Kerč’. La nouvelle crise russo-ukrainienne autour au detroit de Kerč’ a fait l’objet de trois rencontres internationales importantes ces derniers jours.

Lors du G20 de Buenos Aires, la crise fut abordée malgré la pluralité des sujets brûlants sous les projecteurs. Poutine n’a pu obtenir qu’un bref entretien avec son homologue américain Trump, comme ce fut déjà le cas à Paris il y a un peu moins d’un mois. Toutefois, le président russe a reçu des signes d’une détente sur la question de la part de la France et l’Allemagne, les principaux acteurs européens concernés 1 .

Puis, au sommet de l’OTAN des 4 et 5 décembre, les Ministres des affaires étrangères de l’Otan ont tenté de clarifier les termes de la détente entre Kiev et Moscou. Première condition avancée :  la libération des marins ukrainiens arrêtés par les autorités russes suite à l’accident dans le détroit de Kerč’ ; seconde condition, la libre navigation en mer d’Azov 2 . Cette demande semble avoir été (partiellement) acceptée par Moscou. Le 5 décembre, en effet, les Russes commençaient à autoriser le passage de certains navires vers les ports ukrainiens dans la mer contestée.

Enfin, le sommet de l’OSCE à Milan les 6 et 7 décembre derniers a constitué la troisième occasion de rencontre formelle entre Russes et Occidentaux. Une réunion qui regroupait les Ministres des Affaires étrangères de 57 pays membres de l’organisation, ainsi que l’Ukraine représentée par sa propre délégation. Les accusations ukrainiennes ont rehaussé le ton du débat, obligeant les partenaires occidentaux à soutenir plus frontalement Kiev 3 .

Que peut-on déduire de ces échanges diplomatiques ? Surtout une chose. Que l’Occident, même dans sa forme la plus affirmée – l’OTAN – ne peut ou veut pas mettre fin à la crise. Aucun des pays de l’OTAN ne souhaite s’engager une guerre destructrice avec Moscou, alors qu’il semble de plus en plus clair que l’escalade sur la question ukrainienne conduit à une impasse politique.

A la Russie, il suffisait de tracer une ligne rouge : un нет (“non”) pour toute ambition d’intrusion dans la mer d’Azov, par exemple vers la base navale ukrainienne de Berdyansk. C’était essentiellement le but de l’opération dans le détroit de Kerč. Le reste s’apparente à des gesticulations, ou à de simples arrangements diplomatiques nécessaires.

L’Ukraine se retrouve ainsi enfermée entre trois murs : la Russie, un Occident réticent à aller jusqu’au bout de sa défense, et les élections du printemps prochain, qui risquent de mettre un terme à la présidence Porošenko. Les tentatives de ce dernier d’obtenir un ferme soutien de la part de ses partenaires occidentaux semblent vouées à l’échec. Tout le monde anticipe la fin prochaine pour le dirigeant ukrainien et en préparent les conséquences politiques. En ce sens, les paroles de Poutine, qui déclarait le 1er décembre dernier que « la guerre continuera » dans l’est de l’Ukraine tant que les autorités ukrainiennes actuelles « resteront au pouvoir », sont à méditer 4 .

La visite de Porošenko à Bruxelles mercredi 12 et jeudi 13 fut l’occasion d’illustrer une nouvelle fois l’ambivalence européenne au sujet de la crise de la mer d’Azov. Le leader ukrainien a reçu la confirmation du soutien européen, mais il a pu constater du même coup que les leaders des principaux pays de l’Union ne sont guère disposés à durcir la crise avec Moscou. Parmi les sanctions qui viennent d’être renouvelées par Bruxelles, en effet, aucune n’est relative aux récents événements dans la Mer d’Azov.

De plus, un signal particulièrement négatif est à relever dans les événements de ces derniers jours : la Russie vient en effet de refuser la proposition allemande d’envoyer des observateur de l’OSCE dans le bras de mer objet du contentieux

Perspectives :

  • 30 novembre – 30 décembre 2018 : loi martiale imposée dans dix régions ukrainiennes.
  • 31 mars 2019 : Élections présidentielles en Ukraine.

Sources :

  1. « War Will Continue » As Long As Ukraine Government In Power : Putin, NDTV, 2 décembre 2018.
  2. OTAN, NATO Foreign Ministers conclude two-day meeting in Brussels, 5 décembre 2018.
  3. At OSCE Meeting, Ukraine Pleads For Ramped-Up Russia Sanctions, Radio Free Europe, 6 décembre 2018.
  4. Merkel, Putin agree to more four-way talks on Kerch Strait tension, Reuters, 1 décembre 2018.

Pietro Figuera