Le plan de paix en Ukraine de 28 points élaboré par les États-Unis et la Russie, sans consultation préalable avec les pays européens ou l’Ukraine, reprend en substance le document négocié entre Kiev et Moscou à Istanbul, dans les premiers mois ayant suivi l’invasion russe à grande échelle, alors que l’Ukraine se trouvait dans une situation plus difficile sur le front.
Les négociations avaient finalement été abandonnées, mais depuis, Moscou a maintenu ses demandes maximalistes dans toutes les négociations qui ont suivi.
Réduction de la taille de l’armée
- Tout comme le plan en 28 points, le Communiqué d’Istanbul, dans sa version du 15 avril 2022, prévoyait à la demande de Moscou de limiter la taille de l’armée ukrainienne à 85 000 hommes (Article 1) — contre 200 000 avant la guerre.
- Cette exigence russe se retrouve au sixième point du plan américano-russe, qui fixe une limite à 600 000 hommes. Bien qu’à un niveau supérieur par rapport au document de 2022, l’armée ukrainienne serait amputée d’environ un tiers.
- Aucune limite au nombre d’équipements (chars d’assaut, véhicules de combat, pièces d’artillerie, missiles…) ne figure dans le plan en 28 points.
Neutralité
- Les deux documents exigent de Kiev un engagement à ne pas rejoindre l’OTAN.
- Cela nécessiterait une modification de la Constitution du pays suite à l’amendement approuvé en 2018 par la Rada ayant inscrit l’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne comme un « objectif » du pays.
- Cette exigence russe se retrouve ainsi dans les deux documents.
- Le Communiqué de 2022 prévoyait toutefois une interdiction plus large d’adhérer à « des alliances militaires », tandis que le plan de 2025 mentionne uniquement l’OTAN.
La question territoriale
L’armée ukrainienne a libéré plus de 50 % du territoire occupé par les forces russes depuis 2022.
- Pourtant, le plan russo-américain ne tient pas en compte la situation sur le front qui, bien que difficile pour Kiev, ne présente pas un avantage décisif pour l’armée russe.
- Celui-ci exige ainsi le retrait de l’Ukraine de la totalité du Donbass (la partie de l’oblast de Donetsk actuellement occupée par Kiev serait considérée comme une zone tampon démilitarisée neutre), et gèlerait la ligne de front actuelle dans les régions de Kherson et de Zaporijia (les deux régions ont été formellement annexées par la Russie).
- Céder le reste de l’oblast de Donetsk à la Russie et geler la ligne de front dans le sud de l’Ukraine avantagerait largement Moscou car la région comprend des zones essentielles pour la défense de l’Ukraine, notamment le Fortress Belt, sa principale ligne défensive depuis 2014, ainsi que des villes clefs sur les plans militaire, industriel et logistique pour les forces ukrainiennes.
- Il s’agit sans doute de la concession la plus importante faite à la Russie dans l’ensemble du document, qui lui permettrait d’obtenir ce qu’elle n’a pas réussi à conquérir par la guerre.
- Le plan prévoit également la reconnaissance de facto des territoires occupés par la Russie. En principe, il s’agit d’un point positif pour l’Ukraine, car une telle reconnaissance laisserait la porte ouverte à un possible retour de ces territoires. Toutefois, le plan présente certaines ambiguïtés, notamment en ce qui concerne la zone tampon démilitarisée, qui, selon le plan, serait reconnue internationalement comme territoire appartenant à la Fédération de Russie.
Dans la première version du Communiqué de 2022, l’Ukraine aurait été contrainte de reconnaître « l’indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Louhansk ».
- La question des frontières n’était pas clairement tranchée dans le document, la partie ukrainienne estimant qu’une solution serait trouvée « avant l’entrée en vigueur du traité ».
- L’article 10 de la version du 17 mars 2022 prévoyait toutefois que les troupes russes « resteraient stationnées sur le territoire de l’Ukraine, où elles se trouvaient au moment de la signature du présent traité » jusqu’à ce que les deux parties « aient rempli toutes leurs obligations au titre du présent traité ».
Garanties de sécurité
La question des garanties de sécurité — considérées comme centrales par Kiev pour dissuader toute éventuelle future attaque russe — n’est pas explicitement abordée dans le plan en 28 points, qui se contente de prévoir à son cinquième point : « L’Ukraine bénéficiera de garanties de sécurité fiables ».
- Toutefois, dans une annexe envoyée à Kiev, Washington s’engage à offrir des garanties de sécurité « inspirées des principes » de l’article 5 du traité de l’OTAN.
- Selon ce principe : « Une attaque armée importante, délibérée et soutenue menée par la Fédération de Russie au-delà de la ligne d’armistice convenue sur le territoire ukrainien sera considérée comme une attaque menaçant la paix et la sécurité de la communauté transatlantique ».
- Le texte de 2022 mentionnait plusieurs États comme garants potentiels : le Royaume-Uni, la Chine, la Russie, les États-Unis, la France, la Turquie, l’Allemagne, le Canada, l’Italie, la Pologne et Israël. Moscou aurait également proposé le Bélarus.
- La première version de l’article 5 stipulait : « Les États garants et l’Ukraine conviennent qu’en cas d’agression, de toute attaque armée contre l’Ukraine ou de toute opération militaire dirigée contre elle, chacun des États garants, après des consultations urgentes et immédiates entre eux, apportera son assistance à l’Ukraine, en tant qu’État neutre permanent victime d’une attaque ».
- Cependant, dans la version du 15 avril envoyée par la partie russe, ce paragraphe avait été modifié. La Russie y avait ajouté la nécessité d’une décision à l’unanimité des États garants concernant l’envoi d’une aide à l’Ukraine en cas d’agression, ce qui lui donnait donc un droit de veto sur ces garanties.
- Il n’est pas clair si la Russie accepterait les garanties de sécurité proposées dans le plan en 28 points ou si, lors des négociations, elle réitérerait son droit de veto.