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Les incursions russes dans l’espace aérien polonais, estonien et roumain constituent-elles une provocation ou un test ? 

Les deux : avec la Russie, chaque provocation est une manière de tester notre détermination.

Lorsque vingt drones pénètrent l’espace aérien polonais, ce n’est pas une erreur.

Il s’agit clairement d’une provocation visant à mettre à l’épreuve la solidité de notre défense anti-drone sur le flanc Est.

En envoyant immédiatement des avions pour détruire ces appareils, l’OTAN a réagi rapidement et efficacement. Notre défense aérienne est préparée, robuste et capable de nous défendre contre les avions de combat ennemis et les missiles. 

Mais pour faire face aux incursions de drones, nous devons développer de nouvelles capacités. 

Les radars que nous utilisons pour détecter les missiles ne suffisent pas — les drones volent plus bas et d’autres types de technologie sont nécessaires pour les capter. Voilà d’ailleurs un domaine dans lequel nous avons beaucoup à apprendre de l’Ukraine. Kiev a développé de nouvelles technologies : radars, capteurs acoustiques, intercepteurs — et des mitrailleuses pour les abattre plus efficacement depuis le sol.

Nous savons qu’il nous reste des choses à faire dans ce domaine — et je m’y emploie.

En envoyant immédiatement des avions pour détruire les drones russes, l’OTAN a réagi rapidement et efficacement.

Andrius Kubilius

Envoyer des avions de chasse dans le ciel pour abattre des drones si peu coûteux est un gouffre financier évident : comment surmonter ce déséquilibre entre le coût de l’attaque adverse et celui de notre défense ?

Les avions de combat sont en effet destinés à d’autres missions.

C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de capacités spécifiques. Et c’est exactement ce que nous souhaitons mettre en place avec la proposition de bâtir un mur anti-drones le long des frontières des États membres avec la Russie en nous inspirant de l’exemple ukrainien.

Moscou doit comprendre clairement que nous réagirons efficacement pour défendre nos États membres et leurs espaces aériens. C’est une question de souveraineté — et c’est clair pour nous tous.

Le président Trump a laissé entendre que l’incursion en Pologne aurait pu relever d’une erreur — plutôt que d’une provocation. Êtes-vous certain que les États-Unis protégeront le territoire de l’OTAN contre toute agression ? 

Je pense sincèrement qu’ils participeront à la défense du territoire de l’OTAN et qu’ils joueront leur rôle dans nos plans collectifs.

La question aujourd’hui est donc la suivante : quel est notre plan de défense et comment réagissons-nous à l’agression ?

Et quelle est votre réponse ?

Il faut à mon sens travailler sur un nouveau mandat.

Car que signifie « agression » ? Auparavant, c’était assez clair : des chars avançaient sur votre territoire, des avions de combat croisaient dans votre ciel — c’était le début d’une invasion. Dans cette hypothèse, l’OTAN était appelée et l’article 5 était déclenché. 

Mais  que se passe-t-il si ce ne sont pas des chars qui fondent vers nous, mais cent ou deux cents drones ? Comment réagir à cela ? Est-ce que cela relève de l’article 5 ? Et, si tel est le cas, quel serait notre plan d’action ?

La nature de la guerre a fondamentalement changé. L’Ukraine en est la preuve. Ce théâtre fait coexister des éléments de guerre classique avec une nouvelle façon de se battre. C’est la raison pour laquelle nous devons nous pencher sur la défense classique, mais aussi sur de nouvelles capacités.

Nous devons être prêts sur terre, en mer, dans les airs — et même dans l’espace, qui est également un élément important de mon portefeuille de commissaire et un domaine dans lequel l’Europe s’est montrée bien plus compétitive que beaucoup ne le pensaient. Dans le spatial, nous travaillons désormais mieux ensemble et — je suis fier de le dire — nous pouvons rivaliser avec les systèmes Starlink. 

La nature de la guerre a fondamentalement changé.

Andrius Kubilius

Qu’est-ce qui constitue le seuil d’une agression de l’Europe en 2025 ?

C’est une question clef et dont je ne peux être le seul à décider de la réponse. Elle implique les différents États membres et l’OTAN.

En tant que commissaire à la défense, je le résume par une phrase simple : nous avons besoin d’un nouvel état d’esprit. 

Prenons un exemple concret. Si l’on applique l’ancienne doctrine, une attaque de roquettes serait considérée comme une agression. Pourtant, une attaque de drones peut être tout aussi meurtrière. Si votre territoire est attaqué par cent drones, vous allez forcément être touché, cela causera des dégâts et cela peut tuer. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’il s’agit de drones plutôt que de missiles que c’est moins grave. Si nous laissons cela se reproduire sans rien faire, le Kremlin n’en sera que plus enhardi — et se contentera de dire que c’était une erreur.

Rien ne serait plus dangereux.

Ce n’est pas une manière traditionnelle de faire la guerre et nous voulons précisément éviter de nous retrouver dans cette zone grise. Il nous faut donc être prêts à faire face à tous les scénarios et — j’insiste — abandonner les anciennes méthodes. 

Les nouvelles méthodes que vous appelez de vos vœux pourraient devoir signifier composer avec un retrait des États-Unis. Indépendamment de l’administration Trump que devrait faire l’Europe pour s’assurer qu’elle peut se défendre selon ses propres termes et à ses conditions ? 

La présidente de la Commission a répété le mot clef d’indépendance et je ne peux qu’être d’accord.

Nous voulons bâtir une Pax Europaea.

Les États-Unis ont indiqué depuis longtemps déjà — et pas seulement depuis le retour de Trump — qu’ils allaient changer l’ordre de leurs priorités et qu’ils considéraient comme stratégiquement nécessaire de renforcer leur présence dans la région indo-pacifique en se focalisant sur la Chine. Par conséquent, ils nous signalent que nous devrions nous occuper de notre sécurité à un degré beaucoup plus élevé qu’auparavant. L’idée que Washington serait toujours présente ne tient plus. C’est une transformation que nous devons examiner de manière rationnelle et dépassionnée.

Nous avons besoin d’accords pragmatiques avec les Américains. 

Andrius Kubilius

Car cela ne signifie pas pour autant que nous nous dirigeons vers un divorce chaotique. L’un de mes principes en tant que commissaire à la défense est de ne jamais entrer en concurrence avec l’OTAN. Nous devons renforcer le pilier européen de l’OTAN mais nous ne devons pas être en concurrence. Nous devons lever des fonds, utiliser notre politique industrielle et les outils dont nous disposons aux côtés des États membres — mais cela ne devrait en aucun cas faire signe vers une scission chaotique à l’intérieur de l’Alliance.

Dire que l’Europe doit prendre en charge sa défense est simplement le reflet d’une nouvelle réalité. L’idée que nous pouvions nous reposer sur nos lauriers, profiter des dividendes de la paix et ne pas dépenser est révolue. 

Désormais, notre défense est de notre responsabilité. Je ne considère pas cela comme une déclaration dramatique mais comme la conclusion logique du contexte dans lequel nous nous trouvons.

Ajoutons aussi une chose : le résultat final du dernier sommet de l’OTAN n’a pas été seulement un engagement de la part des Européens. Les États-Unis ont également déclaré leur engagement envers la défense collective de l’OTAN. 

Vous dites vouloir composer sans divorce chaotique. Mais comment, précisément, éviter le chaos ?

Nous avons besoin d’accords pragmatiques avec les Américains. 

Remplacer toutes les capacités que les États-Unis fournissent actuellement prendra du temps. Nous devons donc développer notre industrie, augmenter la production tout en élaborant un plan d’action clair.

Dans certains cas — je pense par exemple aux capacités de longue portée telles que le HIMARS — notre industrie ne produit pas suffisamment ou pas assez rapidement. Si nous devons encore nous approvisionner auprès des États-Unis à court terme, nous devons développer notre propre industrie en parallèle. Pour moi, la priorité est de ne pas avoir de lacunes.

Vous avez mentionné une Pax Europaea — comment comprendre cette expression ?

Notre vision de la paix allie la force à la dissuasion. Mais elle s’accompagne d’idéaux démocratiques et d’une source d’inspiration. En tant qu’Européens, nous devons être suffisamment forts pour dissuader toute agression — tout en proposant également une vision de progrès et de démocratie. 

On entend parfois que Poutine aurait envahi l’Ukraine parce qu’il craignait l’expansion de l’OTAN ou qu’il pensait que Kiev pourrait un jour y adhérer. Personnellement, je n’en crois rien. Poutine ne se soucie que d’une seule chose : la survie de son régime. Or une Ukraine indépendante, démocratique et européenne représentait un danger évident pour la Russie en ce qu’elle aurait soulevé des questions nouvelles pour le peuple russe : pourquoi l’Ukraine est-elle en train de se développer ? Pourquoi l’Ukraine est-elle plus prospère et se porte-t-elle mieux que nous ? Ce sont les réponses à ces questions qui menacent directement le régime russe. 

En quel sens ?

Poutine est totalement terrifié par le succès démocratique de l’Ukraine.

Je n’adhère pas à la théorie selon laquelle Poutine aspire à devenir Pierre le Grand et que ce serait là sa principale motivation. Pour moi, il a surtout peur de l’effet miroir entre une Ukraine prospère et indépendante et la Russie.

C’est pourquoi la Pax Europaea doit combiner l’affirmation d’une force suffisamment dissuasive avec un projet démocratique ambitieux. L’élargissement de l’Union représente en ce sens une opportunité : non seulement en termes de sécurité — puisque l’Ukraine dispose désormais de l’armée la plus expérimentée au combat sur le sol européen — mais aussi en tant que projet démocratique commun. La Russie craint cela autant sur le plan politique que sur le plan militaire. Voilà nos deux objectifs. 

Toutes ces aspirations ont un coût : pour atteindre ces objectifs, l’Europe doit disposer des ressources financières nécessaires. Seriez-vous favorables à l’émission d’obligations de défense en euros ?

Ma réponse courte serait : je ne pense pas que cela soit nécessaire à ce stade. 

Et la réponse longue ?

Si vous examinez les engagements pris par les États membres, l’engagement de 5 % qui a été convenu dans le cadre de l’OTAN — dont 3,5 % seront consacrés au moins aux capacités de défense — et les instruments que nous avons présentés avec la Commission, je ne pense pas que le problème central soit le manque de ressources.

La Pax Europaea doit combiner l’affirmation d’une force suffisamment dissuasive avec un projet démocratique ambitieux.

Andrius Kubilius

Certes, la plupart des contributions proviendront des États membres, mais si vous faites le calcul, nous devrions atteindre une moyenne de 3 % de dépenses de défense entre 2028 et 2035. Ces 3 % représentent 600 milliards d’euros supplémentaires par an. Sur une période de sept ans, cela représente 4 200 milliards d’euros. On pourrait faire valoir qu’une partie de ce financement ne servira pas uniquement à acheter des armes, mais la majeure partie sera consacrée aux capacités matérielles de défense. 

Il s’agit d’un montant substantiel.

Le problème que je vois est double : nous avons tout d’abord besoin d’une image claire pour comprendre quelle est la demande globale — car elle doit être cohérente — et nous devons savoir s’il sera possible d’avancer une partie de ce financement. 

Car on parle à terme d’un total de 4 000 milliards d’euros — mais c’est surtout avant 2030 que nous en avons besoin. 

Pour vous, l’important n’est donc pas tant de disposer de ressources supplémentaires que de mobiliser les capitaux plus rapidement ? 

Je fais confiance aux États membres lorsqu’ils affirment qu’ils dépenseront et tiendront leurs promesses. Tout le monde comprend désormais que la sécurité est absolument essentielle.  

La question n’est pas le financement de la défense européenne mais l’ingénierie financière pour rendre disponibles ces sommes rapidement. 

En général, nous savons trouver des solutions créatives. La vraie question est donc : saurons-nous trouver la manière d’anticiper ces sommes ? C’est le sujet central selon moi — beaucoup plus que celui de l’émission de nouvelles obligations.

Comment garantir que les futures dépenses militaires seront cohérentes et qu’elles favoriseront l’interopérabilité ?

Notre industrie est très fragmentée.

Mario Draghi l’a souligné dans son rapport. Il est clair que les États membres effectueront la majeure partie des achats et nous ne cherchons pas à les remplacer. Mais il doit y avoir une cohérence. Nous devons encourager les achats et les développements communs afin de surmonter cette fragmentation. Nous avons déjà mis en place certains instruments, tels que SAFE, ASAP et EDIP — mais nous pouvons et devons faire davantage. 

Nous devons aussi être honnêtes : ce n’est pas toujours facile car il y a toujours un instinct national. Sur le plan politique, la défense est encore principalement considérée comme une question intérieure et nos armées fonctionnent de cette manière. Cette mentalité doit changer.

Nous ne voulons pas remplacer les États membres, et nous comprenons qu’il existe un certain niveau de confidentialité au sein de l’OTAN pour des raisons valables, mais je pense sincèrement que la Commission peut jouer un rôle utile pour l’achat, la standardisation et en général le suivi de la dimension commune. Notre problème a souvent été non pas tant le manque de financement que le manque de cohérence dans les achats.

Nous devons utiliser notre puissance financière et notre politique industrielle pour inciter les États membres.

La question n’est pas le financement de la défense européenne mais l’ingénierie financière pour rendre disponibles ces sommes rapidement.

Andrius Kubilius

Êtes-vous d’accord avec la proposition du commissaire Stéphane Séjourné d’un nouveau traité européen consacré à la défense ? 

En ce qui concerne les propos du commissaire Séjourné, nous nous occupons déjà de ce que j’aime appeler la « défense matérielle » : la production, le développement, l’approvisionnement, les chars, l’artillerie, les drones.

Mais je vois un gros problème en ce qui concerne la préparation institutionnelle de la défense. 

On parle d’une menace russe prête à nous mettre à l’épreuve d’ici 2030 : la question qui se pose va au-delà du matériel — c’est celle d’une nouvelle architecture de défense. Ma tâche consiste en partie à planifier une Union de la défense. J’ai toujours clairement indiqué qu’elle devrait inclure l’Ukraine, car ce pays fait ses preuves au combat et s’intègre déjà, de facto, dans notre industrie.

Il serait avantageux pour nous d’intégrer les Ukrainiens, mais aussi des pays comme la Grande-Bretagne. Cela constituerait une bonne base et pourrait ouvrir la voie à de nouveaux instruments pour développer un plan industriel européen de défense, conformément à ce que dit le commissaire Séjourné. 

C’est donc, oui, une possibilité. 

Les pays tiers comme le Royaume-Uni devraient-ils pouvoir participer aux programmes européens sur un pied d’égalité ?

Des négociations sont en cours, non seulement avec le Royaume-Uni, mais aussi avec le Canada, concernant l’accès qu’ils auront aux prêts SAFE et les conditions de cet accès.

Lorsqu’on parle de programmes européens toutefois, cela va au-delà du financement. Pour moi, il y a plusieurs objectifs. Il s’agit certes de l’industrie de la défense, mais aussi d’efforts conjoints de formation et de capacités d’agir en cohérence — et c’est déjà le cas de facto au sein de la Coalition des volontaires, qui est un véritable effort conjoint.

Il faut accélérer notre intégration.

Une autre question est clef : la liberté d’utiliser comme nous l’entendons les armes que nous achetons avec l’argent des contribuables et qui sont acquises en dehors de l’Union européenne.

Un nouveau traité européen consacré à la défense est une possibilité

Andrius Kubilius

Vous faites référence au kill switch, l’idée que les États-Unis conserveraient une forme de contrôle sur les armes qu’ils vendent à des pays tiers. 

Oui. Et je leur ai dit directement. 

Je leur ai parlé des problèmes posés par la réglementation ITAR — l’ensemble de normes qui régit les exportations d’équipements de défense américains. Lorsque les Américains affirment que nous créons des problèmes aux entreprises américaines qui entrent sur le marché européen, je réponds que leur réglementation nous crée encore plus de problèmes.

Si nous dépensons notre argent — et ce sont bien les États membres qui effectueront la plupart des achats —, nous devrions pouvoir utiliser ces armes de la manière qui nous semble la plus appropriée. Si l’on suit cette logique, il est raisonnable de dire que l’autorité de conception devrait rester en Europe. Et c’est ainsi que de nombreuses entreprises européennes présentent leurs produits aux gouvernements européens.

Cela explique-t-il la récente annonce danoise de 10 milliards d’euros de commande pour des contrats entièrement réalisés en Europe ? 

Je pense que c’est une combinaison de plusieurs facteurs. 

Il y a la question de l’autorité en matière de conception — qui vous donne la possibilité d’utiliser les armes comme vous le souhaitez — mais parallèlement, certains messages provenant des États-Unis ont pu accélérer ce processus.

Elbridge Colby, le sous-secrétaire du Département de la Guerre, déclare publiquement que les priorités des États-Unis sont en train de changer, que certaines capacités resteront américaines et que les futurs achats auprès de pays tiers pourraient être limités. Il l’a dit clairement : les stocks doivent rester aux États-Unis.

L’annonce danoise est la conséquence de cela : nous savons que nous devons nous organiser différemment.

Mon rôle n’est pas de décider si les États membres devraient instaurer le service militaire obligatoire — mais cela serait sans doute très utile.

Andrius Kubilius

Même lorsqu’une préférence européenne claire est exprimée, il existe des divergences entre les États membres quant à la forme que devrait prendre cette préférence — on pense en ce moment aux tensions franco-allemandes sur le SCAF. Comment créer de la convergence ?

Cette question n’est pas nouvelle.

Lorsque la Communauté européenne du charbon et de l’acier a été créée, on a tenté de mettre en place une Communauté européenne de défense qui impliquait même la création d’une armée européenne. Cette initiative n’a pas été ratifiée en France à l’époque. Et l’idée a été abandonnée. Cela explique d’ailleurs en grande partie la fragmentation que nous observons aujourd’hui. Mais si nous voulons créer une véritable union européenne de défense, pleinement intégrée, il faudra une réelle volonté politique pour y parvenir. 

Si la Corée du Sud produit plus que nous tous réunis, c’est bien que quelque chose ne fonctionne pas.

Vous pensez donc qu’on verra à l’avenir davantage de fusions et de co-entreprises en Europe ?

Je le pense. 

Nous n’imposons pas la consolidation, elle se fait de manière organique. Il en va de même pour les co-entreprises. Nous ne dictons pas non plus aux États membres ce qu’ils doivent acheter, mais le rapprochement des acteurs du secteur montre qu’il existe de fait une volonté d’en faire plus ensemble. C’est toujours une question d’échelle et de rentabilité. 

Alors que la Chine, la Russie et les États-Unis se sont totalement réapproprié ce terme, l’Europe est encore très mal à l’aise avec l’idée de guerre — on préfère parler de conflits et de menaces ; de préparation et de sécurité. Montrer sa disposition à livrer bataille commence-t-il par rendre le service militaire obligatoire ?

Mon rôle n’est pas de décider si les États membres devraient instaurer le service militaire obligatoire — mais cela serait sans doute très utile.

Un phénomène social très intéressant se produit d’ailleurs dans les pays où il l’est.

Si la Corée du Sud produit plus que nous tous réunis, c’est bien que quelque chose ne fonctionne pas.

Andrius Kubilius

Si l’on prend l’exemple de la Finlande, le nombre de personnes qui se disent prêtes à défendre — voire à mourir pour — leur pays, est beaucoup plus élevé qu’ailleurs. Ce n’est pas forcément la seule raison — il y a aussi l’histoire, l’expérience et la perception de la menace.

L’Union européenne a été conçue comme un projet de paix, mais le contexte qui nous entoure a changé. C’est une réalité : nous avons besoin d’un nouvel état d’esprit. 

Quelles seraient les traductions concrètes de cette nouvelle mentalité ? 

Nous prenons les bonnes mesures pour mettre en place le nouveau récit dont nous avons besoin.

Ce n’est pas pour rien que nous avons désormais un commissaire à la défense, que nos dirigeants ont fait de la défense une priorité absolue et que nous concevons et déployons toute une série de nouveaux outils dans ce sens. 

Nos services de renseignement s’expriment plus ouvertement sur la menace russe : c’est une bonne chose. Il reste encore beaucoup à faire pour expliquer aux Européens — je parle ici des citoyens — à quel point nous devons nous préparer à cette menace.

Quand je repense à l’année écoulée, je trouve nos avancées plutôt encourageantes.

Mais nous devons désormais accélérer la cadence pour augmenter notre production et mobiliser des capitaux efficaces.