Saison 3 de « Parlement » : intrigues, comédie, pédagogie

À partir de demain, 29 septembre, la troisième saison de la série « Parlement » sera disponible sur la plateforme france.tv et sera diffusée sur France 2. Au fil de 10 épisodes de 26 minutes, cette comédie raconte sur un ton léger et satirique les aventures d’une dizaine de personnages évoluant dans les méandres du Parlement européen et de la Commission. Une fois encore, elle fera œuvre utile pour acclimater les citoyens à ce système politique atypique. Un visionnage signé Olivier Costa.

Parlement, France 2

Un débat européen de piètre qualité

Dans la perspective des élections européennes de 2024, et comme depuis 1979, les responsables du Parlement européen et les éditorialistes s’inquiètent du probable désintérêt des électeurs, peu au fait de l’architecture de l’Union et des activités de ses acteurs et institutions. Si l’Union était une organisation internationale classique, n’impliquant que les représentants des États membres, ce serait sans conséquences. Mais elle aspire à un fonctionnement démocratique, où des partis politiques européens s’affrontent dans des élections elles aussi européennes. Or l’implication des citoyens n’ira pas de soi tant que la vie politique et médiatique restera focalisée sur l’échelon national ou local. Certes, crise après crise, les enjeux de l’intégration européenne ont gagné en visibilité, jusqu’à devenir un élément polarisant des débats politiques nationaux, partout en Europe. Au traditionnel clivage gauche-droite s’est superposé un clivage relatif à l’intégration européenne. Toutefois, compte tenu de la connaissance limitée que responsables politiques, journalistes et citoyens ont des institutions et des politiques de l’Union, il est de piètre qualité.

Des vertus pédagogiques de la fiction

La fiction, puissant outil pédagogique, pourrait remédier à cette carence. Un roman, une pièce de théâtre, une bande-dessinée ou un film permettent de découvrir un univers, un événement historique, une époque, un milieu, un environnement professionnel, d’en comprendre les logiques, les enjeux et les acteurs.

Les séries agissent de même quand elles s’ancrent dans la réalité. Qui aura suivi une fiction ayant pour cadre un hôpital, un tribunal, une école, un commissariat ou une prison aura une idée de ce qu’il s’y passe. Il faut certes composer avec les biais et raccourcis exigés par la narration, et avec les outrances d’une comédie ou d’un drame, mais l’apport pédagogique demeure. Toutefois, ici encore, l’Union se fait discrète, car les romanciers et les scénaristes ne sont pas mieux informés de ses subtilités que le commun des mortels. La série « Parlement » s’est logiquement distinguée dès son lancement en 2020, car elle a pu bénéficier de la connaissance intime des institutions européennes de deux de ses scénaristes, Pierre Dorac et Maxime Galligaro, qui y font tous deux carrière.

Une série qui prend de l’ampleur et trouve son ton

Au fil de trois saisons, la série « Parlement » a pris de l’ampleur, sans changer de cap : une comédie qui dépeint avec un mélange de férocité, de bienveillance et de réalisme le microcosme européen.

Elle avait débuté assez modestement, qu’il s’agisse de l’intrigue, des moyens ou du casting. La deuxième saison, plus ambitieuse, a davantage fait droit à la complexité du processus décisionnel européen et aux jeux de pouvoir qui l’animent, a offert plus de diversité dans le profil et le tempérament des personnages, et a gagné en réalisme grâce à un tournage dans les locaux du Parlement européen. La série poursuit sur sa lancée : on retrouve les protagonistes des deux premières saisons, qui occupent de nouvelles fonctions ou en convoitent.

Ce jeu de chaises musicales n’est pas qu’une astuce de narration, car c’est l’exact reflet du fonctionnement de l’Union et des carrières qui s’y construisent, entre Parlement et Commission, lobbying et journalisme, fonction publique et cabinets. On voit apparaître quelques nouveaux visages, tel Konrad, le chef allemand du groupe démocrate-chrétien, terne quinquagénaire désireux de s’humaniser à des fins politiques. Pour cette troisième saison, « Parlement » a eu les honneurs d’un tournage au Berlaymont, le siège de la Commission. 

Quatre niveaux de narration 

La série a encore enrichi ses registres de narration, qui se déploient désormais sur quatre niveaux. Il y a d’abord l’intrigue politique : le texte qui avait été amorcé dans la première saison, et adopté de haute lutte dans la deuxième, sera-t-il enterré ou mis en œuvre ? Il y a, en deuxième lieu, le destin de chacun des personnages, dont le sort est lié à celui du texte, et les relations professionnelles ou amoureuses qui se nouent entre eux : Michel (l’irrésistible Philippe Duquesne) restera-t-il Président ? Samy (Xavier Lacaille, parfait dans le rôle) quittera-t-il le Parlement pour la Commission ? Rose (Liz Kingsman), victime collatérale du Brexit, vendra-t-elle son âme au diable ? L’ambitieux Konrad (Martin Brambach) se laissera-t-il dérider par les fromages français ? Martin (Johann von Bülow), le fidèle chef de cabinet, sera-t-il trahi par Michel ? La piquante Valentine (Georgia Scalliet) prendra-t-elle du galon ? Il y a ensuite la leçon de choses. Sans avoir l’air d’y toucher, les scénaristes tracent un tableau réaliste et didactique du processus décisionnel de l’Union, dans tout ce qu’il a de plus complexe. Jamais le spectateur n’aurait imaginé s’intéresser au sort d’un acte délégué de la politique européenne de la pêche… Et pourtant, il se prend au jeu. Pour finir, il y a un niveau de lecture destiné aux initiés, avec de multiples clins d’œil à des personnages et événements réels, ainsi que quelques caméos réussis. 

Un succès inattendu et mérité

Le succès inattendu de « Parlement » est réjouissant. Conçue à l’origine comme une série web, elle a eu les honneurs de la diffusion sur France télévision, connaît une belle carrière à l’étranger et a été plusieurs fois primée. Elle humanise les institutions européennes, en contant les aventures des personnages qui les peuplent, avec tendresse mais sans complaisance. Mieux que toutes les publications et sites internet conçus par la Commission à destination du grand public, elle donne à voir l’Europe telle qu’elle se fait au quotidien, et permet au spectateur d’entrevoir la complexité de la décision européenne, à défaut d’en saisir toutes les subtilités. Gageons que les prochaines saisons sauront explorer les autres lieux de la décision européenne — Conseil de l’Union, Conseil européen et Cour de Justice — pour en offrir un panorama complet.

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