28 novembre : Leadership européen, environnement et changement climatique


Comme le montre ce graphe de 2014 utilisé dans un article de T. Piketty et L. Chancel, l’augmentation des émissions de CO2 a accéléré ces vingt dernières années. L’évolution assez notable de la part de l’Europe dans ces émissions semble néanmoins avoir connu une stabilisation. La part de l’Europe dans les émissions mondiales semble désormais baisser. Le continent représente aujourd’hui seulement 15 % des émissions globales de CO2. L’Europe est-elle donc devenue la bonne élève du monde en matière de politique climatique ?
L’Europe, apparente bonne élève, est une zone qui serait relativement peu affectée par le changement climatique (si on exclut de la définition de l’Europe les régions ultramarines qui sont concernées au premier chef par le changement climatique). Mais qu’est ce que l’UE peut faire pour infléchir la croissance mondiale des émissions de gaz à effet de serre, à part se mettre en avant comme les meilleurs ?
Évidemment ce graphique n’est pas rapporté à la population par pays ou par région, ce qui fausse le portrait, en faisant d’une Europe de 500 millions d’habitants une meilleure région en matière d’émissions des gaz à effet de serre que la Chine peuplée d’un milliard de personnes.
En outre les émissions dues à la production industrielle destinée à l’exportation sont peut être mises « sur le dos » de pays qui produisent pour d’autres. Par exemple, nombre de biens consommés en Europe sont fabriqués en Chine. Pourtant on ne met pas leur empreinte carbone sur le compte de l’Europe. Le continent européen, relativement désindustrialisé, a ensuite beau jeu d’exhiber ses résultats avantageux. La part de l’UE dans les émissions globales de gaz à effet de serre est donc sous représentée. Prendre les chiffres au pied de la lettre reviendrait à affirmer naïvement que tout ce qu’on consomme dans l’UE est produit en Europe. Ainsi, certaines autres couleurs du diagramme représentant les régions polluantes sont entachées par notre soi disant première place.
Mais si la Chine est aujourd’hui la première pollueuse et qu’une partie des émissions proviennent d’industries destinées à l’exportation vers l’Europe, peut-on alors collectivement, en tant que consommateurs européens, faire baisser les émissions chinoises voire même globales ? Cette question invite à se demander dans quelle mesure l’UE est responsable de ce que la Chine produit.
On peut envisager d’imposer la régulation des échanges commerciaux selon des objectifs climatiques. Cela passerait par l’introduction de taxes et de quotas. En effet existent déjà de multiples projets pour imposer une taxe carbone sur les produits importés chinois. Mais comment calcule-t-on l’empreinte carbone dans les produits importés ?

Tout manque de volonté politique en matière de transition énergétique trouve d’abord son origine dans un manque de volonté des citoyens

La structure de cette organisation reposerait sur un « club » des pays qui respectent bien les règles environnementales, dont les exportations bénéficieraient d’un avantage fiscal. Ce système, aux conditions d’entrée exigeantes et fixées par les nécessités climatiques, introduirait au fur et à mesure les pays « bons élèves » au système douanier incitatif.
Mais un des problèmes auxquels se heurte cette idée est le cas des entreprises européennes délocalisées en Chine ou dans tout autre pays fortement pollueur. La comptabilisation de ces entreprises multinationales issues des pays développés, dont la production industrielle est réalisée en partie sur le territoire de pays en développement, dans les calculs menant aux taxes carbones, établirait une situation de déséquilibre aux dépens des pays en développement. Par exemple comment taxerait-t-on un constructeur de téléphones européen ou américain faisant sous traiter en Chine l’assemblage de ses Smartphones ?
D’autres hypothèses applicables de régulation douanière du réchauffement climatique impliqueraient une taxe kilométrique ou encore une taxe pénalisant travail des enfants et incitant au respect de la dignité humaine. Toutes ces taxes peuvent être mises en place par des organismes de coopération économique mondiaux, ou européens.
Pour poursuivre avec l’exemple chinois, on peut remarquer que se développe déjà en Chine une prise en compte de l’impact écologique du développement économique. La source d’émissions de gaz à effet de serre la plus inquiétante ne serait peut être pas la Chine, mais les USA. Comme on l’a vu, pour l’UE et les USA les émissions sont en fait plus élevées que ce qu’indique le diagramme. De plus ce qui pollue le plus en Amérique du Nord ce ne sont pas tant les industries que les transports, l’éclairage, etc. En Europe aussi, seules 10 % des émissions sont produites par l’Industrie. Les émissions en Europe augmentent de 40 % si on y inclut l’empreinte carbone de la consommation des biens importés.
Cela vaut-il encore le coup pour l’UE de faire des efforts ? Tout n’est-il déjà pas perdu ? Le chiffre des deux degrés annoncés, s’il est respecté par les signataires des traités sur le climat, n’est pas une panacée à tous nos problèmes. Chaque degré de plus est une bataille perdue.
La variation de température est déjà énorme. Entre une période hors glaciaire et glaciaire, il n’y a que 5 degrés d’écart. L’UE va être touchée par le changement climatique. Nous ne sommes pas isolés dans le monde (migrants climatiques, produits agricoles importés). A moins de construire un mur autour de nos frontières, nous subirons immanquablement les conséquences indirectes de ce réchauffement
L’argument que l’UE peut provoquer le stimulus nécessaire pour construire un engagement d’abord à l’échelle du continent, puis à l’échelle mondiale. Jusqu’à maintenant le changement climatique est appris depuis les petites classes du primaire comme une source d’angoisse. Il faudrait remotiver l’enseignement du « fait climatique », afin de provoquer un stimulus de nature différente. Cependant le changement climatique entraine des transformations assez frappantes. Par exemple, le visage de la viticulture européenne va être radicalement modifié. On aura du vin suédois en 2050, tandis que les vignobles du Sud de l’Europe dépériront. Il faut donc à nouveau souligner la portée identitaire de ce changement de climat, y compris en Europe elle-même.
Cela nous amène à nous reposer la question du pouvoir de décision. Face aux conséquences assez effrayantes de la pollution atmosphérique dans ses villes, la puissance chinoise a été capable de centraliser une connaissance des problèmes et de mettre en place diverses mesures urgentes de purification de l’air, qui sont en tout cas mises en avant pour apaiser ses classes moyennes. On pourrait presque parler dans le cas Chinois de la lutte contre la pollution de l’air d’un mobile démocratique interne, adopté par le leadership du Parti Communiste Chinois, qui fait preuve ici d’une certaine souplesse idéologique.
Mais à l’inverse, comment infléchir la structure du parti Républicain américain, qui ne semble pas aussi facilement influençable et flexible. En effet les conservateurs aux États-Unis s’arc-boutent sur des positions de défense des énergies fossiles avec une grande constance. Ce ne sont pas les actions de l’Italie, de la France ou de l’Allemagne individuellement (aussi volontaristes soient-elles) qui vont faire changer d’avis le parti républicain américain. Encore une fois, l’Europe ressurgit comme échelle continentale pertinente.
Faut-il réduire les émissions de gaz à effet de serre ? Tout le monde s’accorde sur cela.
N’est ce pas plus efficace de concentrer les efforts vers les pays très polluants plutôt que de s’acharner à aller traquer les émissions de Gaz à effet de serre de pays qui sont déjà en tête du classement ?
Doit on donc se servir de l’UE comme une force coercitive contre ses propres membres ? Cela permettrait d’aider les Pays de l’Est de l’UE à être moins polluants. Aujourd’hui, ceux-ci reposent encore beaucoup sur les énergies fossiles pour accompagner leur croissance économique rapide. Il s’agirait donc de concentrer nos efforts de manière intensive à l’intérieur de l’UE. Devons nous au contraire utiliser notre puissance pour concentrer nos aides sur des pays tiers ?
On pourrait s’inspirer du modèle de gouvernance construit depuis un demi-siècle autour de l’arme nucléaire. On a peu à peu mis en place des mécanismes de contrôle entre les États, impliquant les experts, et qui s’inscrivent dans le temps long. Exporter le modèle de gouvernance mondiale des questions nucléaires à la gestion climatique reviendrait à entériner ce qui existe déjà, c’est à dire un contrôle technocratique « par le haut » des changements climatiques. Le nucléaire reste aujourd’hui une énergie de substitution fort pratique, mais elle génère des externalités négatives. Est ce possible, au niveau continental, de gérer de la même manière les enjeux climatiques. Cela nécessiterait un transfert de pouvoir à des autorités établies dans le temps long, une véritable « Translatio Imperii », car le nucléaire ne se contrôle pas seulement par la volonté du peuple. Qui devrait donc prendre en charge l’instauration de cet ordre international d’un genre nouveau ?
Ainsi en ce qui concerne l’incarnation politique de l’action sur le climat, nous faisons face un blocage politique et institutionnel majeur, qui est celui des échéances électorales, et de la peur de prendre des mesures impopulaires aux yeux des citoyens. Cependant, quand un homme politique ne fait pas quelque chose qu’il considère pourtant comme nécessaire, c’est parce qu’il sait qu’il ne va pas être élu s’il avance cette idée. Ainsi, tout manque de volonté politique trouve d’abord son origine dans un manque de volonté des citoyens. C’est donc la conscience populaire des électorats qu’il faut encourager. L’Europe doit continuer à encourager non les lobbys écologistes, mais aussi les initiatives visant à changer les habitudes de consommation « par le bas ».
La solution est peut être plutôt à chercher du côté d’une Europe démocratique populaire et associative. En effet, le fond du débat concerne moins la responsabilité du politique, que la consommation des biens. C’est là un vrai enjeu de société, qui implique un changement de style de vie. L’argument est bien connu et répété dès l’enfance.
Le pouvoir politique est il prêt à accomplir des changements économiques très radicaux ? une révolution écologique pour lutter contre le réchauffement impliquerait des bouleversements économiques à deux chiffres de pourcentage en terme de croissance du PIB. Ces mouvements détruiraient les économies étatiques. L’UE étant à l’origine une union économique, ébranler ce pilier essentiel serait, semble-t-il, assez délicat.
Pour rester en dessous de l’augmentation fatidique deux degrés, il faudrait d’abord diviser notre niveau de vie par quatre. Or face à un tel chiffre, nous sommes désemparés, nous ne mesurons pas la catastrophe réelle qui arrive. La combattre implique des changements radicaux que personne n’aura le courage de faire. Comment expliquer pendant une campagne électorale qu’on va diviser leur revenu par quatre à des électeurs déjà mécontents ?
Cependant il ne faut pas oublier la différence totale entre le fait de diviser la consommation de biens par quatre et celui d’abaisser le niveau de vie par. Ce raisonnement se fonde sur le modèle de la croissance, dans lequel l’économie d’un pays doit produire le plus possible pour survivre. Mais l’UE actuelle, en tant qu’institution, promeut le modèle de la croissance.
De toute façon, une division par quatre de la consommation semble à la fois nécessaire et possible. D’une certaine manière, tous les occidentaux vivent au dessus de leurs moyens, et nous n’avons pas de nécessité de maintenir un rythme de consommation aussi rapide. Dans tous les domaines, les occidentaux pourraient réduire leur consommation : commençons déjà par ralentir le renouvellement des téléphones mobiles et les outils électroménagers. Toutes ces initiatives reviennent à changer de modèle macro-économique général. Des manières très simples existent pour contourner le modèle de la croissance et diviser la consommation. Pourquoi ne pas utiliser une machine à laver pour quatre foyers, au lieu de quatre personnes comme aujourd’hui ?
La socialisation des biens de consommation constituerait un changement profond du mode de vie, mais pas nécessairement une altération du niveau de vie. En outre on pourrait presque considérer ce changement comme une amélioration et non comme une dégradation, car la baisse de la pollution. La rationalisation des pratiques quotidiennes est un domaine encore largement ouvert, qui pourrait influer aussi sur le volume global de la consommation.
Produire plus intelligemment peut aussi nous permettre de faire des progrès. Tout en continuant à rationaliser ce que l’on consomme, on peut aussi développer des modes de consommation qui n’appartiennent pas à l’économie marchande : confectionner et repriser en partie ses propres vêtements, consommer des produits de son potager. Un bémol handicape cependant cet idéal de retour à l’autosuffisance responsable, celui d’une moindre productivité. Ce n’est tout de même pas pour rien que la division du travail est apparue dans les sociétés humaines.
Quand aux thèses associatives, elles sont très séduisantes et déjà assez répandues. On les entend depuis le rapport Meadows de 1972 du Club de Rome, la prise de conscience dans les générations qui ont suivi a été réelle. La structure la plus pertinente ne serait donc pas la structure technocratique, celle du gouvernement des experts, mais celle des initiatives plus spontanées des citoyens eux-mêmes, au niveau régional en particulier.
Cependant, quand on veut dépasser le fait que les individus raisonnent à plus long terme, il faut le faire par une voie technocratique, qui n’est pas remise en cause tous les 5 ans pour cause d’élections générales. On diminue ainsi les effets d’aubaine et la dépendance aux slogans faciles contre les initiatives de lutte contre le réchauffement climatique.

Entre des problèmes de moyen ou long terme et des problèmes beaucoup plus urgents, la tache géopolitique est intégrale.

Ainsi, on peut envisager de promouvoir par le biais technocratique des pratiques comme celle du « name and shame » (version moderne du bonnet d’âne). La réponse technocratique doit alors venir d’une demande du bas. La commission Européenne, qui est actuellement l’objet de beaucoup de critiques, a eu le courage en 2016 d’infliger une amende record au « cartel des camions » qui s’était entendu pour truquer les résultats des tests d’émissions de particules de leurs véhicules. L’approche technocratique quelque peu déconnectée des cycles électoraux un peu court et l’approche associative ne sont donc pas incompatibles.
Mais la matière du débat est essentiellement géopolitique. Il faut que toute l’Union Européenne se dote d’une véritable taxe carbone. Comment adoptera-t-on une telle taxe entre 28 pays dont certains sont encore fortement pollueurs ? L’hypothèque qui pèse sur une éventuelle taxation dans l’UE des émissions engendrées par la fabrication d’un produit n’est pas encore levée.
De plus se pose la question de la Russie, pays essentiel dans les réseaux d’approvisionnement européens, et dont les principales richesses nationales sont à l’heure actuelle ses réserves d’hydrocarbure. Premièrement, la Russie, n’étant pas dans l’UE, ne participera donc pas à l’introduction de cette taxe carbone.

Le débat sur le plan fiscal ne doit pas évacuer la prise en compte du problème proprement écologique

On peut penser à une anecdote révélatrice du peu de cas fait en Russie des problématiques climatiques. A l’exposition internationale d’Astana au Kazakhstan, sur le thème des énergies du futur, les pavillons français et allemands avaient pris le défi au sérieux en construisant leur communication sur les énergies renouvelables. Le pavillon Russe présentait le plus gros brise-glace nucléaire du moment, armé pour ouvrir prochainement les voies arctiques vers de nouveaux gisements de pétrole. Les Russes sortent aussi de 70 ans de promotion de l’industrie lourde sur celle des biens de consommation.
Les Russes n’ont pas un rapport fondamentalement destructeur à la nature, mais seulement des pratiques dangereuses et peu responsables. On peut avoir espoir qu’ils amorceront la transition énergétique quand ils connaitront eux-mêmes des problèmes, comme au premier chef la fonte du pergélisol.
Réfléchir à l’échelle continentale nous interdit donc de nous arrêter aux frontières de l’UE, et d’affirmer que seule cette dernière va prendre des décisions. Il s’agit réellement de comprendre comment l’inflexion mondiale en matière de (géo)politique climatique peut se produire grâce à notre échelle européenne, et tout cela ne pourra arriver sans une collaboration de quelque nature de la Russie.
Une fiscalité contre le carbone exercée aux frontières aurait aussi des conséquences ambigües à court terme. Elle ferait rapidement fermer les centrales à charbon allemandes, et entrainerait donc d’abord une hausse de la demande d’hydrocarbures russes comme solution immédiate de substitution. A l’instant T+1 ce serait donc là un beau cadeau fait à la Russie et aux USA.
Une mesure comme la taxe carbone a des effets positifs sur la régulation globale à long terme, mais elle n’induit pas immédiatement des conséquences sur les émissions de gaz a effet de serre. En outre l’introduction d’une taxe sur le carbone pourrait être interprétée par des pays hors-UE comme une mesure protectionniste à peine déguisée, et même entrainer hausse généralisée des tarifs douaniers. On peut alors légitimement se demander si défendre la cause écologique revient à lutter contre l’accroissement du commerce international.
D’autres idées circulent : celle des ajustements carbones, une sorte de TVA écologique européenne, ou une taxe sur les ventes. Néanmoins on préfère appliquer les taxes en amont, car le produit est l’objet de l’opération fiscale avant son entrée sur le territoire. A terme, dans une situation idéale, on pourra appliquer le même taux aux produits importés « propres » que celui qu’on applique sur les producteurs français.
Mais l’environnement ne se résume pas au carbone, et on pourrait plutôt élargir le concept de la taxe carbone en une taxe écologique. En effet, certains problèmes écologiques sont encore plus urgents que le changement climatique, en premier lieu perte de biodiversité. On le sait, certains parlent de la sixième extinction majeure sur terre. Les taux d’extinction des espèces sont de 100 à 1000 fois supérieurs qu’habituellement.
Certaines ONG ont proposé aux entreprises des « services éco-systémiques » : faire comprendre aux économistes à quoi sert la biodiversité. Sans les insectes, l’agriculture est fragilisée, en effet un grand nombre des cultures nécessitent une fertilisation aérienne.
Entre des problèmes de moyen ou long terme et des problèmes beaucoup plus urgents, la tache géopolitique est intégrale. On ne peut pas se contenter du seuil de deux degrés et considérer notre mission accomplie. Chaque demi degré perdu est déjà une défaite
La chute actuelle de la biodiversité ne n’est pas causée par la nature, mais le changement climatique lui-même n’est que la septième cause de perte de biodiversité. Cela nous rappelle la nécessité de ne pas séparer les nombreux termes de cette complexe équation.
On peut, pour redonner un peu d’optimisme, évoquer le cas de la couche d’Ozone. Il y a quelques années, c’était un des thèmes principaux de l’angoisse climatique. Mais une action volontariste a permis de lutter efficacement contre le danger. En effet il a « suffi » de changer des méthodes de production dans l’industrie chimique et de proscrire les chlorofluorocarbures (CFC) de la fabrication des réfrigérateurs et des bombes aérosols par exemple Mais les CFC ne restent que très peu de temps dans l’atmosphère : le CO2 y reste des centaines d’années. Le problème de la couche d’ozone a constitué un marqueur erroné, mais il montre qu’il faut parfois des marqueurs pour faire réagir les gens. Cependant, par honnêteté intellectuelle, il est nécessaire de marquer les causes et non pas seulement les symptômes
L’Équateur avait proposé de ne pas exploiter un gisement d’hydrocarbures en échange d’une importante somme d’argent qui lui aurait été versée par la communauté internationale en « dédommagement ». Cette tentative s’est soldée par un échec, puisque aujourd’hui, le gisement amazonien en question est exploité.
Qui est ce « on » dont nous avons parlé quand nous disions « on doit faire ceci ou cela, accepter tel ou tel effort, tel ou tel sacrifice en Europe » : s’agit des bons élèves, les Suédois par exemple, des moins bons, comme les Polonais, ou des Européens de manière indistincte
Aujourd’hui, 80 % de la législation environnementale de la France vient déjà des lois votées par le Parlement Européen. Sans doute que cette échelle loin des passions et des considérations électoralistes est plus efficace, mais le changement sociétal doit aller plus loin et ailleurs. Trouver le « on » pertinent des politiques climatiques est un défi en soi. En quelque sorte, heureusement qu’il y a à Bruxelles une source de pouvoir pouvant agir à la bonne échelle sur le climat car ni Paris ni Berlin n’agirait autant tout seul. Il est de notre ressort de décider d’une échelle Européenne efficace.
A priori les taxes européennes seront le socle des politiques environnementales. Rapports qui ne concernent que la France : quand on considère la fiscalité écologique au sens large, il y a plus de taxes nocives pour l’environnement que de taxes bonnes pour l’environnement. Fiscalement les outils ont plutôt un effet contraire.
Le débat sur le plan fiscal ne doit pas évacuer la prise en compte du problème proprement écologique. Ce sont dans les comportements eux mêmes que doivent s’opérer des changements écologiques : certaines choses doivent être interdites, supprimées, purement et simplement, plutôt que déconseillées par la fiscalité.
Mais malgré cette position volontariste, l’idée d’une coercition européenne physique contre les pollueurs et le contrevenants semble un principe plus difficile à appliquer que la levée de taxes pour inciter les consommateurs et les producteurs à changer leurs pratiques. Par exemple, comment pourrait-on envoyer des patrouilles dans tous les océans pour combattre les chasseurs de cétacés et les pêcheurs d’espèces en danger ? L’Europe d’aujourd’hui n’a pas les moyens de sa politique.
On peut espérer une mutation profonde du droit, initiée par l’Europe. Tout comme est apparue après la Seconde Guerre Mondiale la notion juridique crime contre l’humanité, on pourrait élargir cette catégorie et y inscrire des « crimes contre l’environnement ».
En somme, le défi à relever est immense, et même l’Europe, apparente bonne élève des politiques de lutte contre le changement climatique, devra se remettre profondément en question pour prendre en matière environnementale un leadership mondial