« Il faut que l’ennemi sache que le peuple chinois ne peut être vaincu » : le PCC et le nouveau nationalisme conquérant sur TikTok et au cinéma

Mercredi 3 septembre, la Chine célébrera le 80e anniversaire de la fin de la Seconde guerre sino-japonaise et de la Seconde Guerre mondiale. À cette occasion, plus de 10 000 soldats défileront sur l’avenue Chang’an et la place Tian’anmen aux côtés de centaines d’appareils et de véhicules terrestres.

Au-delà des efforts déployés par le pouvoir chinois, sur les réseaux sociaux, de nombreux créateurs de contenu ont diffusé ces dernières semaines des vidéos de propagande exaltant la « Nouvelle Chine ».

• Dans plusieurs de ces vidéos, on peut voir des soldats chinois habillés en uniforme des années 1940 parler avec des combattants contemporains, armés de la tête aux pieds avec des équipements modernes.
• Après avoir fait savoir qu’il venait de la « Nouvelle Chine », celui-ci rassure son prédécesseur en lui assurant que, grâce à sa puissance militaire retrouvée, plus aucun pays n’ose « l’humilier » de nouveau.

• La période allant des années 1830 jusqu’à la fondation de la République populaire en 1949 est qualifiée de « siècle d’humiliation » en raison des interventions et occupations occidentales et japonaises successives.
• Bien que ce terme précis ne soit pas fréquemment utilisé en Chine, Xi Jinping avait employé lors de son discours de commémoration du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 2015, l’expression : « Siècle d’humiliation nationale » (百年国耻) ¹.

Rien ne permet d’indiquer si ces vidéos, générées par intelligence artificielle, sont créées ou non avec le soutien des autorités. Celles-ci ont néanmoins été partagées par les médias du régime ces dernières semaines, comme le Global Times et le People’s Daily ². Cette amplification a donné lieu à des milliers de publications sur Weibo par des internautes chinois utilisant des hashtags comme : « Les internautes utilisent l’IA pour dialoguer à travers le temps avec des martyrs révolutionnaires » (网友用AI与先烈跨时空对话).

Ces vidéos s’inscrivent dans une vague de popularité croissante des long-métrages véhiculant des messages nationalistes.

• Jusqu’à récemment, le cinéma patriotique chinois avait mauvaise presse. Celui-ci était réputé ennuyeux et, globalement, de faible qualité.
• The Founding of a Republic (建国大业), un film sorti en 2009 à l’occasion du 60e anniversaire de la fondation de la RPC, a été un tel échec que le très populaire site de critique en ligne Douban avait désactivé sa fonctionnalité de notation.
• Ces dernières années, les films de guerre produits en collaboration avec les départements de la propagande du PCC ont reçu des critiques globalement positives, comme La Brigade des 800 (八佰), sorti en 2020, ou bien La Bataille du lac Changjin (长津湖), l’année suivante.

Cette année, plusieurs films mettant en avant le courage du peuple chinois face à l’armée japonaise — comme L’île de Dongji (东极岛), diffusé en avant-première le 8 août — ou bien les atrocités commises par l’Unité japonaise 731 durant la guerre — au coeur du film 731 (七三一) du réalisateur émergent Zhao Linshan, dont la sortie en Chine est prévue le 18 septembre, date d’anniversaire de l’incident de Mukden — devraient connaître un important succès commercial lors de leur sortie en salle.

• La popularité du hashtag « Faire savoir au monde entier » (让全世界知道那段历史真相), une expression utilisée pour insister sur la nécessité de mettre la lumière sur des faits historiques oubliés dans le reste du monde, comme la participation de la Chine à la Seconde Guerre mondiale, s’inscrit dans un nouveau courant de nationalisme conquérant.
• Dans le cadre de son 14e plan quinquennal, Pékin s’était fixé un objectif de produire au moins 50 films par an générant plus de 100 millions de yuans (12 millions d’euros). Celui-ci pourrait être revu à la hausse dans le cadre du 15e plan (2026-2030), qui doit être approuvé à l’automne par le Comité central du PCC.
• Ne Zha 2, produit par des studios chinois, est devenu cette année le film d’animation le plus rentable de l’histoire avec des revenus atteignant 2,2 milliards de dollars. Celui-ci, actuellement toujours joué en salle dans certains pays, pourrait finir par dépasser Titanic au box-office.

Le gouvernement japonais aurait activement demandé à ses partenaires asiatiques et européens de ne pas participer au défilé de demain, accusé d’attiser un « sentiment anti-japonais » à travers de nombreuses réécritures historiques.