Politique

« On fait campagne en poésie mais on gouverne en prose », le discours de victoire de Mamdani

« Cette ville vous appartient ! »

À New York, le style populiste vient-il de connaître une nouvelle itération ?

Ou la victoire de Zohran Mamdani inaugure-t-elle une formule radicalement nouvelle ?

Nous traduisons et commentons ligne à ligne son discours de victoire.

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Le Grand Continent
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© Cristina Matuozzi/Sipa USA

Bien que largement attendue, la victoire du candidat démocrate Zohran Mamdani lors de l’élection municipale à New York n’en constitue pas moins une performance inédite. Il remporte ainsi plus d’un million de voix, le premier candidat à passer ce cap depuis 1969, alors que le taux de participation est le plus élevé depuis plus d’un demi-siècle.

Né le 18 octobre 1991 à Kampala, en Ouganda, Mamdani est arrivé à New York à l’âge de sept ans. Sa mère, Mira Nair, est réalisatrice de cinéma et son père, Mahmood Mamdani, enseigne à l’université Columbia, à New York. Ses deux parents sont d’anciens élèves de Harvard.

Diplômé en études africaines du Bowdoin College, Mamdani a d’abord travaillé comme conseiller en prévention des saisies immobilières, venant en aide aux propriétaires à faibles revenus du Queens pour lutter contre les expulsions. Il est naturalisé américain en 2018 — n’étant pas né sur le sol américain, il ne pourrait de ce fait pas se présenter à l’élection présidentielle.

La coalition électorale ayant soutenu Mamdani présente un assemblage inédit.

Il a non seulement remporté la majorité des voix parmi les électeurs immigrés du Queens et du Bronx, mais également au sein des circonscriptions libérales blanches du nord de Manhattan et de Brooklyn. Mamdani a aussi amélioré son score par rapport à la primaire parmi les communautés noires et latino-américaines, remportant le Bronx avec une marge de 11 points — alors qu’il avait perdu le borough de 18 points contre Cuomo en juin.

Parmi les propositions phares de son programme, Mamdani veut rendre les services de bus gratuits, geler les loyers, créer une chaîne municipale de magasins d’alimentation, mettre en place une garde d’enfants universelle ainsi qu’une flat tax de 2 % pour les New-Yorkais qui gagnent plus d’un million de dollars par an.

Comme nous le confiait Cole Stangler au cours d’un entretien, Zohran Mamdani incarne un nouveau souffle pour une part importante de la gauche américaine : « Sur le plan des idées, il défend des positions très progressistes […] Mais ce qui frappe aussi, c’est sa capacité à communiquer efficacement. Il sait parler aux électeurs, ce qui a cruellement manqué aux démocrates sous la présidence de Biden ».

Mamdani a fait l’objet d’une campagne particulièrement violente de la part des Républicains. 

Trump, d’abord, a multiplié les attaques, qualifiant le nouveau maire de « communiste » et menacé de couper des financements fédéraux à la ville en cas de victoire du démocrate. Sur les réseaux sociaux, plusieurs élus et commentateurs trumpistes comme Andy Ogles ont ciblé sa confession musulmane, utilisant des images des attentats du 11 septembre 2001 pour tenter de faire basculer une partie des votes modérés vers Andrew Cuomo, pour qui le président républicain a publiquement appelé à voter.

S’il a pu compter sur le soutien de plusieurs élus démocrates, notamment de l’élue de New York Alexandria Ocasio-Cortez et du sénateur Bernie Sanders, celui-ci provenait principalement de l’aile progressiste du parti. Le leader à la Chambre, Hakeem Jeffries, a attendu le 24 octobre pour apporter un soutien de dernière minute au candidat démocrate, tandis que Schumer, chef de file au Sénat, a refusé de dire s’il avait voté ou non pour Mamdani. C’est notamment sur le soutien assumé à la cause palestinienne que la campagne de Mamdani a incarné une rupture avec l’arrière-garde du Parti.

Face à sa victoire, Donald Trump s’est contenté d’une déclaration laconique sur son réseau Truth Social : « Et c’est ainsi que ça commence… »

Merci, mes amis. Le soleil s’est peut-être couché sur notre ville ce soir, mais comme l’a dit un jour Eugene Debs, « je vois poindre l’aube d’un jour meilleur pour l’humanité ».

Eugene Debs est l’une des figures les plus emblématiques du socialisme américain. Cinq fois candidat à l’élection présidentielle américaine entre 1900 et 1920, il devient président de l’American Railway Union en 1893 et crée le premier syndicat industriel d’Amérique en regroupant les travailleurs du rail.

Il devient célèbre dès l’année suivante pour sa participation à de grandes grèves, qui le conduiront à faire six mois de prison. En 1898 il mène la création du Parti socialiste américain.

Depuis aussi longtemps que nous nous souvenons, les travailleurs de New York se sont entendu dire par les personnes riches et bien connectées que le pouvoir ne leur appartenait pas.

Les doigts meurtris à force de soulever des cartons dans les entrepôts, les paumes calleuses à force de tenir le guidon des vélos de livraison, les jointures marquées par les brûlures de cuisine : ce ne sont pas des mains qui ont été autorisées à détenir le pouvoir. Et pourtant, au cours de ces 12 derniers mois, vous avez osé viser plus haut.

Ce soir, contre toute attente, nous l’avons atteint. L’avenir est entre nos mains. Mes amis, nous avons renversé une dynastie politique.

Je souhaite à Andrew Cuomo tout le meilleur dans sa vie privée. Mais que ce soir soit la dernière fois que je prononce son nom, alors que nous tournons la page d’une politique qui abandonne le plus grand nombre au profit d’une minorité. New York, ce soir, vous nous avez chargés d’une mission. Une mission pour un changement. Une mission pour une nouvelle forme de politique. Une mission pour une ville à la portée de tous. Et une mission pour un gouvernement qui tient exactement ces engagements.

Le 1er janvier, je prêterai serment en tant que maire de la ville de New York. Et c’est grâce à vous. Avant toute autre chose, je tiens donc à vous dire ceci : merci. Merci à la nouvelle génération de New-Yorkais qui refuse d’accepter que la promesse d’un avenir meilleur soit une relique du passé.

Vous avez montré que lorsque la politique s’adresse à vous sans condescendance, nous pouvons nous diriger vers une nouvelle ère de leadership. Nous nous battrons pour vous, car nous sommes vous.

Ou, comme on dit à Steinway, ana minkum wa alaikum.

« Et que la paix soit avec vous tous » en arabe.

Merci à ceux qui sont si souvent oubliés par la politique de notre ville, qui ont fait leur ce mouvement. Je parle des propriétaires de bodegas yéménites et des abuelas mexicaines. Des chauffeurs de taxi sénégalais et des infirmières ouzbèkes. Des cuisiniers trinidadiens et des tantines éthiopiennes. Oui, des tantines.

À tous les New-Yorkais de Kensington, Midwood et Hunts Point, sachez ceci : cette ville est votre ville, et cette démocratie est aussi la vôtre. 

Kensington et Midwood sont des quartiers de Brooklyn dont la population est parmi les plus diverses ; ils comptent notamment une importante communauté originaire de l’Asie du Sud. Hunts Point est un quartier du Bronx à population majoritairement hispanique et latino.

De manière générale, Mamdani a connu un succès plus large que Cuomo lors de la primaire démocrate dans les quartiers aux populations diversifiées, avec près de 52 % des voix dans les quartiers à forte population sud-asiatique.

Cette campagne concerne des gens comme Wesley, un organisateur du 1199 que j’ai rencontré devant l’hôpital Elmhurst jeudi soir.

Le Local 1199 est un syndicat de travailleurs de la santé, allié de longue date des candidats démocrates, qui a retiré son soutien à Andrew Cuomo pour l’offrir à Mamdani en juillet, à la suite d’un changement de présidence.

Un New-Yorkais qui vit ailleurs, qui fait deux heures de trajet aller-retour depuis la Pennsylvanie parce que les loyers sont trop chers dans cette ville.

Elle concerne des gens comme cette femme que j’ai rencontrée il y a des années dans le bus Bx33 et qui m’a dit : « Avant, j’aimais New York, mais maintenant, c’est juste l’endroit où je vis. » Et elle concerne des gens comme Richard, le chauffeur de taxi avec lequel j’ai fait une grève de la faim de quinze jours devant l’hôtel de ville, et qui doit encore conduire son taxi sept jours sur sept. Mon frère, nous sommes à l’hôtel de ville maintenant.

En 2021, Mamdani a participé à la grève de la faim organisée par les taxis de New York pour demander une baisse des paiements à effectuer pour rembourser le « medallion », le certificat permettant d’exercer le métier de chauffeur de taxi à New York, victime d’une forte inflation due à un manque de régulation.

Cette victoire est pour eux tous. Et elle est pour vous tous, les plus de 100 000 bénévoles qui ont fait de cette campagne une force imparable 1. Grâce à vous, nous ferons de cette ville une ville que les travailleurs pourront à nouveau aimer et dans laquelle ils pourront à nouveau vivre. À chaque porte frappée, à chaque signature obtenue, à chaque débat difficilement remporté, vous avez érodé le cynisme qui caractérise désormais notre politique.

Je sais que je vous ai beaucoup demandé au cours de cette dernière année. À maintes reprises, vous avez répondu à mes appels, mais j’ai une dernière requête. New York, inspirez profondément en cet instant. Nous avons retenu notre souffle plus longtemps que nous ne le pensons.

Nous l’avons retenu dans l’attente de la défaite, nous l’avons retenu parce que notre souffle a été coupé trop de fois pour pouvoir les compter, nous l’avons retenu parce que nous ne pouvions pas nous permettre d’expirer. Merci à tous ceux qui ont tant sacrifié. Nous respirons l’air d’une ville qui renaît.

À mon équipe de campagne, qui a cru en moi quand personne d’autre ne le faisait et qui a transformé un projet électoral en quelque chose de bien plus grand : je ne pourrai jamais exprimer toute ma gratitude. Vous pouvez enfin dormir tranquilles.

À mes parents, maman et papa : vous avez fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. Je suis très fier d’être votre fils. Et à ma merveilleuse épouse, Rama, hayati 2 : il n’y a personne d’autre que je préférerais avoir à mes côtés en ce moment, et à chaque instant.

À tous les New-Yorkais, que vous ayez voté pour moi, pour l’un de mes adversaires ou que vous ayez été trop déçus par la politique pour voter, merci de m’avoir donné l’occasion de prouver que je suis digne de votre confiance. Je me réveillerai chaque matin avec un seul objectif : rendre cette ville meilleure pour vous qu’elle ne l’était la veille.

Beaucoup pensaient que ce jour n’arriverait jamais, craignant que nous soyons condamnés à un avenir moins prometteur, chaque élection nous assignant à répéter les mêmes conditions.

D’autres considèrent la politique actuelle comme trop cruelle pour que la flamme de l’espoir continue de brûler. New York, nous avons répondu à ces craintes.

Ce soir, nous nous sommes exprimés d’une voix claire. L’espoir est vivant. L’espoir est une décision que des dizaines de milliers de New-Yorkais ont prise jour après jour, bénévolat après bénévolat, malgré les attaques publicitaires incessantes. Nous étions plus d’un million à nous rassembler dans nos églises, nos gymnases, nos centres communautaires, pour remplir le registre de la démocratie.

L’élection a attiré plus de deux millions d’électeurs, contre seulement 1,1 million lors du précédent scrutin, en 2023. Il s’agit du taux de participation le plus élevé depuis 1993.

Et si nous avons voté seuls, nous avons choisi l’espoir ensemble. L’espoir plutôt que la tyrannie. L’espoir plutôt que l’argent et les idées étroites. L’espoir plutôt que le désespoir. Nous avons gagné parce que les New-Yorkais se sont permis d’espérer que l’impossible pouvait devenir possible. Et nous avons gagné car nous avons affirmé que la politique ne serait plus quelque chose que nous subissons. Désormais, c’est quelque chose que nous faisons.

Debout devant vous, je pense aux paroles de Jawaharlal Nehru : « Il arrive un moment, rare dans l’histoire, où nous passons de l’ancien au nouveau, où une époque s’achève et où l’âme d’une nation, longtemps réprimée, trouve enfin sa voix. »

Ce soir, nous sommes passés de l’ancien au nouveau. Alors d’une voix claire et convaincue qui ne peut être mal interprétée, parlons de ce que cette nouvelle ère offrira, et à qui.

Ce sera une ère où les New-Yorkais attendront de leurs dirigeants une vision audacieuse de ce que nous accomplirons, plutôt qu’une liste d’excuses pour ce que nous sommes trop timides pour tenter. Au cœur de cette vision se trouvera le programme le plus ambitieux jamais mis en place pour lutter contre la crise du coût de la vie que connaît cette ville depuis l’époque de Fiorello La Guardia : un programme qui gèlera les loyers de plus de deux millions de locataires bénéficiant d’un loyer stabilisé, rendra les bus rapides et gratuits et offrira des services de garde d’enfants universels dans toute notre ville.

Fiorello La Guardia était un membre du Parti républicain et maire de New York de 1934 à 1945. Un des soutiens du New Deal, il a créé l’Office of Price Administration, chargé de réguler les prix des produits de première nécessité, comme les loyers ou la nourriture. Il est également à l’origine de la création de la New York City Housing Authority (NYCHA), qui a mené de nombreux projets de construction de logements sociaux.

Depuis sa victoire aux primaires démocrates, Zohran Mamdani a été comparé à plusieurs reprises à La Guardia. Le gel du prix des loyers fut durant toute sa campagne une de ses mesures phares.

Dans quelques années, notre seul regret sera peut-être que ce jour ait mis si longtemps à arriver. Cette nouvelle ère sera marquée par des améliorations constantes. Nous embaucherons des milliers d’enseignants supplémentaires. Nous réduirons le gaspillage lié à une bureaucratie pléthorique. Nous nous efforcerons sans relâche de rétablir l’éclairage dans les couloirs des immeubles de la NYCHA, où il est défaillant depuis longtemps.

Créée en 1934, la New York City Housing Authority (NYCHA) est l’organisme public chargé de la gestion des logements sociaux de New York, et l’un des plus importants bailleurs sociaux au monde. L’éclairage de la NYCHA est un sujet récurrent dans la vie urbaine new-yorkaise : elle doit compter avec des coupures de courant et des systèmes électriques défaillants dans le Bronx qui laissent les résidents dépendants de générateurs de secours. En avril 2016, la NYCHA et la police new-yorkaise ont mené une campagne spéciale d’éclairage extérieur pour réduire la criminalité nocturne, bien que l’efficacité de la campagne soit contestée. 

La sécurité et la justice iront de pair, car nous collaborerons avec les agents de police pour réduire la criminalité et créer un ministère de la Sécurité communautaire qui s’attaquera de front aux crises de la santé mentale et du sans-abrisme. L’excellence deviendra la norme au sein du gouvernement, et non plus l’exception. Dans cette nouvelle ère que nous créons pour nous-mêmes, nous refuserons de laisser ceux qui sèment la division et la haine nous monter les uns contre les autres.

Selon un rapport du contrôleur de l’État de New York publié en janvier, le nombre de sans-abri a presque doublé dans l’État entre 2022 et 2024. La ville de New York a représenté à elle seule 93 % de cette augmentation : il y avait plus de 158 000 sans-abri à New York en 2024, soit environ un cinquième des sans-abri du pays.

Le nombre d’enfants sans domicile fixe est ainsi passé de 20 299 en 2022 à 50 773 en 2024. Près d’un sans-abri sur trois à New York est un enfant, ce qui représente l’un des pourcentages les plus élevés du pays. Le taux de sans-abri à New York — environ 8 pour 1 000 habitants — est plus élevé que celui de tous les autres États, à l’exception d’Hawaï et du district de Columbia.

En cette période d’obscurité politique, New York sera la lumière. Ici, nous croyons qu’il faut défendre ceux que nous aimons, que vous soyez un immigrant, un membre de la communauté transgenre, l’une des nombreuses femmes noires que Donald Trump a licenciées et privées d’un emploi fédéral, une mère célibataire qui attend toujours que le prix des produits alimentaires baisse, ou toute autre personne acculée, au pied du mur. Votre combat est aussi le nôtre.

Nous construirons une mairie qui se tiendra fermement aux côtés des New-Yorkais juifs et qui ne faiblira pas dans la lutte contre le fléau de l’antisémitisme ; une mairie où plus d’un million de musulmans sauront qu’ils ont leur place, non seulement dans les cinq arrondissements de cette ville, mais aussi dans les couloirs du pouvoir.

New York ne sera plus une ville où l’on peut faire campagne sur l’islamophobie et remporter une élection. Cette nouvelle ère sera marquée par une compétence et une compassion qui ont trop longtemps été opposées l’une à l’autre. Nous prouverons qu’il n’y a pas de problème trop grand pour que le gouvernement le résolve, ni de préoccupation trop insignifiante pour qu’il s’en soucie.

Zohran Mamdani est le premier maire musulman de la ville. Selon un rapport du Centre d’étude de la haine organisée (CSOH), celui-ci a été victime de nombreux discours islamophobes et xénophobes durant la campagne. Ces discours le présentaient notamment comme un terroriste, un djihadiste ou un musulman radical 3.

Son statut de citoyen naturalisé a été remis en cause à plusieurs reprises, avec des appels à sa dénaturalisation et à son expulsion, jugeant qu’il serait incompatible avec les valeurs politiques et civiques américaines, voire un ennemi de la nation.

Pendant des années, les responsables de la mairie n’ont aidé que ceux qui pouvaient les aider ; mais le 1er janvier, nous inaugurerons une administration municipale qui aidera tout le monde.

Je sais que beaucoup n’ont entendu notre message qu’à travers le prisme de la désinformation. Des dizaines de millions de dollars ont été dépensés pour redéfinir la réalité et convaincre nos voisins que cette nouvelle ère est quelque chose qui devrait les effrayer. Comme cela s’est souvent produit, la classe des milliardaires a cherché à convaincre ceux qui gagnent 30 dollars de l’heure que leurs ennemis sont ceux qui gagnent 20 dollars de l’heure.

Ils souhaitent que les gens se battent entre eux afin que nous restions distraits du travail de refonte d’un système défaillant depuis longtemps. Nous refusons de les laisser dicter les règles du jeu plus longtemps. Ils peuvent jouer selon les mêmes règles que nous tous.

Ensemble, nous inaugurerons une génération de changement. Et si nous embrassons cette nouvelle voie courageuse, plutôt que de la fuir, nous pourrons répondre à l’oligarchie et à l’autoritarisme avec la force qu’ils redoutent, et non avec l’apaisement qu’ils recherchent.

Après tout, si quelqu’un peut montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre, c’est bien la ville qui l’a vu naître. Et s’il existe un moyen de terrifier un despote, c’est en démantelant les conditions mêmes qui lui ont permis d’accumuler le pouvoir.

Ce n’est pas seulement ainsi que nous arrêterons Trump, c’est aussi ainsi que nous arrêterons le prochain. Alors, Donald Trump, puisque je sais que vous regardez, j’ai trois mots à vous dire : augmentez le volume.

En septembre, Donald Trump a menacé de réduire les financements fédéraux de New York en cas de victoire de Zohran Mamdani, qu’il considère comme un communiste. La veille de l’élection, il a exhorté ses partisans à voter pour Andrew Cuomo plutôt que pour le candidat républicain Curtis Sliwa, vu comme un original au sein même du GOP, afin d’éviter une division des voix.

Nous demanderons des comptes aux mauvais propriétaires, car les Donald Trump de notre ville ont pris l’habitude de profiter de leurs locataires. Nous mettrons fin à la culture de corruption qui a permis à des milliardaires comme Trump d’échapper à l’impôt et de profiter d’allégements fiscaux.

Nous nous tiendrons aux côtés des syndicats et renforcerons la protection des travailleurs, car nous savons, tout comme Donald Trump, que lorsque les travailleurs ont des droits inaliénables, les patrons qui cherchent à les exploiter deviennent très petits.

New York restera une ville d’immigrants : une ville construite par des immigrants, animée par des immigrants et, à partir de ce soir, dirigée par un immigrant.

Alors écoutez-moi bien, président Trump, lorsque je vous dis ceci : pour nous atteindre, vous devrez passer par nous tous. Lorsque nous entrerons à la mairie dans 58 jours, les attentes seront élevées. Nous y répondrons. Un grand New-Yorkais a dit un jour que l’on fait campagne en poésie, mais que l’on gouverne en prose.

Si cela doit être vrai, faisons en sorte que la prose que nous écrivons rime encore, et construisons une ville brillante pour tous.

Avec ces deux dernières références, Mamdani emprunte directement au père d’Andrew Cuomo, Mario Cuomo, qui fut le 52e gouverneur de New York de 1979 à 1982.

Né dans le Queens, dans une famille d’origine italienne, Mario Cuomo a prononcé un discours télévisé remarqué  lors de la Convention démocrate nationale de 1984, A Tale of Two Cities, devant 80 millions de personnes. Dans celui-ci, il s’attaque à Ronald Reagan : « Il y a du désespoir, Monsieur le Président, dans les visages que vous ne voyez pas, dans les endroits que vous ne visitez pas, dans votre ville brillante ».

Et nous devons tracer une nouvelle voie, aussi audacieuse que celle que nous avons déjà empruntée. Après tout, la sagesse conventionnelle vous dirait que je suis loin d’être le candidat idéal.

Je suis jeune, malgré tous mes efforts pour vieillir. Je suis musulman. Je suis un socialiste démocrate. Et le plus accablant de tout, c’est que je refuse de m’excuser pour tout cela.

Et pourtant, si cette soirée nous enseigne quelque chose, c’est que les conventions nous ont freinés. Nous nous sommes inclinés devant l’autel de la prudence, et nous en avons payé le prix fort. Trop de travailleurs ne se reconnaissent pas dans notre parti, et trop d’entre nous se sont tournés vers la droite pour trouver des réponses à leur questionnement sur les raisons pour lesquelles ils ont été laissés pour compte.

Nous laisserons la médiocrité dans le passé. Nous n’aurons plus à ouvrir un livre d’histoire pour prouver que les démocrates peuvent oser être grands.

Notre grandeur sera tout sauf abstraite. Elle sera ressentie par chaque locataire bénéficiant d’un loyer stabilisé qui se réveille le premier jour de chaque mois en sachant que le montant qu’il va payer n’a pas augmenté par rapport au mois précédent. Elle sera ressentie par chaque grand-parent qui peut se permettre de rester dans la maison pour laquelle il a travaillé et dont les petits-enfants vivent à proximité parce que le coût de la garde d’enfants ne les a pas envoyés à Long Island.

Elle sera ressentie par la mère célibataire qui se déplace en toute sécurité et dont le bus circule suffisamment rapidement pour qu’elle n’ait pas à se précipiter pour déposer ses enfants à l’école afin d’arriver à l’heure au travail. Et elle sera ressentie lorsque les New-Yorkais ouvriront leur journal le matin et liront des titres qui parlent de succès, et non de scandales.

Mais surtout, elle sera ressentie par chaque New-Yorkais lorsque la ville qu’ils aiment leur rendra enfin leur amour.

Ensemble, New York, nous allons geler les… [le public : loyers !] Ensemble, New York, nous allons rendre les bus rapides et… [le public : gratuits !] Ensemble, New York, nous allons offrir à tous… [des services de garde d’enfants !]

Que les mots que nous avons prononcés ensemble, les rêves que nous avons rêvés ensemble, deviennent le programme que nous réaliserons ensemble. New York, ce pouvoir, il est à vous. Cette ville vous appartient.

Merci.

Sources
  1. Paola Nagovitch, « One hundred thousand volunteers and one million doors knocked on : Zohran Mamdani’s historic campaign for mayor of New York », El Pais, 4 novembre 2025.
  2. Terme affectueux arabe, qu’on peut traduire par « ma vie ».
  3. Raqib Hameed Naik et Eviane Leidig, « Islamophobia and the New York City Mayoral Election », The Center for the Study of Organized Hate, 2025.
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