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Tout autour de nous, les opinions exprimées sur les réseaux sociaux — des « coups de gueule » viraux aux vidéos écœurantes et aux hallucinations générées par l’intelligence artificielle provenant d’utilisateurs privés du monde entier — semblent déterminer complètement le discours politique.

Dans les démocraties libérales, les gouvernements sont désormais obligés de recourir à des politiques à courte vue et inefficaces pour tenter d’endiguer le flot d’une opinion forgée par les affects.

Les émotions ont pris le pas sur la réalité. 

Le problème ne réside pas simplement dans l’irrationalité ou la nature intrinsèquement corrosive des réseaux sociaux.

La disparition des espaces communs qui servaient autrefois de médiateurs pour les opinions et donnaient du pouvoir au collectif ont ouvert une faille profonde : le réel se fissure.

Si elle n’est pas colmatée, cette brèche pourrait provoquer un effondrement.

Le cycle de l’irréalité sur Internet pourrait devenir incontrôlable.

Comment en est-on arrivés là ?

Un nouveau mal du siècle : la nébuleuse du ressentiment

L’histoire que nous allons raconter commence en Russie.

Nous sommes dans les années 1860. Le protagoniste anonyme des Carnets du sous-sol de Dostoïevski, généralement appelé de façon lapidaire « l’homme du sous-sol », est un ancien fonctionnaire de Saint-Pétersbourg, rongé par le ressentiment.

Mesquin, autodestructeur et hostile aux projets des utopistes rationalistes de son temps — les socialistes qui imaginent que leurs prescriptions apporteront le salut aux masses —, il choisit d’habiter un monde intérieur, souterrain, où l’affect prime sur la raison.

Dans son monde, ce sont les intensités précognitives des sentiments — la colère, la peur, l’humiliation, l’espoir — qui prennent le dessus, qui façonnent la pensée et l’action avant même qu’elles ne soient pleinement articulées en tant qu’idées.

L’homme du sous-sol, qui se proclame « malade » et « rancunier » 1, se complaît ainsi dans un ressentiment mesquin.

Il cherche la querelle pour un rien et s’insurge furieusement contre la réalité, allant jusqu’à exiger, dans un effort de volonté triomphant sur la raison, que deux plus deux fassent cinq : « Que m’importent les lois de la nature et l’arithmétique quand, pour une raison quelconque, je n’aime pas ces lois ou ‘deux et deux font quatre’ ? »

Partout où il le peut, il choisit la méchanceté plutôt que la rationalité.

Mais aussi dangereuse et violente qu’elle puisse paraître, la rébellion de l’homme du sous-sol contre la modernité ne quitte jamais son appartement exigu de Saint-Pétersbourg.

Sa folie rageuse est ignorée en public — il tente de se venger d’une insulte perçue en s’habillant d’un manteau sophistiqué et en bousculant le prétendu transgresseur, qui ne le remarque même pas. Sa rébellion est insignifiante en dehors de sa propre volonté. Sa malveillance est corrosive pour sa propre personnalité, mais elle reste limitée, confinée aux commérages, aux querelles de taverne et, surtout, au monologue privé.

L’environnement numérique d’aujourd’hui a bouleversé le monde de l’homme du sous-sol.

Les pensées violentes, la rage et l’égoïsme, autrefois ruminées dans la solitude, peuvent désormais être projetées instantanément dans de vastes réseaux globaux qui alimentent à la fois l’opinion publique et la politique mondiale.

Les affects ne sont plus limités mais amplifiés : ils sont immédiatement mis en circulation, repris et reflétés dans le discours mondial comme s’ils relevaient du sens commun.

Nos régimes politiques semblent aujourd’hui aux prises avec une nouvelle vague d’« hommes du sous-sol » malveillants qui, à l’ère des smartphones, sont capables de noyer le discours public pour configurer une politique de la déraison.

Dans un éther numérique de plus en plus chaotique, les exemples choquants de ce phénomène ne manquent pas.

Prenons-en un.

En septembre 2025, le financier et milliardaire Bill Ackman relaie sur X — l’ex-Twitter — une vidéo virale de Shabana Mahmood, la nouvelle ministre britannique de l’Intérieur 2.

Le message original, dans le style rhétorique incendiaire devenu la langue véhiculaire de la plateforme, insinue que la ministre avait appelé à « mondialiser l’Intifada ».

La « preuve » jointe est une vieille vidéo qui ne montre rien de tel.

Recontextualisée, cette vidéo est ajoutée à la série de craintes exprimées par Ackman sur son fil d’actualité concernant le conflit israélo-palestinien.

Indépendamment du bien-fondé de ce conflit et des opinions politiques de Mahmood et Ackman, l’empressement de ce dernier à partager un message irrationnel, dans lequel les preuves présentées ne cherchaient même pas à étayer l’affirmation qui venait d’être faite, semble incarner ce que certains pourraient appeler une nouvelle ère de ce que l’on a appelé le brainrot 3 — littéralement, un « pourrissement », une nouvelle maladie du cerveau.

Ce terme désigne l’idée que la surexposition à des « contenus superficiels et répétitifs » sur les réseaux sociaux — amplifiés par les tonalités apocalyptiques de l’IA — aurait pathologiquement raccourci notre capacité d’attention et réduit les capacités de notre cerveau.

Le message d’Ackman sur les réseaux sociaux ne semble pourtant pas être un mensonge au sens courant du terme. Ce n’est pas non plus de la « désinformation » au sens strict.

Malgré l’absurdité évidente du contenu, Ackman semble tout à fait sincère dans ce qu’il partage.

Diagnostiquer cela comme relevant du brainrot revient à recycler un truisme paresseux 4 selon lequel des électeurs « peu informés » — les « déplorables » de Trump, piégés dans la caverne de Platon — seraient responsables des maux de la politique.

L’environnement numérique d’aujourd’hui a bouleversé le monde de l’homme du sous-sol.

Nous vivons dans une simulation

Ce diagnostic nous semble erroné.

Ackman est un homme qui a très bien réussi sa vie. Il n’est pas stupide. Son esprit n’est pas miné par les écrans. Son cerveau n’est pas malade. Il n’est pas une victime passive du brainrot.

Son tweet est plutôt symptomatique d’une transformation plus profonde de l’espace politique.

On pourrait décrire cette transformation de la manière suivante : la frontière entre les sentiments privés et le discours public s’est effondrée.

Les impulsions irrationnelles et malveillantes qui existaient auparavant dans la solitude circulent désormais à grande échelle, transformant rapidement le champ politique grâce à leur viralité.

À une autre époque, lorsque les réseaux médiatiques étaient dominés par des arbitres centralisés du discours tels que les États et les conglomérats, le message d’Ackman serait resté « en sous-sol ».

Mais dans l’atmosphère malsaine des réseaux sociaux, où les réactions instinctives, les comportements grégaires haineux et les émotions l’emportent sur la raison — comme si la méchanceté dostoïevskienne précédait la rationalité —, il n’a fallu que deux semaines après sa publication pour que le message soit vu par 2,5 millions de personnes. 

Aujourd’hui, un homme instruit et prospère comme Ackman — sa fortune avoisine les 10 milliards de dollars — n’est pas le seul à se prêter au jeu.

S’il publie des flots de messages dont l’argumentation est bancale et irrationnelle, mais qui inspirent une grande confiance en raison de ses liens supposés avec le pouvoir, n’importe qui peut s’emparer du mégaphone des réseaux sociaux et — contrairement à l’homme du sous-sol dont le ressentiment était confiné à une mansarde sordide de Saint-Pétersbourg — diffuser sa rancœur au monde entier.

À leur tour, les décideurs politiques et les médias réagissent de plus en plus à cette atmosphère malsaine comme si elle recouvrait quelque chose de réel, alimentant ainsi la réponse en ligne dans un cycle sans fin d’affects.

Un discours cassé se renouvelle sans fin.

Ian Garner

La réalité est remplacée par l’émotion qui répond à l’émotion ; selon les mots de Dostoïevski, la rancœur fait place encore plus de rancœur.

La politique est alors guidée par une forme pré-rationnelle de reproduction du texte — ce qui ressemble à un jeu d’acteur pour le public en ligne s’incorpore à la réalité d’une manière performative 5.

Dans les années 1980, Jean Baudrillard suggérait que la réalité se doublait progressivement de strates, dont l’érosion se faisait également par étapes.

D’abord, une première carte pouvait refléter le territoire réel ; ensuite, une nouvelle carte, basée sur la première, la masquait et la déformait ; puis une autre carte coupait les liens avec toute réalité sous-jacente.

Il ne restait alors que la carte sans le territoire — autoréférentielle, flottant librement, une copie sans original.

Nous vivons aujourd’hui, pour reprendre le vocabulaire de Baudrillard, à l’ère de la simulation 6 : ce dont nous parlons dans le discours politique ne fait plus référence à aucune réalité. Les récits dépassent et remplacent le réel.

C’est parce que ni le public ni les décideurs politiques ne prêtent attention à autre chose qu’à la qualité affective des deux côtés de l’équation que nous sommes séduits par une existence dans laquelle deux plus deux peuvent vraiment faire cinq.

Ce n’est pas l’émergence d’une politique de l’affect qui distingue le XXIe siècle des autres : elle était déjà, au siècle dernier, à l’origine des excès terrifiants du totalitarisme. 

Ce qui change, c’est qu’on voit naître une politique façonnée par des couches infinies d’irréalité affective et qui les façonne en retour.

Toutes les parties prenantes, grâce à la connectivité permanente et à la diffusion mondiale des réseaux sociaux, expriment leur « rancœur » dostoïevskienne envers les autres.

Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas tant le brainrot, la « maladie » dont souffrent les cerveaux, qu’une forme corrompue de la réalité — un pourrissement généralisé. 

Non pas une décomposition des facultés, mais une nouvelle manière dont la réalité est élaborée, partagée et contestée.

L’effondrement discursif ne se contente pas de corrompre les conditions du débat ; sa reproduction incessante d’irréalités se répondant les unes aux autres nous fait ignorer des questions fondamentales sur les conditions matérielles de ce débat.

Apaiser la foule virale : la politique moins la réalité

Infrastructures, éducation, société : la réalité se fissure ; un discours cassé se renouvelle sans fin.

Pour illustrer le cycle discursif qui alimente cette politique de la simulation, prenons un autre exemple effrayant : la récente vague de discours anti-immigrés en Angleterre. 

Des vagues de manifestations de petite envergure ont été organisées et amplifiées par les réseaux sociaux. Une poignée de personnes dans de petites villes de banlieue autour de Londres — des noms comme Epping ou Croydon ne diront rien à la plupart des gens ne vivant pas dans la ceinture périurbaine de la capitale britannique — se sont rassemblées pour manifester devant les soi-disant « hôtels pour migrants » hébergeant des demandeurs d’asile 7.

Dans leurs villes léthargiques, ces petits groupes font écho à l’homme du sous-sol vivant aux marges.

Pourtant, les images et les interprétations de ces manifestations, pleines du rouge aveuglant des fumigènes, du choc des foules en colère, lançant des insultes, de la vague ondulante des drapeaux britannique et anglais, se sont rapidement propagées dans le monde occidental.

Les médias nationaux et internationaux se sont précipités sur l’affaire, tandis que les politiciens locaux et nationaux réagissaient en temps réel sur Internet.

Ce concert de réactions avait une chose en commun. On parlait non pas de ce qui se passait mais de la représentation virale de ce qui était en train de se passer.

Grâce à Internet, de petites manifestations, alimentées par un engagement aux proportions virales et dopées par des influenceurs de droite, pouvaient se transformer en soulèvements nationaux.

C’était la valeur affective de ces événements qui comptait, pas leur réalité matérielle.

Le gouvernement s’est senti obligé de réagir : un remaniement ministériel, des éléments de langage de plus en plus durs à l’égard des demandeurs d’asile et des mises en scène symboliques.

Parmi ces dernières, on vit des discours en appelant au sentiment national et des interviews médiatiques ; le point culminant fut la déclaration de la ministre de l’Intérieur de l’époque 8, Yvette Cooper, un propos aussi déconnecté de la réalité que les tweets dignes d’un cerveau malade de Bill Ackman : « J’ai des drapeaux, des banderoles avec la croix de saint Georges. J’ai aussi des banderoles avec la rose blanche d’York. J’ai des drapeaux et des nappes Union Jack, nous avons tout ce qu’il faut. »

Ces gestes cédant à l’émotion n’ont pas reconnu la réalité des manifestations ni répondu aux griefs sous-jacents : il n’y a eu aucune discussion significative, ni au Parlement, ni dans les nombreux journaux britanniques, sur l’ampleur réelle de l’immigration clandestine, des demandes d’asile et des systèmes qui la limitent, ni sur le coût, les contraintes ou les impacts de l’hébergement sur fond public.

Pourtant l’agenda public change, la frustration s’intensifie, de nouvelles manifestations se tiennent : à la mi-septembre, une marche pour « Unir le Royaume » (Unite the Kingdom) de taille modérée a été organisée à Londres 9 — grâce à de vastes réseaux d’acteurs du monde entier et à l’aide d’images générées par l’IA, elle fut immédiatement amplifiée jusqu’à prendre des proportions excessives et être présentée comme la plus grande manifestation de l’histoire britannique.

Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas la «  maladie  » dont souffrent les cerveaux, mais une forme corrompue de la réalité — un pourrissement généralisé.

Ce cycle qui se répète illustre comment la réalité se détruit peu à peu.

Le débat politique est décorrélé de la raison ou de la rationalité, motivé par des vagues de demandes elles-mêmes motivées par l’émotion — par la clameur des « hommes du sous-sol » qui font foule sur les réseaux — alors que ces mêmes réponses politiques aggravent souvent les problèmes qu’elles sont censées résoudre, entraînant davantage d’indignation, de frustration et de violence grégaire.

C’est ainsi que le cycle recommence.

Plus les clameurs sont fortes, plus l’indignation est irrationnelle, plus les politiques semblent échouer. Les internautes pensent qu’en exprimant leur « rancœur » sur les réseaux sociaux, ils exercent un pouvoir. Au contraire, les gouvernements pensent que ce sont eux qui mènent les affaires. En réalité, les uns et les autres sont pris au piège dans un palais des glaces : chacun réagit à ce que l’autre montre de ses émotions ressenties.

La réalité ne cesse pas pour autant d’exister — seulement, personne ne la prend plus en compte.

Et les autoritaires sont les premiers à avoir compris comment exploiter ce cycle de délitement.

Le jour où nous sommes devenus hypernormaux

Cette histoire aussi commence en Russie.

Mais cette fois-ci, c’est celle de Vladimir Poutine.

Dans les années 2000, Vladislav Sourkov, alors chef de la propagande et éminence grise de Poutine, a conçu un système sophistiqué de politique par le théâtre, basé sur les méthodes modernes de divertissement et de marketing qu’il emprunta à la culture populaire occidentale et au théâtre d’avant-garde : mises en scène, récits contradictoires et dramaturgie politique.

Ces représentations furent diffusées d’abord par les médias traditionnels contrôlés ou dominés par l’État, puis par toute une gamme de moyens numériques.

Devenues un dispositif à la mesure de la Russie, elles ont fini par saturer le champ de la perception.

La politique réelle et les décisions rationnelles ont été réécrites pour servir à la façon dont le Kremlin régule l’information.

Cela a conduit à des résultats désastreux. Raconter une bonne histoire est parfois devenu plus important que sauver des vies.

Cette métamorphose du réel au prisme du spectaculaire a connu au moins une illustration dramatique : la réponse apportée à la prise d’otages du théâtre de Moscou, où l’assaut donné par les forces spéciales par du gaz incapacitant a entraîné la mort de plus d’une centaine de personnes innocentes — sous le regard avide des caméras de télévision du Kremlin 10.

À son tour, le débat public a tourné autour de réactions instinctives au terrorisme — alimentant le soutien à la guerre violente en cours en Tchétchénie, menée mille cinq cents kilomètres plus au sud.

Ces spectacles n’étaient pas « faux » au sens où ils étaient invraisemblables.

Au contraire, ils ont fonctionné parce qu’ils ont détaché le discours politique de la réalité, remplaçant celle-ci par une mise en scène des émotions à l’effet cathartique : les téléspectateurs ordinaires pouvaient voir leurs propres émotions à l’écran.

Peu importait que l’assaut soit précis et ciblé — tant qu’il y avait un assaut, tant qu’il se passait quelque chose.

Devant leurs écrans, les citoyens de la Fédération de Russie étaient les témoins et les consommateurs d’un spectacle retransmis en direct.

C’est le développement de l’interactivité numérique dans la communication politique qui a fourni aux héritiers de Sourkov la recette pour donner au plus grand nombre l’illusion qu’ils faisaient partie du drame.

Cette apparence de participation est devenue bien plus convaincante qu’auparavant : aujourd’hui, les réseaux sociaux donnent aux utilisateurs russes l’impression qu’ils façonnent leur propre monde en s’abonnant, en commentant, en laissant un « J’aime » et en partageant leurs opinions et leurs goûts 11.

Bien sûr, ils ne font rien de tel : la sphère des réseaux sociaux russes est un monde factice, soigneusement construit et alimenté par le Kremlin.

En contrôlant les réseaux sociaux grâce à la propriété des plateformes et des algorithmes, l’État est en mesure de donner aux Russes ordinaires le sentiment qu’ils ont la main sur leur vie privée.

Le Kremlin crée ainsi une apparence d’autonomie qui, dans cet État néo-totalitaire, n’a aucune réalité.

Alors même que les manifestations anti-immigration se déroulaient à Londres et que l’Américain Bill Ackman intervenait dans le débat britannique sur l’immigration, des fidèles orthodoxes étaient filmés en train de défiler à Moscou 12.

La vidéo a connu une grande diffusion en ligne, tant en Russie qu’à l’étranger.

À première vue, la marche semblait être une véritable mobilisation de ferveur religieuse venue des citoyens ; ces banderoles et ces symboles prenaient place dans un espace performatif d’apparence spontanée, celui de la dévotion féminine à la tradition religieuse en soutien à la guerre en cours contre l’Ukraine.

En réalité, cet espace est l’objet d’un contrôle étroit. 

Les citoyens russes consomment ces images en ligne dans un tourbillon flou de contenus recyclés, diffusés à tout va sur chaque fil d’actualité. Tout le monde alimente ce flux, des influenceurs aux commentateurs s’adressant à la « base », en passant par les politiciens et les vastes réseaux de bots et de trolls.

Le brainrot n’est pas en nous, mais entre nous.

Ian Garner

Dans cette atmosphère malsaine, où l’on réagit par instinct, la marche elle-même et sa réception deviennent « populaires ». 

L’important n’est pas tant la manifestation elle-même que ses répercussions.

Les images diffusées sur les réseaux sociaux suscitent des discussions, de l’empathie, voire de l’indignation à l’égard de ceux qui ne participent pas : de nouveaux cycles d’affects, chacun créant sa propre boucle.

Cette seconde vie de l’événement déclenche alors à son tour de nouvelles vagues de réactions par l’image et le mème.

Survient enfin une action politique de l’État en faveur de ses propres objectifs traditionalistes, moralistes et militaristes.

La politique et le discours émanent d’une réalité mise en scène ; la performance produit les réactions mêmes qui la soutiennent. 

C’est ce qu’avait intuitivement compris Vladislav Sourkov : la politique médiatisée n’a pas besoin d’être une question de vérité ou de mensonge ; elle peut simplement être l’orchestration d’un cycle sans fin de mises en scène qui semblent authentiques.

Si le cycle est suffisamment crédible, la machine suffisamment rodée et le dispositif suffisamment ingénieux, l’affect finit par remplacer complètement la rationalité. 

À notre époque, l’homme du sous-sol a l’impression que sa voix ne se limite pas à sa mansarde, mais prend au contraire une signification symbolique capable de toucher le monde entier ; cette apparence de pouvoir peut alors commencer à titiller l’imagination des dirigeants et des dirigés.

La médiatisation sourkovienne trouve ainsi son origine dans le monde « hypernormalisé » 13 de la fin de l’ère soviétique, où un fantasme ouvertement reconnu recouvre la réalité, alors même que les gens ordinaires poursuivent leur vie quotidienne.

La réalité n’a pas cessé d’exister — seulement, personne ne la prend plus en compte.

Cette médiatisation va cependant plus loin aujourd’hui, et c’est là le point crucial : dans ce simulacre, tant les puissants que les masses commencent à perdre de vue les limites — là où commence et là où s’arrête la réalité. 

En Occident, et bien que notre hémisphère se croie fermement ancré dans la rationalité, les autoritaires en devenir adoptent de plus en plus cette stratégie pour prendre le pouvoir et le garder.

La logique sourkovienne s’est banalisée dans le fonctionnement des plateformes, des médias et des acteurs politiques à travers l’Europe et l’Amérique du Nord — en particulier chez les milliardaires d’extrême-droite qui se sont enrichis grâce aux nouvelles technologies 14.

Mais le phénomène dépasse les techno-réactionnaires.

Dans un Occident qui, contrairement à la Russie, jouit de la liberté d’expression, le problème émerge du mouvement de « rancœur » qui sort d’un espace isolé ; il entre alors dans le courant de la politique mondiale et des propositions concrètes, puis en ressort.

Bill Ackman, le gouvernement britannique et les manifestants anti-immigration du Royaume-Uni s’imaginent tous participer à des processus politiques significatifs ; de même, les hommes de l’ombre, les puissants politiques et les commentateurs intellectuels s’imaginent tous s’engager dans une politique significative — mais leurs propositions circulent d’abord et avant tout en ligne.

Ils jouent ainsi un rôle dans un cycle qui est d’abord et avant tout un spectacle, au sens où l’entendait Sourkov : ils contribuent aussi à l’écrire.

Sous le vernis, la réalité — qu’on néglige et sur laquelle on n’a plus prise — continue de se casser.

Nous sommes tous pris dans ce cycle dont aucune étape n’est possible sans l’autre. Même ceux d’entre nous qui s’en considèrent détachés et à l’abri — intellectuels, experts, décideurs politiques — sont emportés par le courant, sans même se rendre compte que la réalité est ailleurs.

Il ne s’agit pas juste d’individus dont le cerveau serait cassé

Le brainrot n’est pas en nous, mais entre nous.

Ce n’est pas simplement un « problème de réseaux sociaux » que l’on pourrait régler en prenant le contrôle des géants de la Silicon Valley — si tant est que cela soit possible.

À la racine du problème se trouve la question très débattue de la défiance croissante envers les centres de pouvoir, ceux qui traditionnellement impulsaient les politiques et dominaient le discours à leur sujet.

Dans les pays de l’OCDE en 2023, seuls 39 % des citoyens déclaraient faire confiance à leur gouvernement national 15, et seuls 41 % pensaient que les gouvernements s’appuyaient sur les meilleures données disponibles pour prendre leurs décisions politiques. Les chiffres concernant la confiance dans les médias traditionnels — l’espace où se déroule le discours politique, façonnant ensuite la politique et les formes de gouvernement — sont tout aussi catastrophiques. Bien sûr, la confiance ne peut qu’être faible lorsque les questions à l’ordre du jour sont élaborées pour répondre à un tourbillon d’affects.

Parallèlement, et surtout depuis que la pandémie de Covid a accéléré la transition vers une société entièrement en ligne, l’aliénation sociale est devenue plus palpable : selon l’Ofcom, au Royaume-Uni, les adultes passent désormais plus de quatre heures par jour en ligne — soit une augmentation de plus de quarante minutes par rapport à 2023. C’est encore davantage pour les jeunes. 

Le partage de vidéos et la messagerie dominent la communication interpersonnelle quotidienne, la vie professionnelle et la consommation d’informations.

Il est facile de pointer du doigt un brainrot qui toucherait le cerveau de certains, et de suggérer que nous devenons tous plus vulnérables à l’irréalité. Invoqué avec l’autorité lassante des faits médicaux, ce nouveau mal du siècle semble fournir à la fois le diagnostic et le traitement des maux de notre époque, alors que des légions de journalistes publiés, d’experts universitaires et de prétendus maîtres à penser — des hommes et des femmes célébrés pour leur perspicacité — se livrent publiquement à des fantasmes et à des complots ; ceux-ci sont si éloignés de la réalité empirique que la raison et la connaissance semblent être devenus — sous le poids de la « machine à scandales » 16 qu’est Twitter — tout à fait accessoires.

Dans cette perspective, les gens ordinaires que nous sommes, avec notre cerveau ordinaire, devraient être écrasés par le poids des algorithmes qu’utilisent les réseaux sociaux.

Pourtant, contrairement à ce que certains préconisent 17, la solution n’est pas de supprimer ou de limiter les réseaux sociaux. Si l’on en croit l’expérience des États autoritaires, cela s’avérerait d’ailleurs impossible à mettre en œuvre en Occident 18.

Des hommes sans lieu : la société du sous-sol

Pourquoi la politique qui se joue en ligne est-elle devenue si attrayante ?

C’est ici que la parabole de Dostoïevski sur l’homme du sous-sol est utile.

Aujourd’hui, le temps passé en ligne a progressivement remplacé la vie civique et sociale qui se déroule dans le monde physique.

Comme le protagoniste de Dostoïevski, nous vivons et travaillons seuls avec nos pensées, dans des espaces de vie exigus et avec de moins en moins de contacts sociaux. Nos smartphones ont remplacé les liens que nous avions avec les lieux et réalités qui nous entourent.

Cependant, alors que l’homme du sous-sol reconnaît que les pensées irrationnelles qu’il charrie sont vaines, notre participation incessante à ces cycles d’émotions relayées en ligne en est venue à forger un simulacre d’action politique. 

Nous jouissons d’un sentiment de pouvoir qui est autrement absent de la politique démocratique moderne ; celle-ci nous donne plutôt l’impression d’être marginalisés, ignorants et impuissants. 

La réalité, ignorée par les décideurs et la politique publique, négligée par les foules qui vivent dans le tourbillon de la socialisation en ligne, est ainsi prête à se fissurer — elle n’est plus guère plus qu’une distraction qui nous détourne d’une existence « en sous-sol » : c’est cette dernière qui semble pleine de sens.

En ce sens, en tant que sujets politiques modernes, nous souffrons inconsciemment de la rage malveillante de l’homme du sous-sol tout en nous imaginant être les Don Quichotte d’aujourd’hui. 

Nous ne sombrons pas dans la folie par stupidité — mais parce que nous avons trop lu dans une chambre solitaire.

Seul avec ses romans de chevalerie, le Don Quichotte de Cervantès a été séduit par un monde fantasmé à quelques pas du monde réel — il s’est mis à combattre des moulins à vent tandis que ses propres terres étaient laissées à l’abandon. Contrairement au sujet politique de la fin de l’ère soviétique — et même au sujet tel que le conçoit Sourkov — nous sommes des Don Quichotte qui avons complètement perdu le contact avec la réalité.

La décadence des institutions et des espaces qui stabilisaient autrefois le réel — offrant à la fois un moyen aux « hommes du sous-sol » de partager leurs pensées et aux autres d’y répondre — est bien plus significative pour la corrosion généralisée que je décris que l’émergence des réseaux sociaux.

La stabilité politique de l’Occident d’après-guerre était maintenue par ce que le sociologue Ray Oldenburg appelait les « tiers-lieux » : bibliothèques, clubs de jeunes, pubs, salles syndicales, terrains de sport.

Les bibliothèques, les parcs, les centres pour la jeunesse et les espaces communs relèvent de notre politique de sécurité. Ils constituent des remparts contre une forme de guerre non linéaire et non cinétique.

Ian Garner

Dans ces lieux, les gens ordinaires testaient leurs idées, revenaient sur leurs désaccords ou leurs points de convergence ; ils y pratiquaient aussi l’art de la citoyenneté en s’appuyant sur la sphère publique bourgeoise — celle qui avait émergé en Europe au XIXe siècle et légitimé la démocratie.

Selon la vision habermassienne 19, ces lieux anciens — les cafés, les salons, les clubs — encourageaient la persuasion par la raison et l’argumentation plutôt que la coercition et le spectacle.

Dans les « tiers-lieux » du XXe siècle, les émotions individuelles se sont pourtant vues attribuer un rôle plus large dans la sphère publique ; elles furent reconnues comme une source précieuse de sentiments légitimes — même si elles étaient modérées.

L’homme du sous-sol pouvait s’engager dans une société ouverte, faire entendre sa voix au sein des structures de pouvoir — organisations politiques, communautés, réseaux locaux — qui informaient clairement le pouvoir national.

C’est ainsi que la réalité était collectivement façonnée.

Depuis la crise financière mondiale, l’austérité et la privatisation ont dépouillé une grande partie de cette infrastructure.

Jusqu’au point de rupture.

En Grande-Bretagne, le financement par le gouvernement d’institutions locales a chuté de près de 30 % entre 2010 et 2024 20. Plus de 800 bibliothèques publiques ont fermé leurs portes depuis 2010, ainsi qu’au moins un millier de centres de jeunes et d’innombrables pubs et salles communautaires. Les clubs ouvriers d’autrefois ont pratiquement disparu 21. Il ne reste plus qu’un paysage social vidé de sa substance, où les citoyens passent plus de temps à socialiser et à discuter avec de fausses entités en ligne, plutôt qu’avec leurs voisins.

La perte de ces espaces quotidiens explique en partie le succès que gagne un sentiment sourd, celui que « tout va mal » — amplifié par les autoritaires dans une grande partie de l’Europe et de l’Amérique du Nord, en France 22, en Roumanie 23, en Pologne 24 et au Canada 25 comme ailleurs. Pour ceux qui souhaitent mener la guerre informationnelle, c’est un terrain fertile 26 — de même pour ceux qui cherchent à orchestrer, pour leurs propres fins, ce simulacre d’action politique.

Les utilisateurs des réseaux sociaux d’aujourd’hui ne sont pas stupides. Ils ne sont pas les victimes passives d’un brainrot généralisé.

Ils sont désorientés et privés de pouvoir parce que l’architecture communautaire qui ancrait autrefois la réalité et la production du pouvoir dans la réalité locale s’est délabrée.

Dans un monde virtuel, les cuisines, les salons et les chambres à coucher, autrefois les lieux privilégiés de la discussion, sont devenus les nouveaux « tiers-lieux ».

La vitesse et l’ampleur à laquelle la réalité se dégrade ont de quoi décourager. Le cynisme est bon marché  ; l’appétit pour le spectacle semble inépuisable.

En l’absence de laboratoires communautaires où les idées privées peuvent être élaborées, les plateformes numériques restent la seule agora disponible.

La séparation entre le privé et le public s’estompe à mesure que les réseaux numériques font entrer l’individu dans ce que l’on appelle parfois le « marché mondial des idées ». 

Le « tiers-lieu » numérique peut fournir une connexion, mais il ne peut pas fournir de stabilité ; sans pont commun entre les réactions émotionnelles et le forum public, entre l’individu et le collectif, entre ceux dépourvus de pouvoir et ceux qui en ont, chaque grief devient existentiel, général et source de divisions. 

L’homme du sous-sol prospère sur Internet parce que rien ne peut le ralentir.

La tâche qui incombe aux gouvernements — quelle que soit l’échelle du gouvernement en question — n’est donc pas de restaurer un âge d’or fantasmé où le débat aurait été rationnel, ni de se retirer du numérique. Il s’agit d’ancrer celui-ci dans une vie communautaire renouvelée : reconstruire les lieux et les rituels où les affects rencontrent des résistances, où la réalité peut à nouveau être construite ensemble, et où les gens ordinaires constituent une forme de pouvoir politique.

Sans ces ancrages, nous aggravons la tempête.

Nous nous enfonçons dans le vortex de la réalité cassée.

Nous devenons vulnérables à chaque délire, chaque manipulation.

Le XXIe siècle ne sera pas façonné uniquement par des algorithmes. Il sera déterminé par notre capacité à inventer de nouvelles formes d’ancrage, aussi efficaces que ces algorithmes le sont.

Les enjeux ne sont pas seulement culturels ou accessoires.

L’Europe d’après-guerre a autrefois cultivé la propriété collective du pouvoir, grâce à sa capacité à maintenir une vision commune de la réalité, fondée sur des institutions qui privilégiaient les preuves, la délibération et une procédure fixe, sans pour autant nier les émotions individuelles ou les ravaler au rang de simples « pourritures ». Aujourd’hui, les récits viraux et les mouvements alimentés par les mèmes surpassent la délibération bureaucratique, les opérations de vérification des faits, entre autres processus. Les acteurs de l’extérieur exploitent facilement cette vulnérabilité : les opérations d’information russes et chinoises prospèrent dans cette réalité cassée.

Pendant ce temps, nos propres politiciens semblent incapables de reconnaître le simulacre qu’ils co-construisent.

Nous souffrons inconsciemment de la rage malveillante de l’homme du sous-sol tout en nous imaginant être les Don Quichotte d’aujourd’hui.

Ian Garner

Reconstruction ou décomposition

Le défi pour l’Europe n’est pas simplement de discréditer plus rapidement les faux récits ou de mieux modérer.

Il s’agit de prendre en compte la transformation des conditions mêmes dans lesquelles la réalité peut être maintenue.

L’investissement dans les infrastructures sociales devrait être considéré comme une stratégie, aussi vitale pour la survie de la démocratie qu’une alliance militaire.

Les bibliothèques, les parcs, les centres pour la jeunesse et les espaces communs ne sont pas une denrée coûteuse et inutile. Ils relèvent de notre politique de sécurité. Ils constituent des remparts contre une forme de guerre non linéaire et non cinétique.

Certes, le fantasme quasi-médical du brainrot a quelque chose d’apaisant, de rassurant : il préserve la foi en la souveraineté de l’esprit individuel ; la foi que ce qui est brisé peut être restauré, avec suffisamment de discipline ou une désintoxication des écrans.

Mais le problème est plus profond. Nous vivons clairement dans une réalité cassée.

Comment la réparer ?

Sans doute pas en pensant avec nostalgie au bon vieux temps ou en rejetant toute existence numérique.

Le génie est déjà hors de la lampe — il virevolte au-dessus de nous. Et une grande partie de ce qu’il apporte — de véritables liens sociaux 27, la mobilité, de nouvelles solidarités — ne peut et ne doit pas être rejetée en bloc. 

Ce que l’ère numérique menace le plus, c’est la possibilité de s’ancrer : de ralentir, de se rassembler, de tester les mots et les sentiments face à la résistance et à la réaction des autres, de retrouver la friction qui permet aux faits de prendre forme et aux fictions de raconter un monde que nous voulons habiter.

Il n’y a aucune raison pour que la construction de « tiers-lieux » numériques 28 autour des communautés de proximité ne soit pas soutenue par les sociaux-démocrates comme un rempart contre le déclin démocratique ; des modèles de réseaux sociaux décentralisés sont déjà largement disponibles 29.

Reconstruire ces espaces ne sera pas facile. Cela ne résoudra certainement pas tous les problèmes qui affligent les démocraties libérales dans nos années Vingt.

La vitesse et l’ampleur à laquelle la réalité se dégrade ont de quoi décourager. 

Le cynisme est bon marché ; l’appétit pour le spectacle semble inépuisable ; pourtant, les conséquences de cette option devraient nous effrayer davantage : une politique à la dérive, vulnérable à tous les délires et à toutes les manipulations, incapable de nommer et d’affronter la réalité — sombrant dans les échos sans fin de la « rancœur » dostoïevskienne.

À la fin du récit de Dostoïevski, l’anti-héros se décompose dans son logement sordide. L’homme du sous-sol laisse pourrir sa propre personne : « Tous, nous sommes déshabitués de la vie, nous boitons tous, plus ou moins. Nous en sommes déshabitués à un tel point, que par moments nous avons une espèce de dégoût pour la vie réelle, et c’est pour cela que nous détestons qu’on nous y fasse penser. »

Acceptant son sombre destin, il reste seul, « à demi mort de souffrance morale », penché sur un manuscrit inachevé et inachevable.

C’est parce que nous ignorons le réel problème que nous sommes menacés. Un phénomène largement interprété comme une polarisation politique et un brainrot reproduit à large échelle le sort de l’homme du sous-sol, usé jusqu’à la corde.

Un monde d’émotions malveillantes émerge à la fois du sommet et de la base, de la périphérie et du cœur du pouvoir.

Les attaques incessantes qu’il génère répondent aux cris d’un adversaire imaginaire. 

La politique du vide éloigne de plus en plus la société du sous-sol du monde réel.

La réalité n’a pas encore totalement disparu de l’horizon — mais elle est de plus en plus difficile à discerner.

Sources
  1. Michelle Balaev, Contemporary Approaches in Literary Trauma Theory, Londres, Springer, 2014.
  2. Bill Ackman sur X, 6 septembre 2025.
  3. « Brain Rot Explained : How Digital Overload Affects Your Mind », Inspira Health, 10 mars 2025.
  4. Michael Hannon, « Are knowledgeable voters better voters ? », Politics, Philosophy & Economics, 2022, 21(1), 29-54.
  5. Andrew Parker et Eve Kosofsky Sedgwick, Performativity and Performance, Londres, Psychology Press, 1995.
  6. Jean Baudrillard, Simulacres et Simulation, Paris, Galilée, 1981.
  7. Shivani Chaudhari, « Rival groups stage protests at migrant hotel », BBC, 27 juillet 2025.
  8. Laura Pollock, « Yvette Cooper boasts of owning Union Jack bunting and tablecloths », The National, 2 septembre 2025.
  9. « Did police estimate three million people attended the ‘Unite the Kingdom’ march ? », Full Fact, 15 septembre 2025.
  10. Peter Pomerantsev, « Remembering the Nord-Ost Siege », London Review of Books, 25 octobre 2013.
  11. Andrew Hoskins, « The War Feed : Digital War in Plain Sight », American Behavioral Scientist, 21 décembre 2022, 67(3), 449-463.
  12. Sergei Chapnin, « Orthodox Faith with Soviet Aesthetics : What a Rare Moscow Parade Says About Power in Russia », The Moscow Times, 11 septembre 2025.
  13. Eoin Higgins, Owned : How Tech Billionaires on the Right Bought the Loudest Voices on the Left, New York, Bold Type Books, 4 février 2025.
  14. Ibid.
  15. OCDE, « Enquête de l’OCDE sur les facteurs de confiance dans les institutions publiques – Résultats 2024 », OECD Publishing, 10 juillet 2024.
  16. Laura Miller, « How to Short-Circuit the Outrage Machine », Slate, 18 juillet 2023.
  17. Candice L. Odgers, « The great rewiring : is social media really behind an epidemic of teenage mental illness ? », Nature, 29 mars 2024.
  18. « Russia lifts ban on Telegram messaging app after failing to block it », Reuters, 18 juin 2020.
  19. Jürgen Habermas, L’Espace public, Lausanne, Payot, 1988.
  20. Kate Ogden et David Phillips, « How have English councils’ funding and spending changed ? 2010 to 2024 », IFS, 7 juin 2024.
  21. Ruth Cherrington, « ‘We Are Not Drinking Dens !’ : Working Men’s Clubs And The Struggle For Respectability, 1862 – 1920s », The Brewery History Society, 2013.
  22. Kim Willsher, « Revolution 2.0 : France’s political future could be won or lost by bots and memes », Observer, 7 septembre 2025.
  23. Rowan Ings, « The TikTokers accused of triggering an election scandal », BBC, 30 avril 2025.
  24. Adam Maternik et Marcin Kostecki, « Disinformation on Polish TikTok. Rigged elections and insults against Trzaskowski », Demagog, 10 juin 2025.
  25. Jock Finlayson, « Canadians think Canada is ‘broken’ amid gloomy economic numbers », Fraser Institute, 9 octobre 2024.
  26. Ian Garner, « The West Is Still Oblivious to Russia’s Information War », Foreign Policy, 9 mars 2024.
  27. Valentina Boursier, Francesca Gioia, Alessandro Musetti et Adriano Schimmenti, « Facing Loneliness and Anxiety During the COVID-19 Isolation : The Role of Excessive Social Media Use in a Sample of Italian Adults », Front Psychiatry, 8 décembre 2020.
  28. Ewa Markiewicz, « Third Places in the Era of Virtual Communities », Studia Periegetica, mars 2020.
  29. Tolulope Oshinowo, Sohyeon Hwang, Amy X. Zhang et Andrés Monroy-Hernandez, « Seeing the Politics of Decentralized Social Media Protocols », ArXiv, 29 mai 2025.