Hier, mardi 22 juillet, le Parlement ukrainien a voté avec une majorité de 263 voix une nouvelle loi plaçant sous le contrôle direct du bureau du procureur général — Ruslan Kravchenko, nommé en juin, qui est perçu en Ukraine comme un fidèle allié du président — deux agences chargées de la lutte anti-corruption : le Bureau national anticorruption (NABU) et le Parquet spécial anticorruption (SAPO).
Hautement controversée, la loi 12414 a été ratifiée par Volodymyr Zelensky dans la soirée.
- Perçue comme une tentative de saper les réformes anti-corruption les plus importantes passées en Ukraine au cours de la dernière décennie, la signature rapide de la loi a provoqué d’importantes manifestations à travers le pays : à Kiev, Lviv, Odessa mais également Dnipro.
- En réponse à cette levée de boucliers, le président Zelensky a déclaré que « l’infrastructure anti-corruption continuera à fonctionner, mais seulement sans l’influence russe, dont elle doit être débarrassée » 1.
- Dans les rues des grandes villes du pays, des milliers de citoyens et de militants anti-corruption ont appelé mardi soir le président à apposer son veto, craignant que la législation ne bloque l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne.
Au début du mois, le gouvernement avait bloqué la nomination d’Oleksandr Tsyvinsky, un enquêteur connu pour avoir dénoncé des stratagèmes impliquant des saisies illégales de terres à Kiev, à la tête du Bureau de la sécurité économique, une agence créée en 2021 pour enquêter sur les crimes économiques. Lundi 21, des agents du Service de sécurité (SBU) menaient des perquisitions dans les bureaux du NABU et du SAPO 2.
Pour le gouvernement ukrainien, cette nouvelle loi devrait permettre d’éliminer la présence d’individus soupçonnés de travailler au sein de ces agences pour les intérêts russes. Elle pourrait toutefois fragiliser le futur de ses relations avec l’Union.
- Peu après le vote à la Rada, la commissaire européenne à l’Élargissement, Marta Kos, s’est entretenue par téléphone avec la nouvelle Première ministre ukrainienne Yulia Svyrydenko, nommée le 17 juillet.
- Durant l’appel, la commissaire a exprimé « de sérieuses inquiétudes concernant les derniers développements sur l’État de droit » dans le pays, un critère fondamental pour l’adhésion à l’Union 3.
- Cette nouvelle loi complique les liens entre le gouvernement ukrainien et la Commission, chargée de veiller au respect de la procédure d’adhésion de l’Ukraine.
- Depuis plusieurs années, le président serbe Vučić critique un « double standard » de la Commission et une application différente des règles encadrant l’adhésion vis-à-vis de Belgrade et de Kiev.
- Les négociations d’adhésion entre l’Union et la Serbie ont débuté en janvier 2014. L’Ukraine s’est quant à elle vu accorder le statut de pays candidat à l’adhésion en juin 2022.
Cette nouvelle loi pourrait également placer Volodymyr Zelensky dans une position difficile en Ukraine. Si le président demeure populaire, la population ukrainienne est profondément attachée à la lutte anti-corruption et à ses institutions mises en place après la révolution de Maïdan : en 2024, près de 80 % plaçaient la corruption comme le deuxième « principal problème en Ukraine », derrière l’agression militaire russe 4.
Sources
- Антикорупційна інфраструктура працюватиме, тільки без російських впливів – від цього треба очистити – звернення Президента, Présidence d’Ukraine, 23 juillet 2025.
- СБУ та ОГП викрили чинного народного депутата України у роботі на рф : він мав значний вплив на діяльність НАБУ (відео), Слу́жба безпе́ки Украї́ни, 21 juillet 2025.
- Publication sur X de Marta Kos, 22 juillet 2025.
- Ірина Перепечко, « Опитування : Майже 70 % українців вважають, що в Україні зріс рівень корупції — з 2023 року цей показник збільшився », Babel, 25 mars 2025.