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Key Points
  • Le redéploiement est la manoeuvre la mieux réussie par l’armée russe depuis le début de la guerre.
  • Il n’est pas certain que le Donbass tombe entièremment aux mains des Russes.
  • La suite de la guerre dépendra de la capacité de remobilisation des GTIA par l’armée russe.

Situation générale 

Les forces russes se sont repliées rapidement de tout le Nord de l’Ukraine à l’exception, sans doute provisoirement, d’une bande de terrain au Nord de Soumy. Elles tiennent le terrain autant que possible dans le Sud-Ouest et surtout font un effort au Nord du Donbass avec l’espoir de prendre Severodonetsk et Sloviansk.

Situations particulières

Zone Nord  

On assiste bien au repli général des forces russes. La manœuvre a été plutôt bien organisée par l’état-major russe du Nord, mais au prix de pertes conséquentes.

Zone du Sud-Ouest 

On y observe un maintien des positions russes. La 20e Division motorisée (DM) en position devant Kherson aurait particulièrement souffert. Dans le pire scénario pour Moscou, les forces russes pourraient se replier sur la ligne du Dniepr et défendre la tête de pont de Kherson.

Zone du Donbass

La situation est confuse à Marioupol, avec la diffusion d’images de 200 soldats ukrainiens se constituant prisonniers. Pour autant, les forces russes, également très amoindries, semblent marquer le pas. Si la prise de la ville paraît toujours proche, il est probable que la 150e DM ne puisse être réengagée ultérieurement. Pire, il est possible qu’il soit nécessaire de puiser parmi les rares réserves russes, au détriment du Nord-Donbass, pour venir la renforcer et prendre Marioupol au plus vite.

Il y a toujours un effort du 2e Corps d’armée de la république séparatiste de Lougansk sur Popasna et Rubizhne et de la 3e DM russe sur Severdonetsk. On observe des préparatifs d’attaque de la 20e Armée sur Sloviansk, dont les habitants sont invités à partir par les autorités ukrainiennes.

Les opérations au centre Donbass, face à Donetsk et sur la limite Sud sont également arrêtées. C’est pourtant de ce côté que les perspectives sont les plus intéressantes pour les Russes et le 1e Corps d’armée de la république séparatiste de Donetsk, mais ces derniers  manquent visiblement de ressources.

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Perspectives

La bataille du Donbass est sans doute désormais la bataille décisive de la guerre. Il est peu probable que la partie russe envisage un cessez-le-feu avant la fin du mois d’avril et de constater le résultat de la bataille.

Si les deux provinces du Donbass, dont Marioupol, sont conquises, les Russes pourront se déclarer vainqueurs pour le 9 mai, même s’il s’agit d’une victoire sans aucun doute très inférieure à ce qui était envisagé.

Dans le cas contraire, c’est-à-dire s’ils constatent l’impossibilité de prendre le Donbass, ils envisageront peut-être un « cessez-le-feu tactique » afin de geler la situation tout en reconstituant leurs forces pour une offensive ultérieure de grande ampleur.  

Les possibilités de manœuvre ukrainiennes sont limitées, mais réelles avec plusieurs brigades dégagées des opérations au Nord et à l’Ouest, où la menace d’une offensive depuis la Biélorussie ne semble plus d’actualité. Elles peuvent être engagées au Sud-Ouest mais ne pourront pas aller au-delà du Dniepr. Elles peuvent surtout renforcer le front du Donbass et rendre encore plus difficile la possibilité d’une victoire russe dans cette région avant la fin du mois.

Études des GTIA russes

Le bilan de destruction selon Oryx (forcément inférieur à la réalité) indique une augmentation sensible des pertes russes en véhicules de combat (+ 230 chars et véhicules blindés d’infanterie en une semaine, soit + 50 %). Cela s’explique par la découverte d’épaves dans les zones libérées mais aussi par les pertes importantes subies dans le Donbass. Dans le même temps, il n’y a que 22 chars et véhicules blindés ukrainiens répertoriés.

La Russie semble avoir perdu l’équivalent d’une trentaine de groupements tactiques interarmes (GTIA) sur 120 engagés et un potentiel maximum d’environ 140. 

Le GTIA russe se caractérise par une forte artillerie avec en général trois batteries d’obusiers/LRM et une bonne capacité de choc avec une compagnie de 10 chars de bataille. Il dispose également d’une composante anti-aérienne mobile, plutôt inefficace contre les drones. Il est en revanche très faible en infanterie avec au mieux 36 groupes de combat d’une dizaine d’hommes – évaluation souvent trop haute avec plutôt 24 groupes de combat assez médiocres. Il dispose également de très peu d’autonomie logistique. En résumé, le GTIA russe, complexe à gérer, combat par les obus les résistances rencontrées mais seulement  pendant un temps limité avant d’être relevé ou recomplété. Il est peu apte à combattre dans une localité trop étendue.

Cette structure semble peu adaptée et on constate déjà la formation d’unités plus simples à commander à base uniquement de compagnies de combat rapprochées, tandis que l’on reforme d’un autre côté des groupements d’artillerie à partir des batteries récupérées.

On évoque une « mobilisation masquée » russe visant à engager 60 000 militaires d’active, par exemple les cadres des écoles militaires, et nouveaux volontaires en Ukraine. Ces engagements individuels destinés à combler les trous et non à constituer des forces nouvelles donnent une indication du niveau très élevé des pertes. La société Wagner accepte désormais tout le monde.

Au regard du tonnage qui est envoyé en Russie par les soldats russes revenus du Nord de l’Ukraine via la poste biélorusse, il est possible que la logistique déjà tendue le soit encore plus par l’ampleur des pillages.