Élections en Moldavie : la campagne d’ingérence russe s’étend du numérique au théologique 

Depuis son indépendance en 1991, la Moldavie est sous l’emprise constante de la Russie, qui déploie une stratégie qui mêle contraintes économiques, domination énergétique, soutien à des partis pro-russes et achat de votes. Cette élection ne fait pas exception et Moscou exerce sur Chișinău une pression sans précédent.

• Selon les enquêtes d’opinion les plus récentes, le Parti action et solidarité (PAS) de la présidente pro-européenne Maia Sandu est au coude à coude avec le bloc « patriotique », composé des partis prorusses PSRM, PCRM, « Inima Moldovei » et « Viitorul Moldovei ». 
• Ainsi, selon un sondage réalisée du 12 au 29 août, 39 % des personnes prêtes à se rendre aux urnes voteraient pour le PAS. Le bloc « patriotique », obtiendrait 22 % des voix. 

• Mais un autre sondage de l’institut iData donne toutefois le bloc « patriotique », mené par Igor Dodon, en tête des intentions de vote. 
• Ces chiffres ne tiennent pas compte du vote de la diaspora (plus d’un million de personnes), qui, comme lors des élections précédentes, pourrait bien décider du résultat final.

La campagne électorale à été profondément infiltrée par la Russie de Poutine. 

• Selon le journaliste ukrainien Dmitri Gordon, Moscou aurait investi 350 millions d’euros dans un plan massif d’influence sur le scrutin. 
• Comme en Roumanie, la rhétorique pro-russe s’est enrichie d’un discours populiste, à l’image de celui du mouvement MAGA, qui oppose les citoyens aux « élites corrompues » et à « l’establishment pro-européen ». 
• Selon le Premier ministre Dorin Recean, les autorités moldaves ont été la cible de plus de 1 000 cyberattaques depuis le début de l’année, et ont réussi à supprimer 100 000 faux comptes TikTok qui diffusaient de la désinformation. 2 500 affaires criminelles sont en cours de traitement. 

Selon une enquête publiée par Reuters ce samedi 27 septembre, la Russie a également étendu sa stratégie au domaine religieux, en « recrutant des prêtres orthodoxes pour influencer les électeurs moldaves » ¹.

• L’Église orthodoxe, subordonnée au Patriarcat de Moscou, est suivie par la majorité des 2,4 millions d’habitants. Selon l’entourage de la présidente Maia Sandu, la Russie « transforme la religion en arme » pour miner l’orientation pro-européenne du pays.
• Entre juin et octobre 2024, plusieurs centaines de clercs orthodoxes ont été invités à Moscou avec voyages, hébergements et dépenses pris en charge. Beaucoup ont reçu des cartes bancaires du prêteur public russe Promsvyazbank avec jusqu’à 1 200 dollars chacun — plus de deux fois le revenu mensuel moyen moldave —, en échange de campagnes en ligne contre l’intégration européenne.
• Depuis août 2024, 86 à 90 nouveaux canaux paroissiaux orthodoxes ont été créés, totalisant des milliers d’abonnés. Ces chaînes Telegram relaient massivement des contenus propagandistes dénonçant l’idéologie LGBT de l’Union européenne ou alertant sur le danger que représenterait l’intégration européenne pour « les enfants moldaves ». L’activité de ces relais partageant majoritairement du contenu pro-russe a triplé à l’approche des élections.

Le scrutin aura un impact majeur sur le parcours pro-européen du pays — qui a obtenu le statut de candidat en 2022 et a entamé les négociations d’adhésion le 14 décembre 2023 — mais aussi sur la sécurité de l’Ukraine. 

• Depuis le début de l’invasion, le pays de 2,3 millions d’habitants a accueilli un nombre record de réfugiés ukrainiens et a joué un rôle essentiel dans le soutien à Kiev, y compris pour la facilitation des exportations de céréales.  
• La présidente Maia Sandu a déclaré devant le Parlement européen à Strasbourg début septembre : « L’objectif du Kremlin est clair : s’emparer de la Moldavie par les urnes, nous utiliser contre l’Ukraine et faire de nous une rampe de lancement pour des attaques hybrides contre l’Union européenne […] C’est pourquoi cette élection est très importante. En la défendant, nous protégeons non seulement la Moldavie, mais aussi la sécurité et la stabilité régionales » ².

La fermeture des bureaux de vote est prévue à 21h, heure locale (20h à Paris), et les premiers résultats devraient être connus peu après. Les voix de la diaspora devraient être comptabilisées au fur et à mesure dans la nuit.