L’administration Trump peut-elle réduire sa dépendance en métaux critiques vis-à-vis de Pékin ?

Les terres rares sont des métaux utilisés, entre autres, dans la production de composants pour véhicules électriques, d’éoliennes, de smartphones mais également de scanners ou de lasers chirurgicaux. Plus important encore, ils jouent, aux côtés d’autres métaux critiques, un rôle crucial dans les chaînes de production de l’industrie de la défense : des avions de chasse jusqu’aux missiles de croisière.

• Le complexe militaro-industriel américain est particulièrement vulnérable face à la domination chinoise des chaînes de valeur : un F-35 compte en moyenne 400 kg de terres rares, et un sous-marin nucléaire de classe Virginie 4,2 tonnes ¹.
• En décembre, Pékin a interdit l’exportation vers les États-Unis de trois métaux critiques — gallium, le germanium et l’antimoine —, avant d’imposer début avril des restrictions à l’exportation sur sept terres rares (samarium, gadolinium, terbium, dysprosium, lutétium, scandium et yttrium).
• Les données douanières montrent toutefois que les entreprises américaines n’ont pas été impactées par ces interdictions, mais ont continué d’importer d’importantes quantités d’antimoine chinoise en faisant transiter le métal par des pays tiers, comme le Mexique et la Thaïlande ².

Afin de continuer à importer de l’antimoine aux États-Unis, les entreprises américaines ont eu recours à des pratiques de transbordement. Une fois un contact établi avec des agents en Chine, des compagnies maritimes exportent les métaux sous de fausses étiquettes vers l’étranger, avant de les réexporter vers les États-Unis afin d’échapper aux contrôles des autorités chinoises. 

Si cette pratique permet aux industriels américains d’obtenir un sursis, ils demeurent néanmoins très exposés aux décisions de Pékin.

• Les États-Unis disposent de certaines réserves de métaux stratégiques. Depuis les années 1950, la mine californienne de Mountain Pass exploite ainsi l’un des plus grands gisements au monde : 1,5 million de tonnes de terres rares oxydées exploitables ³.
• Jeudi 10 juillet, le département de la Défense a acheté pour 400 millions de dollars d’actions privilégiées de MP Materials, qui exploite la mine de Mountain Pass, devenant ainsi son principal investisseur.
• Le Pentagone s’est également engagé à garantir que 100 % des aimants produits dans la nouvelle usine de MP Materials, baptisée « 10X », seront achetés par des clients du secteur de la défense et du secteur commercial américain ⁴.
• Quelques jours plus tard, Apple a annoncé s’engager à acheter pour 500 millions de dollars d’aimants en terres rares fabriqués au Texas, dans l’usine de MP Materials de Fort Worth, à partir de matériaux recyclés ⁵.

Au-delà du seul minage, Pékin exerce un quasi-monopole dans le raffinage, la fabrication d’aimants ainsi que dans le traitement des déchets toxiques issus de l’extraction des terres rares. Le gouvernement chinois a également commencé à dresser une liste de ses scientifiques spécialistes des terres rares afin de limiter leur possibilité de travailler pour des entreprises étrangères ⁶.

• En 2024, le département de la Défense américain s’était fixé pour objectif de développer une chaîne d’approvisionnement complète en terres rares — « de la mine à l’aimant » — capable de répondre aux besoins de la défense américaine d’ici 2027.
• Si MP Materials devrait être en mesure d’ici la fin de l’année de produire 1 000 tonnes d’aimants au néodyme-bore-fer (NdFeB), cette quantité est bien inférieure aux 140 000 tonnes produites chaque année par la Chine. 
• La mise sur le marché d’un excédent de terres rares chinoises en 2022 a fait chuter les prix des métaux, réduisant l’intérêt des investisseurs et faisant baisser le cours de l’action MP Materials.
• Les prix ont toutefois commencé à bondir suite à l’imposition de restrictions à l’exportation par Pékin en avril, mesures qui ont depuis été assouplies ⁷.