Magas, Russie. À l‘origine cette affaire semblait anodine, avec la signature début octobre entre les chefs tchétchènes et ingouches d‘un tracé établissant une frontière officielle, jusqu’alors inexistante, comme la Lettre le rapportait dans une édition précédente1 . Mais selon les opposants ingouches à cette signature, la nouvelle frontière aurait pour conséquence de céder près de 10 % du territoire ingouche à la partie tchétchène2 . Bien que défendu par les autorités, la population semble rejeter massivement ce nouveau tracé, considéré comme un affront et comme un affaiblissement face au contrôle croissant des autorités tchétchènes dans la région. Une domination acceptée par le pouvoir central russe, qui par un soutien appuyé au leader tchétchène Ramzam Kadyrov, entend fédérer les musulmans de Russie pour éviter un nouveau conflit dans sa périphérie sud3 . Mais si cette stratégie porte ses fruits en Tchétchénie, elle pourrait montrer ses limites dans d’autres régions, comme le montre ces événements en Ingouchie. Une région qui est pourtant restée dans le giron politique russe après 1991 et qui n‘a jamais montré de positions indépendantistes, contrairement à son voisin tchétchène.

Pour ce qui concerne l’Union, ses relations tendues avec la Russie expliquent en partie le manque de réaction de la part de Bruxelles. Les autorités russes ont déjà expliqué à plusieurs reprises qu’elles ne souhaitaient pas voir l’Union ou les États européens s’immiscer dans leurs affaires, en particulier dans le Caucase (comme lors du conflit en Tchétchénie et la guerre de Géorgie). Depuis la crise ukrainienne, la politique européenne aux marches de la Russie a considérablement changé, de la logique d’un partenariat orientale très actif jusqu’en 2015 et qui semble aujourd’hui appartenir au passé. L’Union paraît tenir une position attentiste vis-à-vis des États limitrophes de la Russie. La logique est la même pour ces régions russes du Caucase, qui possèdent un fort potentiel indépendantiste.

Perspectives :

  • Les manifestations du 27 novembre mettent en difficulté les autorités ingouches signataires du tracé de la nouvelle frontière, mais également l‘autorité de l‘État central russe, jugé trop partisan des intérêts et velléités tchétchènes dans la région.
  • Tous les mouvements politiques dans cette région du Caucase du Nord sont à suivre de prêt. Plusieurs conflits y ont eu lieu ou s‘y déroulent encore, depuis le début des années 90 (Tchétchénie, Géorgie, Ossétie du Sud, Abkhazie).

Sources :

  1. MAC-GLANDIERES Yéléna, Le satrape et la frontière, La Lettre du Lundi, 28 octobre 2018.
  2. HERBERT Fabien, Quelle stratégie pour Vladimir Poutine en Tchétchénie ?, Mercoeur.com, 1 juillet 2018.
  3. MANDRAUD Isabelle, Les Ingouches amers après la validation  de la nouvelle frontière, Le Monde, 8 décembre 2018.

Fabien Herbert

Sources
  1. MAC-GLANDIERES Yéléna, Le satrape et la frontière, La Lettre du Lundi, 28 octobre 2018.
  2. HERBERT Fabien, Quelle stratégie pour Vladimir Poutine en Tchétchénie ?, Mercoeur.com, 1 juillet 2018.
  3. MANDRAUD Isabelle, Les Ingouches amers après la validation  de la nouvelle frontière, Le Monde, 8 décembre 2018.