Au Kosovo, les élections locales désignent le maire et les membres de l’assemblée municipale dans chacune des 38 municipalités, dont 27 sont à majorité albanophone, 10 à majorité serbophone et une (Mamusha) à majorité turque. Les compétences propres des municipalités sont assez larges, incluant l’éducation jusqu’au niveau secondaire et la gestion des services de santé. Le nombre de sièges des assemblées communales varie selon la population de la municipalité.

  • Le maire est élu au scrutin majoritaire à deux tours : s’il obtient plus de 50 % des voix au premier tour, il est directement élu.
  • Si aucun candidat ne dépasse ce seuil, un second tour est organisé entre les deux candidats ayant recueilli le plus de voix.
  • L’assemblée municipale est élue au moyen d’un scrutin proportionnel à liste ouverte, à un seul tour.

Les élections se déroulent dans un contexte politique défavorable au Premier ministre. Son parti de centre-gauche Autodétermination (Vetëvendosje, LVV) est arrivé en tête lors des élections de février, toutefois sans majorité absolue, avec 48 sièges sur 120. Kurti n’a toujours pas réussi à former un gouvernement de coalition, plongeant le pays dans une crise institutionnelle inédite. Dans ce contexte, ces élections s’annonçaient comme un moment de clarification de la situation politique, posant un risque pour Albin Kurti.

Un résultat qui pourrait être lu comme une défaite pour son mouvement compliquerait davantage sa position en tant que Premier ministre par intérim.

  • Les résultats sont, pour l’heure, en demi-teinte pour LVV : le mouvement remporte trois mairies dès le premier tour, le Parti démocratique du Kosovo (PDK, libéral) trois et la Ligue démocratique du Kosovo (LDK, conservateur), deux. Dix-sept second tours seront organisés 1.
  • Autre signal défavorable, LVV arrive en deuxième position dans la capitale Pristina.
  • Pour autant, la presse albanophone parle d’une élection où les partis ont « tous gagné et perdu » 2, la clarification politique intervenant à l’issue des résultats des second tours, prévus le 9 novembre.
  • Cela n’a pas empêché certain commentateurs d’appeler l’opposition à construire une majorité à l’Assemblé en s’appuyant sur ce momentum 3 et, de l’autre côté, Albin Kurti de se déclarer capable de construire un gouvernement avant le 26 octobre, à condition que les pourparlers avec les autres formations politiques soient fructueux 4.

Le vote était également marqué par le retour dans le champ politique des partis de la minorité serbe, qui avaient décidé de boycotter les précédentes élections locales partielles de 2023. Ce boycott, particulièrement suivi, avait donné lieu à des taux de participation historiquement bas (1 % à Leposavić), suivis de l’installation dans les communes de la minorité de conseils municipaux albanophones très peu représentatifs.

  • Dimanche 12 octobre, la Liste serbe (LS), proche du Parti progressiste serbe (SNS) du président serbe Aleksandar Vučić, s’est établie en tête dans les 10 municipalités à majorité serbophone, en remportant 9 dès le premier tour.
  • L’élection confirme ainsi le triomphe attendu des listes dominantes alignées sur Belgrade, tandis que les groupes d’opposition ne sont pas parvenus à leur faire concurrence.

Au soir du vote, Vučić s’est réjoui du résultat des élections et de la participation en hausse des serbophones. Dans un appel téléphonique avec les dirigeants de la LS, il a, comme à son habitude, mobilisé le sentiment nationaliste : « Je suis fier de vous. Je suis fier de votre combat. Je suis fier de notre peuple en Kosovo-et-Métochie [nom de la province autonome toujours revendiquée par la République de Serbie, n.d.l.r.] […] Ils [les politiciens kosovars] ne pourront pas faire disparaître les noms et les prénoms serbes » 5.

Vučić fait face à une opposition sans précédent au plan intérieur, les universités à travers le pays étant bloquées depuis près d’un an.

  • L’interventionnisme des autorités serbes, qui soutenaient la LS tout en attaquant frontalement Kurti, a créé des tensions politiques dans le pays.
  • La veille du scrutin, Riho Terras, le rapporteur chargé du Kosovo au Parlement européen (Parti populaire européen, PPE) dénonçait ce qu’il qualifiait d’ingérences serbes dans l’organisation du scrutin, en rupture du droit international.
  • La présidente du Kosovo, Vjosa Osmani, a abondé dans ce sens lors d’une déclaration le jour du vote 6.

Dans l’attente des rapports des observateurs internationaux, les avis sur la régularité du scrutin divergent. Si l’ensemble des acteurs locaux semblent s’accorder sur le fait que l’élection s’est déroulée dans le calme malgré des irrégularités ponctuelles, l’évaluation globale de la qualité du scrutin reste sujette à caution.

  • La présidente kosovare a dénoncé des cas de « vote collectif » dans les municipalités serbophones du nord 7, une technique dont le SNS est coutumier en Serbie et qui a déjà été observée au Kosovo Nord.
  • Les médias serbophones réputés les plus indépendants n’ont pas confirmé cette information, relayant toutefois des cas isolés d’achat de voix et de rupture du secret du suffrage 8.