix issues de la classe ouvrière blanche, noire et hispanique. Les bastions ancestraux des Démocrates — les femmes, l’État de New York, les Latinos — ont tous basculé à droite de manière significative : +12 points en Californie, l’État où est née Kamala Harris, +10 points dans le Maryland, +8 points dans le Massachusetts…
Un réalignement qui élargit la base du Parti républicain
Comme le note Niall Ferguson, « Trump a détruit la coalition d’Obama, qui reposait sur la mobilisation des minorités par les Démocrates » 1. La stratégie républicaine, tournée vers une reconquête de l’électorat jeune, afro-américain, latino et juif, a porté ses fruits. Selon le Wall Street Journal, Trump a obtenu cette année 43 % du vote hispanique, contre 35 % en 2020, 33 % du vote asiatique (+4) et 16 % du vote afro-américain (+8). Chez les hommes, le basculement est encore plus important : un quart des hommes noirs ont voté pour Trump, contre 12 % en 2020, et près de la moitié des hommes latino (48 %) — soit une hausse de 10 points 2.
Ce basculement électoral confère à Trump une légitimité incontestable. En réponse aux préoccupations de fraude électorale, la directrice de la Cybersecurity and Infrastructure Security Agency, Jen Easterly, a confirmé l’absence de toute ingérence malveillante lors du scrutin.
Tout est prêt pour le premier jour du deuxième mandat Trump
L’une des cartes clefs de la nouvelle administration Trump réside dans l’infrastructure politique et institutionnelle déjà en place pour mettre en œuvre ses idées dès le premier jour. Contrairement au Trump élu en 2016, celui de 2024 peut désormais compter sur un réseau solide d’alliés à Washington, aussi bien dans le gouvernement qu’au sein du Parti républicain, prêts à faire avancer rapidement ses réformes.
Une Chambre des représentants unifiée, prête à élire un « MAGA pur jus »
Contrairement à sa première présidence, au cours de laquelle il avait dû travailler avec des Républicains modérés tels que Mike Pence et Paul Ryan, Trump bénéficie cette fois-ci du soutien de Républicains plus alignés sur ses valeurs, comme le président de la Chambre, Mike Johnson, qu’il a personnellement soutenu — mais dont on dit qu’il pourrait céder la place à un Républicain plus MAGA pour le prochain Congrès. Cette cohésion devrait permettre un passage plus fluide de ses projets de loi, sans risque d’édulcoration par ceux que Trump qualifie de « RINO » (Republicans In Name Only).
Une large majorité au Sénat
Avec 53 sénateurs républicains, Trump n’aura plus à négocier avec les sénateurs « bi-partisans » modérés comme la Républicaine Lisa Murkowski ou le Démocrate Joe Manchin, qui ne siégera pas dans le prochain Congrès, pour les grands pans de ses politiques publiques.
Des institutions fédérales réorganisées autour de la loyauté aux principes MAGA
Durant son premier mandat, Trump s’est souvent appuyé sur des Républicains traditionnels pour mettre en œuvre sa politique, avec des résultats mitigés. Aujourd’hui, la loyauté envers les valeurs MAGA du président-élu semble être devenue un critère éliminatoire pour occuper des postes clefs dans l’administration fédérale. Il est même question de ressusciter le fameux Schedule F, qui permettrait à Trump de re-classifier le statut de certains employés fédéraux en postes politiques et ainsi de licencier jusqu’à 50 000 fonctionnaires de l’administration fédérale s’il juge qu’ils sont susceptibles de nuire à ses priorités. Avec les trois juges qu’il a nommés à la Cour suprême, Trump a également réussi à s’assurer un soutien non négligeable de la part du pouvoir judiciaire. L’administration aura donc moins de garde-fous que sous la première mandature et nombreux seront ceux qui scruteront le bon fonctionnement et « l’équilibre des pouvoirs » cher aux pères fondateurs des États-Unis d’Amérique.
Une armée de think tanks et de conseillers dévoués à la cause MAGA
L’administration Trump s’appuie sur des groupes de réflexion nationalistes comme le Center for Renewing America et l’America First Institute, dont les rangs sont peuplés d’ex-membres de l’administration Trump 1.0 qui jouent un rôle central dans la définition des politiques. Ce soutien idéologique rappelle le rôle joué par l’American Enterprise Institute sous Reagan et Bush, ou par le Progressive Policy Institute sous Clinton.
Un Parti républicain remodelé à son image
Le Parti républicain d’aujourd’hui est façonné dans l’idéologie MAGA, sans espace pour les Républicains modérés. Des figures emblématiques comme Paul Ryan et Liz Cheney ont quitté la scène, tandis que des alliés proches de Trump, dont J. D. Vance, construisent une base idéologique et philosophique pour une droite populiste affirmée, la « Nouvelle droite » (New Right).
Un allié inattendu : les réseaux sociaux et Elon Musk à la barre
Alors que X (ex-Twitter) est de plus en plus explicitement favorable aux valeurs conservatrices, Elon Musk se positionne comme un allié stratégique, fonctionnant presque comme le « directeur marketing » du mouvement MAGA. Le soutien médiatique accru sur les réseaux sociaux couplé à la stratégie politique de Trump offre un potentiel de communication direct et instantané avec ses bases, renforçant sa capacité à passer des messages radicaux — sans filtre.
Trump ira donc vite : sa mainmise sur l’appareil législatif et le parti offrent une fenêtre d’opportunité qui s’ouvre dès maintenant pour mettre un ouvre un important chamboulement économique et politique.
Qui sort gagnant et qui perd ?
Les gagnants
La « New Right » de J. D. Vance et Donald Trump Jr.
Ce courant nationaliste, populiste et résolument conservateur s’impose désormais comme le visage dominant du Parti républicain. Vance, perçu comme l’héritier idéologique de Trump, gagne en influence et pourrait jouer un rôle aussi central que celui de Dick Cheney à son époque. Sénateur aguerri, il connaît parfaitement les rouages du pouvoir au Sénat, ce qui devrait renforcer son poids dans les décisions stratégiques du parti. Même Mike Johnson, le président de la Chambre, pourrait voir son rôle fragilisé par cette montée en puissance.
Le courant « libertarien tech », incarné par Elon Musk et la « PayPal Mafia »
L’influence de Musk et de son entourage au sein de l’élite tech de la côte Ouest, la « Paypal Mafia », nourrit des idées pour un climat propice à l’expérimentation économique et à la dérégulation. Pour ces figures de la Silicon Valley, l’administration Trump représente une opportunité de pousser leur agenda en faveur d’une économie capitaliste libérée des contraintes réglementaires.
Les entrepreneurs et innovateurs
Sous Trump, les réductions fiscales et la dérégulation pourraient ouvrir des perspectives encore plus favorables aux entrepreneurs.
Qu’il s’agisse de start-ups ou de grandes entreprises, l’environnement sera désormais modelé pour encourager l’audace et l’expansion sans « entrave » d’aucune sorte : ni bureaucratique, ni écologique. Cela pourrait encore creuser plus profondément l’écart avec l’Europe.
La « manosphère »
Dans les données démographiques de cette élection, une tendance se distingue nettement : un ralliement des jeunes hommes au conservatisme.
Selon l’AP VoteCast, 46 % des hommes âgés de 18 à 29 ans ont soutenu Trump cette année, soit une hausse de 10 points par rapport à 2020 3. Ce soutien révèle un basculement structurel, comme l’explique John Hendrickson dans The Atlantic : « Aujourd’hui, les trois podcasts les plus écoutés aux États-Unis sur Spotify sont The Joe Rogan Experience, The Tucker Carlson Show, et The Charlie Kirk Show. Les trois animateurs ont exprimé leur soutien à Trump pour la présidence. Ces émissions et leur audience massive dépassent largement le cadre étroit de la politique. Ensemble, elles forment des mégaphones de voix masculines » 4.
Les perdants
L’establishment démocrate et ses valeurs
La défaite des démocrates révèle une crise de leadership et le rejet ferme de l’idéologie dite « woke » par les électeurs. Selon Axios, « les Démocrates n’ont pas seulement perdu face aux résultats, ils ont été battus par un criminel condamné qu’ils ridiculisaient comme raciste, misogyne, fasciste, et une menace existentielle pour la démocratie » 5.
L’autopsie post-électorale de Blueprint, un groupe de recherche créé pour soutenir la course à la Maison-Blanche de Kamala Harris, est claire : les trois raisons majeures pour lesquelles les électeurs l’ont rejeté sont l’inflation, perçue comme trop élevée ; le nombre d’immigrants vivant illégalement aux États-Unis ; et la perception que Harris était plus préoccupée par des enjeux culturels que par le bien-être de la classe moyenne.
L’équipe de campagne de Kamala Harris et l’appareil Clinton-Biden
Malgré plus de 1,6 milliard de dollars récoltés — soit 500 millions de plus que les Républicains —, la campagne de Harris s’est enlisée dans des dépenses spectaculaires et peu judicieuses. Plusieurs millions de dollars ont été consacrés à des concerts dans les États-clefs pour inciter les jeunes à voter : Jon Bon Jovi à Detroit, Christina Aguilera à Las Vegas, Lady Gaga à Philadelphie, Katy Perry à Pittsburgh… Ces événements semblent avoir davantage éloigné un électorat ouvrier plus préoccupé par ses fins de mois que par les préférences politiques de Taylor Swift. Ces dépenses auraient même laissé la campagne en déficit, à hauteur de près de 20 millions de dollars 6.
Les tensions internes se font déjà sentir au sein du Parti démocrate, dont la jeune garde a commencé à monter au filet. Ro Khanna, représentant progressiste de Californie et figure montante au Congrès, a lancé un appel sans équivoque sur MSNBC : « Il faut faire table rase, trouver de nouvelles idées et une nouvelle direction. L‘establishment a conduit à un désastre ». Un débat proprement idéologique au sein du Parti démocrate semble désormais inévitable.
Qu’adviendra-t-il de la compétition entre les gouverneurs comme Gavin Newsom, Josh Shapiro et Gretchen Whitmer pour une possible nomination en 2028 ? Ces trois figures représentent les nouveaux visages du parti, et s’erigent d’ores et déjà comme figures clefs de la « résistance » anti-Trump. Mais la vraie question demeure : les valeurs qu’ils défendent seront-elles encore d’actualité dans les États-Unis de demain ?
Face à cette nouvelle dynamique, il sera essentiel pour les dirigeants européens de tisser des relations avec ces nouveaux centres de gravité du pouvoir conservateur — bien loin des idéaux incarnés par Jake Sullivan, interlocuteur privilégié des Européens, désormais relégués au second plan, ainsi qu’avec les réseaux encore embryonnaires de la nouvelle garde démocrate. C’est un impératif, aussi dur qu’inattendu, pour la diplomatie transatlantique que de prendre acte de ce bouleversement électoral.
Les inquiétudes autour des « Trumponomics » sont claires
Les craintes autour des « Trumponomics » sont omniprésentes dans les médias — tant pour les Américains que pour les Européens.
Pression sur la dette et les rendements obligataires
La politique budgétaire de Trump pourrait aggraver considérablement la dette publique. En prolongeant la réforme fiscale de 2017, abaissant l’impôt sur les sociétés et supprimant les taxes sur la sécurité sociale, Trump accentuerait un déficit déjà préoccupant. Selon le Congressionnal Budget Office, la dette publique, déjà sur une trajectoire insoutenable, pourrait atteindre 143 % du PIB d’ici 2053 7.
Risques liés au commerce international
La stratégie tarifaire agressive annoncée par Trump — en particulier vis-à-vis de la Chine — suscite des inquiétudes, avec des investisseurs redoutant des chocs d’offre et une inflation importée. La menace d’un tarif douanier de 60 % sur les importations chinoises et de 10 à 20 % sur les importations du reste du monde pourrait causer une poussée d’inflation des prix à court terme et impacter la consommation.
Impact sur le marché du travail de l’expulsion des sans-papiers
De même, la nouvelle politique migratoire de Trump, si elle venait à être mise en pratique dans les faits, pourrait réduire considérablement l’offre de main-d’œuvre, limitant la croissance dans certains secteurs avec des résultats inflationnistes. Parmi les scénarios élaborés par Bloomberg Economics, le plus probable implique que le flux migratoire serait réduit à 750 000 entrées par an — un net recul par rapport à la tendance pré-pandémique d’un million. Le deuxième scénario le plus probable implique des interdictions temporaires de certains types d’immigration, impactant notamment le secteur agricole. Enfin, un troisième scénario, moins probable, envisagerait un arrêt quasi-total de l’immigration pour une durée indéfinie et l’expulsion de 11 millions de migrants non-documentés — avec des effets socio-économiques et inflationnistes majeurs. Dès les premiers jours après l’élection, certains ont évoqué l’utilisation de bases militaires et de prisons pour faciliter l’expulsion d’un million d’immigrés sans papiers et condamnés par un tribunal américain, augurant d’un possible drame humanitaire.
Volatilité des marchés et incertitude quant à la Fed
Quelles conséquences ? Sur le court terme, les réformes budgétaires expansives de Trump pourraient ralentir les baisses de taux de la Fed, même si un scénario où Jérôme Powell serait écarté de la tête de la Réserve fédérale ne semble pas — pour le moment — à l’ordre du jour. Mais sur le long terme , l’économiste Olivier Blanchard pose une question pertinente : « Si Trump mettait en œuvre toutes les mesures qu’il a proposées, on pourrait se demander combien d’années il faudra avant que les investisseurs remettent en question le statut sans risque des obligations du Trésor américain » 8.
Les « Trumponomics » peuvent-ils doper la croissance américaine ?
Les coordonnées de base des Trumponomics sont connues : ancrées dans un libéralisme « classique » et dans la doxa républicaine telle qu’établie depuis Ronald Reagan, elles s’organisent autour d’une logique de réduction des impôts, que Trump avait commencé à mettre en place lors de son premier mandat.
Plusieurs dispositions de la loi fiscale républicaine de 2017 expirant l’an prochain, Trump souhaiterait prolonger les réductions d’impôt sur le revenu et réduire davantage le taux d’imposition des sociétés. Pendant la campagne, il a également promis de supprimer les taxes sur les pourboires, les heures supplémentaires et les retraites. Ces réductions d’impôts seraient financées en partie par un relèvement du plafond de la déduction des impôts locaux et d’État. Selon Bloomberg Economics, avec cette liste d’objectifs — qui ne sera vraisemblablement pas entièrement mises en œuvre en raison des forces du marché obligataire —, les politiques fiscales de Trump entraîneraient « une croissance légèrement plus rapide et une inflation plus élevée ».
Il existe néanmoins des initiatives inédites, bien plus ambitieuses, qui partent du constat — posé par le mouvement MAGA — que les réglementations mises en place par l’administration Biden auraient entravé la croissance économique, freiné l’innovation et ralenti la course technologique cruciale dans la nouvelle guerre froide avec la Chine. Ces réformes visent rien moins qu’à réécrire la manière de faire des affaires aux États-Unis : il est essentiel que l’Europe en saisisse les implications pour s’adapter à ces transformations.
Une dérégulation massive et immédiate
Trump dispose d’un pouvoir exécutif pour alléger les réglementations fédérales. Les marchés anticipent à cet égard des mesures significatives. Les entreprises du secteur de l’énergie, de la finance et de l’intelligence artificielle devraient voir un allègement substantiel des contraintes réglementaires qui pèsent sur eux, ce qui pourrait libérer, selon des experts, des milliards de dollars d’investissements — sans compter l’effet sur les fusions-acquisitions.
Un climat favorable pour le secteur bancaire et les cryptomonnaies
La réduction de la « surréglementation » profiterait directement aux banques américaines. L’assouplissement des exigences de capital de Bâle III ainsi que la levée des restrictions sur le développement des fintechs pourraient stimuler une nouvelle vague de croissance dans le secteur bancaire, où l’innovation technologique pourrait s’épanouir sans entrave. Un régulateur pro-Trump pourrait également établir un cadre réglementaire clair pour les cryptomonnaies, ouvrant la voie à une expansion légale des plateformes américaines.
« Make America First in AI »
Selon le Washington Post, les alliés de Trump élaboreraient également un décret audacieux sur l’intelligence artificielle, prévoyant une série de « projets Manhattan » pour développer des technologies militaires et supprimer les réglementations jugées inutiles et contraignantes 9. Ce plan inclut également la création d’agences dirigées par l’industrie — et non pas par un régulateur fédéral — pour évaluer les modèles d’IA et sécuriser les systèmes contre des menaces étrangères, marquant une rupture nette avec la stratégie de Biden axée sur la sécurité et le contrôle strict des technologies d’intelligence artificielle.
« Drill, baby, drill »
En plus d’une probable sortie de l’accord de Paris, un « tsar de l’énergie » devrait remplacer le « tsar du climat » nommé par Biden. Ses priorités incluraient l’annulation ou le report des restrictions d’émissions de l’Agence de protection de l’environnement pour les véhicules individuels et les camions, ainsi que la levée des restrictions sur les forages dans les réserves fédérales. Ces mesures visent à élargir les ressources énergétiques nationales, considérées comme un des piliers de la compétitivité et de l’emploi industriel américain. Une vision qui s’éloigne de plus en plus de celle de l’Europe.
Relance de l’innovation technologique et de la « defense tech », avec Musk en chef d’orchestre
Avec l’omniprésence d’Elon Musk, un climat favorable à des projets de grande envergure pourrait émerger, rappelant l’âge d’or des laboratoires Bell dans les années 1990. Musk, aux commandes d’un groupe de réflexion en faveur d’un agenda capitaliste, plaide pour une Amérique portée par l’innovation, où des géants tels qu’OpenAI et Amazon Web Services prospèrent sans contraintes bureaucratiques et où les nouveaux acteurs de la defense tech comme Anduril peuvent poursuivre l’innovation. L’objectif affiché est de bâtir une chaîne manufacturière de réarmement moderne et « hyper-scalable », à même de reconstruire rapidement « un arsenal de la démocratie ».
Discipline budgétaire : vers une « Milei-fication » du budget fédéral
Sous l’impulsion de Musk, assisté de Vivek Ramaswamy à la tête d’une nouvelle commission — le Department of Government Efficiency, ou DOGE en clin d’œil à la cryptomonnaie d’Elon Musk — Trump envisagerait de tailler 2 000 milliards de dollars dans le budget fédéral, soit 30 % des dépenses annuelles. Ce projet, inspiré par le libertarien argentin Javier Milei, vise une réduction drastique de la dépense publique. Sera-il un choc fiscal d’austérité ou libèrera-t-il les forces de marché ? Son impact serait potentiellement historique, modifiant la nature même de l’intervention de l’État fédéral.
À quoi s’attendre dans les jours à venir ?
Les jours à venir s’annoncent décisifs pour la mise en place de la nouvelle administration Trump et pour la direction que prendra sa politique.
Plusieurs éléments vont retenir l’attention des investisseurs, qui scrutent les premières mesures concrètes de cette ère « MAGA 2.0 ».
Des résultats définitifs pour la Chambre des représentants
L’issue de certaines courses électorales décisives, notamment en Californie, pourrait retarder la confirmation finale de la composition de la Chambre, les votes par correspondance pouvant être comptabilisés jusqu’à une semaine après l’élection. Sur les 12 sièges encore indécis à ce jour, plusieurs doivent être confirmés dans les prochains jours, mais une courte majorité républicaine à la Chambre se dessine nettement, ce qui donnerait à Trump un mandat clair pour avancer dans les réformes proposées.
L’élection des leaders républicains
Une fois la composition de la Chambre confirmée, les Républicains devront élire leurs leaders. Au Sénat, le sénateur du Dakota du Sud John Thune a été élu mercredi 13 novembre au poste de chef de file du GOP, succédant à Mitch McConnell qui occupait le poste depuis 2007.
Ce choix de leadership au Sénat influencera directement non seulement l’agenda législatif de Trump, mais surtout le pouvoir de nominations présidentielles aux postes clefs de l’administration Trump : membres du cabinet, juges fédéraux, et ambassadeurs. Comme chaque nomination passe d’abord par un comité, les Démocrates pourraient prolonger le processus, une stratégie qui avait privé la première administration Trump d’un nombre crucial de hauts responsables pendant près de deux ans. Afin de contourner ce processus et ses potentielles lenteurs, Trump avait exigé des candidats au poste de majority leader au Sénat qu’ils acceptent le principe du Recess Appointments, une disposition prévue dans la Constitution qui permet de profiter du fait que la chambre haute ne soit pas en session pour forcer des nominations sans tenir de vote.
Suite des nominations clefs dans l’administration Trump
Les investisseurs surveilleront de près les noms proposés pour les postes économiques stratégiques, notamment celui de secrétaire au Trésor. Le principal candidat pressenti pour le poste est Scott Bessent (ex-Soros). Le profil choisi pourrait indiquer si le cap sera maintenu vers une politique anti-trade et d’expansion budgétaire, ou si des concessions devront être faites pour rassurer les marchés.
Un tournant majeur pour l’économie américaine auquel l’Europe doit s’adapter le plus rapidement possible
Le rythme accéléré des initiatives du second mandat de Trump — appuyé par une légitimité politique solide et un parti remodelé — ouvre un chapitre de changements majeurs pour les États-Unis. Les réformes axées sur la dérégulation et la réduction des impôts pourraient donner un coup de fouet à l’économie américaine et placer le pays face à de très sérieuses tensions budgétaires et sociales.
Pour les observateurs européens, le tsunami idéologique et démographique révélé par le scrutin ne doit pas être naïvement ignoré. Les Européens ont tout intérêt à se départir d’une vision trop simpliste ou manichéenne de l’élection de novembre 2024.
Au-delà des jugements ou pré-jugements portés sur MAGA 2.0, il est impératif de commencer à comprendre ses tenants et aboutissants, et d’apprendre à connaître les figures émergentes de la « Nouvelle droite » du GOP et des « Nouveaux démocrates ». Les dirigeants européens doivent mettre en place un modus operandi approprié avec les États-Unis et réorienter les politiques nationales et européennes pour faire face à une nouvelle Amérique qui — quoi qu’il en coûte — veut gagner face au reste du monde.
Sources
- Niall Ferguson, « The Resurrection of Donald J. Trump », The Free Press, 6 novembre 2024.
- Brian McGill, Anthony DeBarros et Caitlin Ostroff, « How Different Groups Voted in the 2024 Election », The Wall Street Journal, 11 novembre 2024.
- Linley Sanders, « AP VoteCast : How Donald Trump built a winning 2024 coalition », Associated Press, 8 novembre 2024.
- John Hendrickson, « Taxonomy of the Trump Bro », The Atlantic, 8 novembre 2024.
- Jim VandeHei et Mike Allen, « Behind the Curtain : Deep Democratic depression », Axios, 8 novembre 2024.
- David Spector, « Trump trolls debt-ridden Harris camp, urges GOP to do ‘whatever we can to help them’ after its revealed VP owes $20M », The New York Post, 9 novembre 2024.
- À noter, après une poussée de fièvre initiale, les rendements sont presque de retour à leur niveau pré-élections, le marché ayant déjà largement incorporé ce risque. « The Long-Term Budget Outlook Under Alternative Scenarios for the Economy and the Budget », CBO, juillet 2023.
- Olivier Blanchard, « How will Trumponomics work out ? », Peterson Institute for International Economics (PIIE), 13 novembre 2024.
- Cat Zakrzewski, « Trump allies draft AI order to launch ‘Manhattan Projects’ for defense », The Washington Post, 16 juillet 2024.