Avec l’attaque de ce soir, pour la deuxième fois dans l’histoire, la République islamique a attaqué Israël depuis son territoire. Ce changement stratégique repose sur une nouvelle doctrine, énoncée en avril par le régime iranien  : qu’est-ce que «  la nouvelle équation  »  ?

  • Dans la soirée du 13 avril, plus de 300 projectiles — drones, missiles de croisière et missiles balistiques — avaient été tirés depuis l’Iran selon l’armée israélienne. L’opération s’était soldée par un échec tactique. La plupart des munitions (« 99 % ») ayant été interceptées en dehors de l’espace aérien israélien.
  • Le lendemain de cette attaque, qui était une riposte à l’assassinant du général Zahedi dans l’espace consulaire d’Iran à Damas, le plus haut gradé de l’armée iranienne, Mohammed Hossein Baqeri, s’était exprimé pour expliciter une nouvelle doctrine : « Une nouvelle équation a été établie avec cette opération : si le régime sioniste attaque, il sera contre-attaqué depuis l’Iran. » 

Ce changement de nature de l’affrontement entre l’Iran et Israël n’avait pas rétabli l’équilibre.

  • L’asymétrie technologique et militaire paraît aujourd’hui fondamentale. Comme l’expliquait Ghassan Salamé dans nos pages : « L’Iran dispose de deux leviers qui lui ont coûté plusieurs dizaines de milliards : d’une part, le programme nucléaire, et d’autre part, les activités de cinq relais régionaux — le Hezbollah, le Hachd, les Houthis, le Hamas et le Djihad islamique. Une guerre générale où l’aviation israélienne pourrait démontrer sa suprématie met en danger ce dispositif ».
  • Après l’attaque d’avril, Israël a ciblé plusieurs personnes clefs du dispositif de Téhéran dans la région, au Liban (Fouad Chokor, le 30 juillet à Beyrouth ainsi qu’Abbas Nilforoushan et Hassan Nasrallah toujours à Beyrouth ce 27 septembre) et sur le sol iranien (Ismaïl Haniya mort à Téhéran le 31 juillet).

Dans un communiqué publié par les Gardiens de la Révolution pendant l’attaque d’aujourd’hui, 1er octobre, le régime iranien semble revendiquer la doctrine de la nouvelle équation.

  • En annonçant avoir lancé « des dizaines de missiles sur Israël », les Gardiens de la révolution affirment « qu’Israël sera de nouveau visé s’il riposte », mais considèrent que ces tirs de missiles sont une « représailles à l’assassinat de Haniyeh, Nasrallah et Nilforoushan ».
  • Selon la doctrine iranienne et bien que cela puisse paraître contre-intuitif, Téhéran revendique donc avant tout de chercher à rétablir un équilibre.

Alors que des responsables israéliens ont affirmé que « l’Iran paiera un lourd prix » pour l’attaque, la mission de l’Iran auprès des Nations unies a déclaré que si Israël « ose répondre ou commettre d’autres actes de malveillance, une réponse subséquente et écrasante suivra ».

  • Vendredi dernier, à la tribune des Nations unies et alors qu’il venait d’approuver l’ordre de raid qui a conduit à l’élimination de Nasrallah, Benjamin Netanyahou avait déclaré qu’aucune cible en Iran n’était hors de portée des armes d’Israël.
  • Le régime iranien apparaît considérablement affaibli par cette séquence. Comme l’indique une source militaire au Grand Continent : « En théorie, la démonstration de puissance militaire est censée dissuader les adversaires ou les rivaux. Dans ce cas l’incapacité à toucher des objectifs précis ne fait que souligner l’inefficacité ou les limites de l’arsenal iranien. Au lieu d’imposer une crainte ou de renforcer sa position sur la scène internationale, cela montre une défaillance technique et stratégique, affaiblissant davantage l’image du régime à l’intérieur comme à l’extérieur. »