Au cours de son bilan de l’année, Vladimir Poutine a évoqué les mauvaises performances économiques de la Russie.

  • Le président russe a été forcé de reconnaître que la croissance avait ralenti, en soulignant qu’il s’agissait d’une mesure délibérée du gouvernement russe visant à réduire l’inflation. 
  • Il avait déjà préparé cette ligne d’interprétation pour justifier les résultats médiocres de l’économie, lors d’une intervention au Conseil sur le développement stratégique et les projets nationaux, le 8 décembre 2025, en déclarant : « L’économie est passée par une phase attendue de ralentissement. En même temps que l’inflation diminuait, le rythme de croissance du PIB a lui aussi baissé. À la fin de l’année, il s’établira autour de 1 % » 1.

La divergence entre les indicateurs officiels et la perception réelle de l’inflation et du niveau de vie paraît désormais une donnée structurelle de l’économie russe.

  • La Banque centrale de Russie a rapporté que l’inflation annuelle était de 5,8 % au 15 décembre 2025, et prévoit que le taux restera en dessous de 6 % à la fin de l’année 2
  • Il s’agit d’une baisse continue. Les données de l’agence officielle Rosstat montrent que le taux d’inflation annuel était tombé à 6,6 % en novembre 2025, contre 7,7 % en octobre 2025, soit le niveau le plus bas depuis septembre 2023.

Pourtant ces données cachent une réalité économique beaucoup moins positive pour le régime russe.

  • Comme nous le montrions dans une récente analyse, les enquêtes de consommateurs indiquent que les Russes percevaient en novembre une inflation d’environ 14,5 %, plus du double de l’indicateur officiel.
  • Les ménages modestes consacrent jusqu’à 45–50 % de leurs revenus à l’alimentation et aux services essentiels, dont l’inflation reste supérieure à la moyenne.
  • Par ailleurs, selon les données de Rosstat, les salaires nominaux augmentent reflétant notamment une contraction de l’offre de travail (émigration, mobilisation, pénurie), mais les hausses sont très inégalement réparties : elles concernent surtout les secteurs liés à l’État ou à la défense. 
  • Le 5 décembre, le Premier vice-président du gouvernement russe, Denis Manturov, a confirmé qu’un accord sur la mobilité du travail avait été conclu avec l’Inde. Il a déclaré : « Nous sommes prêts à accueillir un nombre illimité de spécialistes indiens. Rien que pour les industries manufacturières, nous avons besoin d’au moins 800 000 personnes supplémentaires, en plus du nombre actuel. » « En ce qui concerne le commerce, par exemple, il faudrait 1,5 million de personnes supplémentaires » 3

L’économie russe souffre des problèmes classiques d’une économie de guerre : si elle n’est pas en récession, elle a perdu ses moteurs civils de croissance.

  • La structure de la croissance est désormais simple. Les données sectorielles publiées par Rosstat montrent que l’essentiel de la croissance 2024–2025 provient du complexe militaro-industriel, de la métallurgie liée à l’armement et de la logistique publique et para-publique. Les secteurs civils (consommation, services, PME, logement) sont stagnants ou en recul réel 4.
  • Le ralentissement de la demande intérieure, la compression du crédit, l’épuisement de l’effet de rattrapage post-2022 produisent un ralentissement de l’inflation sans créer aucun socle de croissance future. 

La capacité des politiques actuelles à stimuler une reprise durable, notamment au-delà des dépenses militaires et en présence de pressions sur les revenus des ménages, ne paraît pas évidente.

  • La Banque centrale est ainsi prise dans un dilemme : un assouplissement plus marqué de la politique monétaire risquerait de raviver l’inflation, encore élevée par rapport à la cible, tandis que le maintien de taux d’intérêt très élevés continue d’étouffer l’investissement privé, le crédit et la modernisation du tissu productif civil. 
  • Cette configuration limite la capacité de l’économie à générer une croissance endogène, tirée par la consommation et l’investissement hors secteur public — dans ce contexte, les perspectives de relance dépendent de plus en plus de facteurs exogènes. 
  • Depuis le mois de février, les États-Unis sont engagés dans un processus de négociation visant à la construction d’une série d’accords commerciaux et sectoriels, susceptibles de modifier partiellement l’environnement économique international. 
  • Ces discussions sont suivies avec attention par le Kremlin comme un indicateur d’un possible desserrement des contraintes extérieures.