• Le parti Droit et justice (PiS) est au pouvoir depuis 2015 en Pologne et jouit d’un important soutien de la population, confirmé après la victoire aux élections législatives de 2019 avec plus de 43 % des votes. Le parti du gouvernement compte toutefois sur trois autres partis réunis dans la coalition Droite unie pour disposer d’une majorité à la Diète, la chambre basse du Parlement polonais.
  • Avant-hier, mardi 10 août, cette majorité a été perdue après l’exclusion de Jaroslaw Gowin du gouvernement, à la tête du parti Alliance (Porozumienie) qui compte 17 députés à la Diète. Plutôt modéré au sein de la coalition de droite au pouvoir, Gowin a été limogé de son poste de ministre de l’économie en raison de son opposition à plusieurs amendements proposés à une loi sur l’audiovisuel, votée hier à l’assemblée.
  • Cette loi a suscité de vives critiques tant dans son contenu que dans la manière dont elle a été votée. Le texte vise à empêcher la détention par des entités extérieures à l’espace économique européen de plus de 49 % de parts dans des médias polonais. L’opposition dénonce une tentative de muselage de la presse, avec dans le viseur du gouvernement la chaîne TVN24, détenue à majorité par la compagnie américaine Discovery Inc.
  • Celle-ci est l’une des rares — si ce n’est la dernière — à critiquer le gouvernement à la télévision. La chaîne publique polonaise TVP est quant à elle accusée de ne diffuser que le discours gouvernement, ce qui a conduit plusieurs officiels en Europe et aux États-Unis à dénoncer cette loi comme étant une « grave attaque contre la liberté de la presse », selon Clément Beaune1.
  • A cet épisode s’ajoute une autre loi votée à la Diète hier qui rendrait plus difficile pour les Juifs la récupération de biens pris par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, puis conservés par les dirigeants communistes. Le Premier ministre polonais, Mateus Morawiecki, a affirmé qu’il ne s’agissait que de la mise en œuvre d’une décision du tribunal constitutionnel datant de 2015 concernant les délais fixés par décisions administratives. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, a condamné la législation, et a ajouté dans un communiqué « la Pologne sait ce qu’il convient de faire, c’est annuler cette loi ».
  • La situation est à la fois explosive sur le plan intérieur en raison de la perte de majorité du parti au pouvoir, mais également sur le plan extérieur. La Pologne occupe une situation géographique qui confère une grande importance aux relations qu’elle entretient avec les États-Unis à travers l’OTAN. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a dénoncé sur Twitter la législation concernant la récupération de biens, et a déclaré hier durant une conférence de presse qu’il est important que l’OTAN soit fondé sur « sur des engagements mutuels en faveur de valeurs démocratiques et de prospérité partagée »2.
  • Ces législations viennent également endommager la relation entre Bruxelles et Varsovie, déjà particulièrement tendue. Ce matin, la vice-présidente de la Commission européenne aux valeurs et à la transparence, Věra Jourová, a déclaré que « Le projet de loi polonaise sur la radiodiffusion envoie un signal négatif », avant d’appeler à une législation européenne de défense de la liberté des médias. Les deux textes vont maintenant passer au Sénat — qui s’y opposera très probablement — avant de revenir à la Diète pour un dernier vote.
Sources
  1. Tweet de Clément Beaune, 12 août 2021.
  2. U.S. Department of State, Department Press Briefing, 11 août 2021.