À la suite de la réunion à la Maison-Blanche qui a eu lieu hier, lundi 18 août, entre le président Zelensky, Donald Trump et six dirigeants européens ainsi que le secrétaire général de l’OTAN, le président américain a déclaré travailler à une prochaine rencontre bilatérale entre le président ukrainien et Poutine, qui serait suivie d’une rencontre trilatérale susceptible de mener à un accord de paix.
La rencontre d’hier s’est principalement concentrée sur les garanties de sécurité, avec peu de références aux concessions territoriales que Poutine présente comme inévitables.
Plusieurs points rappellent l’échec des efforts diplomatiques de 2022, qui ont immédiatement suivi l’invasion à grande échelle.
- Après une première série de rencontres entre négociateurs russes et ukrainiens à Homiel, au Bélarus, commencée le 28 février 2022, les négociations se sont poursuivies en Turquie. Elles ont pris fin en mai.
- Ces rencontres ont donné lieu à un document intitulé « Communiqué d’Istanbul ».
- Le premier draft date du 17 mars, un deuxième du 29 puis, une version ultérieure, intitulé « Traité sur la neutralité permanente et les garanties de sécurité pour l’Ukraine », du 15 avril.
- Plusieurs points abordés dans ces documents sont toujours d’actualité aujourd’hui et pourraient précisément représenter les obstacles substantiels qu’il faudra encore surmonter.
Selon différentes sources, Poutine aurait demandé en Alaska un retrait total de l’Ukraine de l’oblast de Donetsk (dont plus d’un cinquième est toujours sous le contrôle des forces de Kiev) et le gel du front sur ses lignes actuelles dans les régions de Kherson et Zaporijia. L’Ukraine récupérerait en retour les poches de territoires occupées par les forces russes dans le nord de la région de Soumy et dans le nord-est de la région de Kharkiv.
- Poutine aurait également demandé la reconnaissance du contrôle russe de la Crimée ainsi que la levée des sanctions.
- Les autres demandes pourraient concerner le statut de la langue russe et de l’Église orthodoxe.
En 2022, la Russie avait déjà demandé que l’Ukraine reconnaisse le contrôle russe de la Crimée, mais cette demande avait été exclue dans des versions ultérieures des documents. Au final, le statut du territoire devait être décidé sur une période de 10 à 15 ans dans l’une des versions finales du texte.
- La Russie demandait également que tous les pays signataires de l’accord lèvent les sanctions à son encontre, appliquées depuis 2014.
- De son côté, l’Ukraine était prête à devenir un État neutre et à renoncer à l’adhésion à l’OTAN.
- Des points de désaccord restaient sur l’adhésion à l’Union européenne — que la Russie avait acceptée dans un projet de texte ultérieur —, la taille des forces armées ukrainiennes — que la Russie voulait limiter à 100 000 hommes — et leur niveau de préparation : Moscou exigeait notamment de plafonner l’arsenal ukrainien à 147 mortiers et 10 hélicoptères de combat, ainsi que de restreindre la portée des missiles ukrainiens à 40 km.
Le point central des discussions aujourd’hui concerne les garanties de sécurité.
- Le président américain a déclaré après ses discussions avec les Européens : « Au cours de la rencontre, nous avons discuté des garanties de sécurité pour l’Ukraine, lesquelles seraient fournies par différents pays européens, en coordination avec les États-Unis ».
- Zelensky a déclaré que les garanties de sécurité constituaient « une question clef, un point de départ pour mettre fin à la guerre ».
- En Alaska, Poutine a déclaré : « Je partage l’avis du président Trump, qui l’a souligné aujourd’hui : la sécurité de l’Ukraine doit elle aussi être garantie. Cela ne fait aucun doute et nous sommes prêts à y travailler ».
- La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a clarifié lundi 18 août : « Nous réaffirmons notre position maintes fois exprimée concernant notre rejet catégorique de tout scénario prévoyant l’apparition en Ukraine d’un contingent militaire avec la participation de pays de l’OTAN » 1.
Dès le début des discussions en 2022, l’Ukraine a insisté sur les garanties de sécurité, une option que la Russie — comme aujourd’hui — n’a pas exclue.
- Le texte de 2022 mentionne plusieurs États comme garants potentiels : le Royaume-Uni, la Chine, la Russie, les États-Unis, la France, la Turquie, l’Allemagne, le Canada, l’Italie, la Pologne et Israël. Moscou aurait également proposé le Bélarus.
- La présence de la Russie sur la liste aurait dû servir de garantie aux pays occidentaux réticents à participer à tout dispositif qui aurait pu mener à une guerre contre Moscou. Comme l’explique Samuel Charap et Sergey Radchenko : « Si Moscou acceptait que toute nouvelle agression contre l’Ukraine entraînerait une guerre entre la Russie et les États-Unis, elle ne serait pas plus encline à attaquer à nouveau l’Ukraine qu’à attaquer un allié de l’OTAN » 2.
- La première version de l’article 5 stipulait : « Les États garants et l’Ukraine conviennent qu’en cas d’agression, de toute attaque armée contre l’Ukraine ou de toute opération militaire dirigée contre elle, chacun des États garants, après des consultations urgentes et immédiates entre eux, apportera son assistance à l’Ukraine, en tant qu’État neutre permanent victime d’une attaque. »
- Cependant, dans la version du 15 avril envoyée par la partie russe, ce paragraphe avait été modifié. La Russie y avait ajouté la nécessité d’une décision à l’unanimité des États garants concernant l’envoi d’une aide à l’Ukraine en cas d’agression, ce qui lui donnait donc un droit de veto sur ces garanties.
La nature exacte des garanties de sécurité actuellement en discussion reste vague et les discussions techniques devraient commencer dès aujourd’hui, avec Marco Rubio qui sera chargé du suivi du côté américain.
- Depuis février 2025, les Européens travailleraient à un cadre qui inclurait trois niveaux différents de défense : une armée ukrainienne forte, capable de se défendre, une force d’assurance européenne qui pourrait être stationnée en Ukraine ou à la frontière, et les États-Unis garantissant l’ensemble de l’architecture.
- Contrairement à 2022, la volonté des occidentaux à garantir la sécurité de l’Ukraine semble une évolution, mais il n’est pas clair comment la Russie, au vu de ses demandes maximalistes et de ses récentes déclarations, pourrait accepter un tel arrangement.
- Comme le remarque Olivier Schmitt, en effet : « L’historique des pratiques diplomatiques russes suggère une longue habitude de se camoufler derrière un juridisme formel que l’on est prêt à piétiner à la première occasion favorable. »
Le risque pour l’Ukraine est de se voir sommé d’accepter des garanties de sécurité inconséquentes ou de les refuser, ce qui reviendrait à endosser le narratif russe : face à l’effort de paix des États-Unis (et de la Russie), Zelensky deviendrait ainsi le responsable de l’échec des négociations.
Sources
- Publication sur Telegram, 18 août 2025.
- Samuel Charap et Sergey Radchenko, « The Talks That Could Have Ended the War in Ukraine », Foreign Affairs, 16 avril 2024.