Le plan de partage de la Palestine adopté par l’ONU en novembre 1947 ouvrait la voie à la création d’un État palestinien internationalement reconnu. Il prévoyait une tripartition de la Palestine mandataire entre un État juif sur 56 % du territoire, un État arabe sur 42 % et une zone sous administration internationale sur les 2 % restants, autour de Jérusalem.
Malgré des désaccords entre dirigeants sionistes quant à l’attitude à adopter face à ce plan qui ne leur donnait pas pleinement satisfaction, David Ben Gourion proclama la naissance de l’État d’Israël à l’expiration du mandat britannique, le 14 mai 1948.
Pour marquer leur refus du principe même d’un partage de la Palestine et de la création d’un État juif en son sein, les Palestiniens s’abstinrent à l’époque de proclamer l’État arabe prévu par le plan onusien. Ils furent soutenus dans cette intransigeance par les États arabes voisins qui non seulement ne reconnurent pas le jeune État israélien, mais entrèrent immédiatement en guerre contre lui.
Il faut attendre quatre décennies et le déclenchement de la première Intifida en décembre 1987 pour que le 15 novembre 1988, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), lors d’une réunion de son Conseil national en exil à Alger, se décide à proclamer, par la voix de son leader Yasser Arafat, la création d’un État palestinien.
S’engage alors une longue bataille diplomatique pour obtenir la reconnaissance de cet État sur la scène internationale.
À partir de 1988, la première vague de reconnaissance
Dans les heures qui suivent la proclamation de l’État palestinien le 15 novembre 1988, quatorze pays le reconnaissent officiellement.
L’Algérie — depuis laquelle la naissance de l’État palestinien est proclamée par l’OLP — est la première à le faire.
Elle est suivie par le Bahreïn, l’Indonésie, l’Irak, le Koweït, la Libye, la Malaisie, le Maroc, la Mauritanie, la République arabe sahraouie démocratique (RASD) — elle-même non reconnue par la plupart de la communauté internationale —, la Somalie, la Tunisie, la Turquie et le Yémen. Des pays appartenant tous à l’Organisation de la coopération islamique.
Les jours et mois suivants, une soixantaine d’États reconnaissent à leur tour la Palestine, parmi lesquels l’Arabie saoudite et Cuba (dès le 16 novembre), l’Égypte, l’Inde et la RDA (le 18 novembre), l’URSS (le 19 novembre), la Chine populaire (le 20 novembre) ainsi que de nombreux pays d’Afrique subsaharienne (Angola, Togo, République démocratique du Congo, Zimbabwe, etc.). La reconnaissance de l’État palestinien est alors principalement le fait de pays non occidentaux, appartenant soit au bloc soviétique, soit au « Tiers monde » et se réclamant du non-alignement. Elle apparaît donc comme un marqueur d’indépendance voire d’hostilité à l’égard des États-Unis, principal allié d’Israël qui s’oppose fermement à une telle reconnaissance.
Au 1er janvier 1989, 78 pays avaient reconnu l’État palestinien.
Huit autres le firent durant l’année 1989 (Bénin, Éthiopie, Guinée équatoriale, Iran, Kenya, Philippines, Rwanda et Vanuatu).
Les années 1990 et 2000 : le plateau de la reconnaissance
En dépit de la signature des accords d’Oslo en septembre 1993, le processus de reconnaissance internationale de la Palestine ralentit fortement durant les années 1990.
Seuls douze nouveaux États, pour la plupart situés en Asie centrale, reconnaissent la Palestine durant cette période.
Exception de taille, l’Afrique du Sud se joint à cette liste en 1995. Cette décision tardive au regard du reste du continent africain s’explique par la longue persistance du régime d’apartheid, très hostile à la cause palestinienne. C’est l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela qui fait basculer la position sud-africaine en faveur de la reconnaissance de la Palestine.
Le rythme des reconnaissances internationales de la Palestine ralentit encore durant la décennie 2000 durant laquelle seuls sept nouveaux États reconnaissent l’État palestinien, au nombre desquels le Liban en 2008 et le Venezuela d’Hugo Chavez en 2009.
Une deuxième vague de reconnaissance dans les années 2010
Une nouvelle vague de reconnaissance internationale de la Palestine s’enclenche durant la décennie 2010.
Dans le sillage de la reconnaissance vénézuélienne de 2009, une large partie des pays latino-américains reconnaissent la Palestine — dans un geste inédit d’émancipation diplomatique à l’égard de Washington. L’Argentine, la Bolivie et l’Équateur franchissent ainsi le pas en 2010, suivis entre autres par le Chili, le Pérou, le Paraguay, l’Uruguay et le Brésil en 2011. Cette même année 2011, la Syrie est le dernier État moyen-oriental à reconnaître la Palestine, ce que le clan Assad, au pouvoir depuis 1971, s’était jusqu’alors refusé à faire par hostilité à l’OLP.
En 2014, la Suède devient le premier pays membre de l’Union européenne à reconnaître la Palestine. Les autres pays de l’Union européenne reconnaissant alors la Palestine — Chypre, Hongrie, Pologne, Tchéquie, Roumanie, Bulgarie et Slovaquie — avaient en effet pris cette décision bien avant leur entrée dans l’Union, du fait de leur appartenance au bloc soviétique (sauf pour Chypre). Plusieurs pays d’Europe centrale et orientale pionniers dans la reconnaissance de l’État palestinien sont aujourd’hui paradoxalement plutôt alignés sur les positions du gouvernement Netanyahou, notamment la Hongrie et la Tchéquie.
En 2015, le Vatican, État observateur non membre de l’ONU, reconnaît à son tour la Palestine.
Ces deux dernières années : une accélération
L’offensive sur Gaza orchestrée par Israël en réponse aux attaques terroristes du 7 octobre 2023, ainsi que la position du gouvernement Netanyahou sur la Cisjordanie a enclenché un nouveau cycle de reconnaissance internationale de l’État palestinien.
Alors qu’aucune nouvelle reconnaissance n’était intervenue depuis 2019, huit États ont franchi le pas durant la seule année 2024 : l’Arménie, les Bahamas, la Barbade, l’Espagne, l’Irlande, la Jamaïque, la Norvège et Trinidad et Tobago. Le Mexique en a fait de même en février 2025.
À la fin de la journée du lundi 22 septembre, 157 États membres de l’ONU devraient reconnaître l’État de Palestine, soit 81 % des membres des Nations unies, représentant 89 % de la population et 56 % du PIB mondial.
On compte parmi eux la quasi-totalité des pays latino-américains, africains et asiatiques.
S’ils sont numériquement minoritaires, les États ne reconnaissant pas la Palestine comptent toutefois dans leurs rangs des puissances politiques et économiques de premier ordre comme les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie ou le Japon.
Hier, dimanche 21 septembre, quatre pays (le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et le Portugal) ont annoncé reconnaître la Palestine. Ils devraient être suivis aujourd’hui par six autres États occidentaux : la France, la Belgique, le Luxembourg, Malte, Saint-Marin et Andorre.
À la fin de la journée, les États-Unis seront le dernier État membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU à ne pas reconnaître la Palestine.