2024 est l’année des grandes élections — plus de la moitié de la population mondiale est appelée aux urnes. Pour accompagner cette actualité intense, le Grand Continent publie quotidiennement des cartes et analyses. Si vous trouvez ce travail important et estimez qu’il doit être soutenu et poursuivi, nous vous demandons de penser à vous abonner.
1 — Participation
À l’issue du dépouillement des votes des Portugais résidant au Portugal, la participation électorale s’établit en nette hausse, à 66,2 % (+ 14,7 pp).
La fin de l’ère Costa (2015-2023), mais aussi la diversification de l’offre politique, notamment à l’extrême droite, sont sans doute pour beaucoup dans ce net rebond. En 2019, l’abstention avait connu un record historique avec une participation de 48,6 % seulement, avant que la participation ne connaisse un léger sursaut lors du scrutin de 2022 (+ 2,9 pp). C’est dans de petites communes rurales du nord-est en déclin démographique que la mobilisation est la plus faible, autour de 30 %, tandis que les régions côtières du centre du pays et certains bastions communistes du sud connaissent une participation qui peut dépasser 75 % par endroits.
2 — Résultats généraux
L’Alliance démocratique menée par le Parti social-démocrate de centre-droit (PSD, PPE) remporte l’élection avec 30 % des voix (+ 1 pp). Elle devance d’un point de pourcentage seulement le Parti socialiste (PS, S&D), qui obtient 29 %, en nette baisse (- 13 pp). Alors que la participation est en très nette hausse (+ 450 000 votants), le PSD gagne environ 150 000 électeurs, tandis que le PS en perd 400 000. En troisième position, le parti nationaliste Chega (CH, ID) s’établit à 18,1 %, contre 7,2 % en 2022, triplant quasiment son nombre d’électeurs par rapport au scrutin précédant et enregistrant 700 000 soutiens supplémentaires. Deux partis, un libéral (Initiative libérale, IL, RE) et un de gauche radicale (Bloc de gauche, BE, GUE/NGL) se disputent la quatrième place avec des scores autour de 5 %. Ils sont suivis de trois autres petites forces de gauche et écologistes : l’alliance CDU autour du Parti communiste, à 3,4 %, et les deux partis écologistes LIVRE et Personne-Animaux-Nature (PAU) à 3,3 % et 2 % respectivement. Le petit parti de droite radicale Alternative démocratique nationale (ADN) pourrait, avec 1,7 % des voix, avoir bénéficié d’une confusion due à la proximité de son nom avec celui de la coalition AD.
3 — Le nouveau parlement et les coalitions
La nouvelle Assemblée de la République présente trois blocs inégaux : un bloc de gauche composé des socialistes avec 77 sièges, des partis de gauche radicale BE (5) et CDU (4) et des écologistes de LIVRE (4) et PAN (1), soit 91 sièges au total ; un bloc de centre-droit comprenant l’AD avec 79 sièges et les libéraux avec 8 sièges, soit 87 sièges ; enfin un bloc Chega disposant de 48 sièges. Il est d’ores et déjà acquis qu’aucun des trois groupes n’atteindra la majorité absolue de 116 sièges. Dans la mesure où le PSD a catégoriquement exclu jusque-là toute coalition avec Chega, la formation d’un gouvernement minoritaire négociant des soutiens au cas par cas apparaît comme l’issue la plus probable du scrutin. L’AD a besoin du soutien de 37 députés hors de ses rangs pour obtenir une majorité absolue, contre 39 pour le PS, qui dispose d’une réserve d’une quinzaine de voix à gauche. L’attitude des députés centristes sera probablement déterminante dans le succès du prochain gouvernement.
4 — Les vainqueurs de 2024
Entre 2022 et 2024, le centre-droit a pris l’avantage sur le centre-gauche dans un grand nombre de municipalités de la moitié nord du pays, ainsi qu’aux Açores. Le PS est cependant toujours le premier parti dans la plus grande partie de l’Alentejo (sud). Une autre évolution majeure de la carte électorale concerne l’émergence d’une série de communes où Chega arrive en tête. Celles-ci sont principalement situées dans l’Algarve (extrême sud), dans l’est de l’Alentejo et dans les régions du sud situées à l’est de Lisbonne. L’Algarve se distingue par ailleurs comme étant la seule région du pays où Chega arrive en tête.
5 — Les scores de l’Alliance démocratique
L’Alliance démocratique (centre-droit) obtient des meilleurs résultats dans la moitié nord du pays, traditionnellement plus conservateur, ainsi qu’aux Açores. Ses scores les plus élevés sont atteints dans de petites communes de l’intérieur, où elle dépasse par endroits les 75 %. À l’inverse, dans certaines communes de l’Alentejo, marqué par la tradition communiste, ses résultats ne dépassent pas 10 % des voix. Un cas particulier est constitué par la région de Lisbonne où les résultats de la coalition varient du simple au double, entre 20 % et 40 % environ.
6 — Les scores des socialistes
À l’inverse, les socialistes sont plus forts au sud du Tage, où leur part de voix dépasse localement les 50 % tandis que dans certaines zones de force de l’AD dans le nord, leur score tombe sous les 10 %. L’Algarve se distingue de l’Alentejo par une part plus faible de vote PS, autour de 20-25 % contre 30-40 % dans une majorité de communes du sud. On retiendra que malgré ses tropismes géographiques et les pertes qu’il a subies depuis 2022, le PS conserve une base électorale plus homogène géographiquement que l’AD, avec des scores dépassant 20 % dans une immense majorité de communes.
7 — Les scores de Chega
Chega s’établit presque partout au-dessus de 10 % des voix, à l’exception de quelques communes du nord et de certaines parties des agglomérations, principalement à Lisbonne et Porto. Au contraire, il dépasse les 30 % dans de nombreuses communes de l’Algarve et une partie de l’est du Haut et Bas-Alentejo.
8 — Les scores des autres partis de gauche cumulés (CDU =PCP+PEV, PAN, LIVRE, BE)
Les bastions traditionnels de la gauche radicale, historiquement emmenée par le Parti communiste portugais (PCP) aujourd’hui membre de la Coalition démocratique unitaire (CDU), se situent en Alentejo, dans l’intérieur des terres. Dans certaines petites communes dont la population est aujourd’hui vieillissante, la CDU obtient encore des scores dépassant 40 %. Dans le reste du pays, y compris dans les agglomérations les plus peuplées, c’est le plus jeune Bloc de gauche (BE), fondé en 1999, qui constitue la première force à gauche du PS.
Les deux petites formations écologistes LIVRE et PAN, fondées en 2014 et 2009 respectivement, obtiennent un certain succès dans les communes des grandes agglomérations. Dans ces communes, les s cores de LIVRE s’établissent fréquemment au-delà de 5 %, ceux de PAN entre 2 et 4 %. LIVRE présente un profil politique écosocialiste marqué, tandis que PAN est plus proche du centre-gauche traditionnel et prête une attention particulière à la question des droits des animaux.
9 — Les scores de l’Initiative libérale
L’Initiative libérale obtient ses meilleurs résultats dans les zones côtières et dans les agglomérations, avec des scores de 4 à 10 %. À l’inverse, le parti est très faible dans l’intérieur, tant au nord qu’au sud du pays, ainsi qu’aux Açores, où il ne dépasse que rarement les 2 % des voix.
10 — Les deux principaux événements du vote : la croissance de Chega et le recul du PS
Dans la plupart des municipalités du pays, Chega enregistre une hausse d’au moins 10 points de sa part de voix, tandis que le PS enregistre une baisse d’au moins 10 points. Les zones de forte baisse du PS et de hausse de Chega coïncident parfois, notamment dans l’est de l’agglomération de Lisbonne et dans une partie du Haut-Alentejo. Toutefois, les deux cartes n’en sont pas pour autant superposables, et il n’est pas possible à ce stade d’analyser la hausse du vote Chega comme le résultat d’un simple transfert d’électeurs du PS l’extrême droite. En effet, la très forte hausse de la participation suggère qu’un grand nombre de non-votants pourraient avoir plébiscité Chega.