Surgi des profondeurs insondables du web, le courant néoréactionnaire s’est imposé sur la scène mondiale dans le sillage de la victoire de Donald Trump face à Hillary Clinton en 2016. Longtemps souterraine, la néoréaction est devenue une présence incontournable du débat politique qui entoure la nouvelle administration Trump, entrée en fonction en janvier 2025.

Hétérogène, contradictoire, souvent élaboré dans des blogs ou des memes, ce courant est difficile à saisir.

Nous avons voulu réaliser un catalogue qui est moins un dictionnaire encyclopédique qu’une tentative de cartographie.

Cet atlas présente une série de figures — seulement des hommes il est vrai : le mouvement néoréactionnaire croise la mouvance masculiniste — qui infusent et influencent, de manière directe ou indirecte, de la « pensée NRx ».

Il est divisé en trois corpus :

  1. Le corpus principal est constitué de trois auteurs centraux ;
  2. Le corpus secondaire d’auteurs néoréactionnaires de seconde zone ;
  3. Enfin, dans des corpus connexes ou indirects, on désigne des auteurs qui, bien qu’ils ne soient pas eux-mêmes néo-réactionnaires — et parfois même sans avoir pleine connaissance de ce courant — sont néanmoins liés au développement de la néoréaction, en raison d’un texte ou d’un aspect particulier de leur pensée. Pour chaque auteur, on indiquera s’il relève de manière directe et totale du courant néoréactionnaire ou bien s’il s’agit d’une influence indirecte.

Une précision s’impose enfin : cet Atlas ne peut pas être exhaustif.

Son objectif est de s’adresser à ceux qui connaissent peu ce monde et d’offrir une boussole en établissant un critère directeur dans l’élaboration d’une pensée qui émerge des souterrains numériques pour se solidifier en une vision institutionnelle. Les auteurs cités ici ont exercé une influence politique et culturelle réelle et concrète sur le monde, la société, et, surtout, sur les formes institutionnelles émergentes qui, dans ce moment historique, sont en train de transformer le pouvoir à Washington.

Dans cet univers magmatique, nous connaissons tous quelque obscur et impénétrable blogueur suivi par douze abonnés, que nous estimerions absolument indispensable à la définition du canon NRx — si toutefois une référence vraiment centrale nous aurait échappée, vous pouvez nous écrire à contact[at]legrandcontinent.eu

Corpus principal

Curtis Yarvin. Le prophète des Lumières noires

Curtis Yarvin

Curtis Yarvin est la figure la plus connue et désormais la plus visible du courant néoréactionnaire.

Au prix d’une certaine approximation, on pourrait même le considérer comme son fondateur. Entrepreneur, il est le créateur de Tlon, société financée par Peter Thiel dont l’objectif est de ressusciter une architecture décentralisée d’Internet, à travers le projet Urbit.

Sous le pseudonyme de Mencius Moldbug, Yarvin a publié pendant des années le blog Unqualified Reservations, véritable creuset où se sont formés, sédimentés, puis cristallisés les concepts fondamentaux de la néoréaction.

Au moment de l’investiture de Trump en janvier 2025, il est cité comme étant l’une des influences intellectuelles majeures de la nouvelle administration. Après avoir longtemps été cantonné aux marges d’Internet, sa notoriété explose lorsqu’il est interviewé dans les pages du New York Times.

Yarvin présente sa pensée comme un formalisme ou un néocaméralisme. Ce libertarianisme revisité conjugue le réalisme politique à l’esthétique provocatrice issue de la culture meme.

Pour lui, la démocratie représentative, inefficace et molle, devrait être dépassée par un agencement institutionnel nouveau : un gouvernement conçu comme l’émanation logique et fonctionnelle d’un conseil d’administration, dirigé par une figure de Roi-PDG.

On lui doit d’avoir introduit dans le débat politique et popularisé le terme de red pill, bien que le terme n’ait pas originellement la signification masculiniste qui lui est désormais associée.

Les réflexions de Yarvin relèvent d’une « bloguisation » de la pensée politique — une réduction en formules brèves, polémiques, et facilement partageables d’idées autrement plus complexes — particulièrement bien adaptées aux stratégies de mobilisation virale et de disruption qui contribuèrent à la victoire de Trump en 2016.

Sources

Curtis Yarvin, Gray Mirror  : Fascicle I – Disturbance, Passage Press, 2025.

Unqualified Reservations, archives rassemblées, Passage Press.

Entretien avec le New York Times (extraits)

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Grand entretien avec le Grand Continent (partie 1)

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Grand entretien avec le Grand Continent (partie 2)

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Grand entretien avec le Grand Continent (partie 3)

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Archives vidéo

Based Deleuze (Justin Murphy), discussion sur l’Empire américain et la figure d’Auguste (Youtube)

Discussion autour de The Gray Mirror of the Nihilist Prince, podcast introductif au nouveau régime américain (Youtube)

Entretien avec Tucker Carlson (Youtube)

Nick Land. Le préfigurateur accélérationniste

Nick Land

Fondateur de l’accélérationnisme et figure parmi les plus controversées de la culture numérique, Nick Land est le seul philosophe à avoir tenté de donner une systématisation cohérente à la pensée néoréactionnaire à travers sa théorie des « Lumières noires ».

Son essai The Dark Enlightenment en constitue l’expression la plus aboutie.

On y trouve une architecture conceptuelle qui articule la pensée de Curtis Yarvin, celle de Peter Thiel, le paléo-libertarianisme de Hans-Hermann Hoppe (voir infra), ainsi que ses propres intuitions philosophiques.

Il n’est pas étonnant de voir Marc Andreessen citer Land parmi ses influences dans son Manifeste techno-optimiste (2023), lorsqu’il décrit la « machine du techno-capital » comme un moteur conscient et auto-accéléré de formation culturelle et productive — sans doute l’exemple le plus tangible d’une influence directe de Land sur les structures du pouvoir, au regard du rôle joué par Andreessen dans la nouvelle administration.

Dans The Dark Enlightenment, on retrouve les thèmes les plus extrêmes de la néoréaction : le rejet radical de la démocratie, l’appel à accélérer les dynamiques du technocapitalisme, le remplacement des États par des entités pensées sur le mode des entreprises privées — souvent appelés ordres néocaméraux —, une fascination pour la culture numérique, pour les prophéties auto-réalisatrices du chaos — les hyperstitions dans le langage de Land : des idées qui finissent par devenir vraies parce qu’on y croit —, et une réflexion radicale sur l’eugénisme et les déterminismes culturels.

Il est difficile de tracer une frontière nette entre le Land « accélérationniste » — référence intellectuelle de penseurs comme Mark Fisher, Kodwo Eshun ou Ray Brassier — et le Land néo-réactionnaire tant son geste conceptuel reste tendu, d’un seul tenant, vers la dissolution du réel.

Il s’inscrit explicitement dans le sillage de figures tutélaires comme Nietzsche, Bataille, Lyotard, Deleuze et Guattari. Le mouvement qu’il essaye de définir s’ancre dans un abîme psychique où hyperstitions, anarcho-monarchisme, autoritarisme techno-féodal, Chine, eugénisme, évolution numérique et biomécanique concourent à désagréger la souveraineté et à déconstruire les formes mêmes du politique.

Sources

The Dark Enlightenment, 2012

Xenosystems, Passage Press

Fanged Noumena. Collected Writings 1987-2007, Sequence, 2011

Archives vidéo

Entretien vidéo avec Nick Land (YouTube)

« Accélérationnisme et capital » (YouTube)

Entretiens écrits

— Entretien de Delphi Carstens avec Nick Land, « Introduction à l’hyperstition », Orphan Drift Archive, 2009.

— Entretien de Marko Bauer et Andrej Tomažin avec Nick Land, « L’unique chose que j’imposerais serait la fragmentation », revue Šum, 25 juin 2017.

Bronze Age Pervert (Costin Vlad Alamariu). L’étudiant roumain devenu icône réactionnaire

Costin Vlad Alamariu

Avant que son identité ne soit révélée en 2023, Costin Vlad Alamariu n’était qu’un étudiant en théorie politique à Columbia. Nourri de la culture internet, c’est aussi un lecteur de Friedrich Nietzsche, Carl Schmitt et Leo Strauss.

Sous le pseudonyme de Bronze Age Pervert — souvent abrégé en B.A.P. — il a développé un corpus substantiel de réflexions mêlant un nietzschéisme cybernétique, un darwinisme social aussi brutal que son anti-darwinisme est virulent sur la théorie de l’évolution —, une théorie politique héritée de Leo Strauss, une lecture techno-eugéniste de Platon, des références à la manosphère et à la culture du culturisme, fusionnées avec la rhétorique de la red pill — jusqu’à s’approcher parfois des théories incel.

Régulièrement banni de Twitter, son compte a été stablement rétabli après le rachat de la plateforme par Elon Musk.

Se présentant lui-même comme « la véritable droite de Twitter », Alamariu est devenu célèbre pour avoir été l’un des premiers à conceptualiser et à diffuser des memes « post-ironiques » agressifs — des images apparemment absurdes ou humoristiques, mais qui portent un message politique net, dissimulé derrière le masque de l’ironie.

Ses textes ont circulé jusqu’à la Maison-Blanche, notamment parmi les jeunes collaborateurs de la première administration Trump. L’actuel directeur de la planification politique des États-Unis Michael Anton a même écrit en 2019 une recension de Bronze Age Mindset et ses idées ont été débattues et discutées au Claremont Institute, l’un des think tanks conservateurs américains les plus influents.
Il ne fait aucun doute que Bronze Age Pervert incarne un point nodal entre le néo-monarchisme, le néo-tribalisme réactionnaire, la culture du gaming, l’univers des memes et la sphère incel. Il anime désormais le podcast Caribbean Rhythms.

Sources

Bronze Age Pervert, Bronze Age Mindset

Costin Alamariu, Selective Breeding and the Birth of Philosophy, 2023

Archives vidéo

Interview audio (YouTube)

Corpus secondaire

Anomaly UK. Le blogueur critique

Il ne fait guère de doute que le blog Anomaly UK a longtemps constitué l’un des centres de gravité du projet néoréactionnaire et une tentative cohérente de consolidation politico-identitaire d’un mouvement souvent éclaté, fragmenté et peu structuré.

Ce blog se distingue par une profondeur géopolitique rare dans cet univers, ainsi que par une attention marquée à la construction d’une autoconscience politique et culturelle — là où d’autres sites se limitent à la polémique ou à la spéculation isolée.

Contrairement à la plupart des figures de la néoréaction, Anomaly UK a cultivé une perspective résolument eurocentrée, aux accents presque kojéviens, comme en témoigne l’un de ses tout premiers textes, consacré à l’Europe envisagée comme superpuissance. Initialement publié en 2004, il a été réédité en mars 2025 tant il apparaît aujourd’hui prophétique à son auteur dans sa défense de l’accélération technologique européenne comme condition du réarmement stratégique.

Anomaly UK incarne ainsi une tentative de conjonction entre sphère européenne et pensée néo-réactionnaire nord-américaine, en opposition nette au globalisme, à l’islam, à l’immigration de masse, à la faiblesse culturelle et au pacifisme.

En 2013, son auteur publie une introduction à la néoréaction, texte incisif qui n’épargne pas Curtis Yarvin ni Nick Land, accusés tous deux d’un excès de verbosité et d’obscurité conceptuelle.

On y trouve également des références à Scott Alexander, auteur d’une vaste « Anti-Reactionary FAQ » : un document critique majeur, qui constitue en négatif une ressource précieuse pour saisir les principales théories, inflexions doctrinales et contradictions internes à la mouvance NRx.

À ce titre, l’Introduction d’Anomaly UK peut être lue elle-même comme une synthèse utile de l’univers néo-réactionnaire : une sorte de sous-atlas thématique qui permet d’approfondir ou d’explorer certains des axes centraux de ce courant.

Sources

Anomaly UK, Introduction à la néo-réaction, 2013.

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Anomaly UK, L’Europe comme superpuissance, 2004 / réédition 2025.

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Scott Alexander, Anti-Reactionary FAQ, 20 octobre 2013.

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Michael Anissimov. Le technologue transhumaniste

Michael Anissimov

À l’instar de Curtis Yarvin, Michael Anissimov est un informaticien issu de la sphère technologique, passé à la théorie politique.

Théoricien transhumaniste, futurologue et l’un des cerveaux derrière le Singularity Institute — lui aussi cofinancé par Peter Thiel — Anissimov appartient à la première génération du mouvement néo-réactionnaire, notamment à travers son blog intitulé More Right.

Auteur de deux ouvrages, conçus comme des introductions conceptuelles au mouvement NRx, il a vu son audience s’éroder progressivement à partir de 2015, jusqu’à quasiment disparaître des radars.
Il demeure pourtant, sans conteste, l’un des noms clefs du courant, notamment pour sa critique transhumaniste de la démocratie représentative. Anissimov défend l’idée que le gouvernement devrait évoluer vers une structure analogue à celle d’une start-up numérique, afin de surmonter — grâce à l’intelligence artificielle — les coûts de transaction sociale et politique que les systèmes démocratiques rendent structurellement inévitables et inefficaces.

Sources

A Critique of Democracy  : A Guide for Neoreactionaries, 2015.

Spandrell. L’anti-bioléniniste

Spandrell est l’auteur du blog Bloody Shovel, qu’il a lancé en 2011 et qui s’est progressivement imposé comme une référence au sein des réseaux néoréactionnaires.

Il se présente lui-même comme un « homme européen vivant en Asie et bloguant à propos du passé et du futur de la civilisation ».

Il est particulièrement connu  pour avoir théorisé le concept de bioléninisme — ou bioleninism —, une critique du progressisme fondée sur des prémisses biologiques. L’idée est que les systèmes occidentaux contemporains s’appuient et favorisent le développement des groupes biologiquement inférieurs, de même que le léninisme s’appuyait sur les classes sociales inférieures. 

Spandrell revendique l’influence de Curtis Yarvin, bien qu’il s’en distingue par une certaine distance critique, notamment à l’égard du modèle politique que Yarvin promeut : là où ce dernier appelle à une forme de monarchie technocratique et centralisée, Spandrell se montre souvent plus sceptique et pessimiste quant à l’avenir de l’Occident.

Sources

Spandrell, A Post-Mortem on Neoreaction, 2024.

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Spandrell, Biological Leninism ou Bioleninism, 2017-2018.

«  Conflict  », 2013

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«  Optimizing for truth  », 2013

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Bloody Shovel, 1 (2011-2015)

Bloody Shovel 2 (2015-2022)

Charles Haywood. Le fondationnaliste techno-médiéval

Charles Haywood

Homme d’affaires, ancien avocat, diplômé de l’Université de Chicago — l’une des alma mater préférées, avec Stanford, de la « PayPal Mafia » —, Charles Haywood est également start-upper et théoricien politique.

Il est le fondateur de la doctrine connue sous le nom de foundationalism, qui a attiré l’attention inquiète d’une partie du monde académique.

Le foundationalism est une forme de techno-médiévisme qu’Haywood qualifie lui-même de future past : une hybridation entre utopie technologique et formes sociales traditionnelles, croisant ordres chevaleresques médiévaux et guildes marchandes, adaptés à l’ère numérique.

Ses sources d’inspiration principales vont de Thomas Paine à Carl Schmitt, d’Ernst Jünger à Patrick Deneen (voir infra), de Robert Heinlein à Jordan Peterson, sans oublier certains penseurs communautariens et économistes progressistes comme Mariana Mazzucato.

La forme ultime de sa pensée politique vise l’établissement d’un ordre post-démocratique, d’inspiration chrétienne et confessionnelle, techno-optimiste, teinté d’isolationnisme et de nationalisme, en opposition frontale au globalisme honni.

Sources

The Foundationalist Manifesto  : The Politics of Future Past, 2021.

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Zero HP Lovecraft. Le mage du bizarre

Zero HP Lovecraft est un auteur de science-fiction. À partir de la fin des années 2010, il publie sur son blog personnel des nouvelles d’inspiration  cyberpunk, explorant la mutation technologique, l’intelligence artificielle, les transhumanisme et plus largement les conséquences sociales de l’innovation technologique.

Dans un style spéculatif et souvent ironique, il livre une critique de la modernité et du progressisme contemporain, lui valant une audience fidèle au sein des milieux néoréactionnaires.

Zero HP Lovecraft se revendique ouvertement néoréactionnaire et manifeste souvent son intérêt pour l’accélérationnisme. Se plaçant dans le sillage des écrits de Nick Land, il démontre qu’il existe un lien fort entre néoréaction et science-fiction.

Sources

The Gig Economy, 26 octobre 2022.

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God Shaped Hole, 22 octobre 2018.

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Don’t Make Me Think, 5 novembre 2022.

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Corpus connexe : influences et confluences

Libertarianisme

Hans-Hermann Hoppe. L’élève de Rothbard et Habermas devenu théoricien du miléisme

Hans-Hermann Hoppe

Hans-Hermann Hoppe est aujourd’hui le théoricien vivant le plus influent de l’anarcho-capitalisme, dans sa variante paléo-libertarienne.

Élève et proche collaborateur de Murray N. Rothbard — dont il reprit la chaire d’économie à l’université du Nevada après son décès —, Hoppe s’est d’abord formé en Allemagne, où il soutint un doctorat sous la direction de Jürgen Habermas.

Il s’est fait connaître à la fois par le tranchant provocateur de son style, qui lui a valu la sympathie d’une partie de l’alt-right et des trolls de forums numériques, et par sa critique aussi féroce que méthodiquement articulée de la démocratie représentative.

Son ouvrage le plus cité dans la sphère NRx reste sans conteste Democracy : the God that Failed (2001), qui réunit et prolonge une série d’interventions données au Mises Institute, à Auburn (Alabama). Ce livre a exercé une influence considérable, tant dans les milieux de l’alt-right que dans l’écosystème néo-réactionnaire — même si son contenu a souvent été transformé, simplifié ou détourné sous forme de memes.

Parmi les points centraux de son travail, on peut relever : une critique de la démocratie fondée sur des critères d’efficience économique — thème cher aux start-uppers de la Silicon Valley comme aux néo-réactionnaires —, une comparaison synoptique entre démocratie représentative et monarchie absolue — cette dernière offrant, selon lui, de meilleures garanties en matière de protection de la propriété privée et de rapidité décisionnelle —, une défense d’un modèle institutionnel radicalement polycentrique culminant dans une théorie du super-particularisme et de la sécession individuelle, dans le prolongement des intuitions de Ludwig von Mises. Il s’oppose frontalement à la culture progressiste et affirme la nécessité d’un socle de valeurs d’inspiration conservatrice.

Hoppe n’est pas à proprement parler un néo-monarchiste : sa défense de la monarchie repose sur une démonstration d’efficience construite selon la méthode a priori de l’école autrichienne. Ses positions les plus controversées — comme celle du « removal », ou éviction physique, c’est-à-dire l’exclusion d’éléments jugés indésirables au sein d’un ordre social entièrement privatisé — ont nourri son image sulfureuse.

Sa proximité intellectuelle avec Peter Thiel, qui fut invité à une conférence de son cercle en Turquie — à laquelle il renonça finalement — a encore renforcé son statut de référence parmi les néo-réactionnaires et les trolls radicaux.

Il ne fait aucun doute qu’il demeure une lecture incontournable du corpus même s’il n’est pas, au sens strict, un penseur de la mouvance NRx. Ces dernières années, Hoppe a toutefois entamé un rapprochement significatif avec les traditions plus classiques de la réaction, comme en témoignent ses travaux récents sur Karl Ludwig von Haller.

Sources

Democracy  : the God that Failed, 2001.

Interventions et conférences

Réflexions d’un vétéran du libertarianisme réactionnaire

Comprendre le libertarianisme

Sur la théorie du « removal » et les memes

Fragments post-libéraux

Aucun des penseurs mentionnés dans cette section n’a de lien direct avec la néoréaction.

Toutefois, chacun d’eux a formulé des idées ou des visions qui ont été, parfois de manière instrumentale, reprises ou recyclées par des figures néo-réactionnaires. En particulier : les liens entre facteur religieux, conflictualité politique et symbolique du pouvoir souverain, ainsi qu’une critique souvent radicale de la démocratie représentative et du libéralisme.

Rod Dreher

Journaliste américain, ancien collaborateur du Wall Street Journal et aujourd’hui éditorialiste à The American Conservative, Rod Dreher est notamment l’auteur de The Benedict Option, l’une des expressions les plus singulières de la stratégie dite de la « voie de sortie » (exit) — thème majeur de la pensée néo-réactionnaire, comme l’a souligné Curtis Yarvin et dont parle longuement Nick Land.
Chez Dreher, cette sortie prend la forme d’un christianisme à réformer et à préserver face aux corrosions de la modernité, pour résister à la dégénérescence du progressisme.

Sources

The Benedict Option, 2017.

Interventions vidéo

The Benedict Option (YouTube)

The Benedict Option and the Future of the West (YouTube)

Patrick J. Deneen

Patrick J. Deneen

Professeur de théorie politique à l’université de Notre Dame, Deneen est devenu l’un des critiques les plus aigus et articulés des effets de fragmentation sociale et politique engendrés, selon lui, par le libéralisme au cœur de la civilisation occidentale.

Dans Why Liberalism Failed (2018) et Regime Change : Toward a Postliberal Future (2023), il élabore une vision post-libérale nourrie de références chrétiennes et communautariennes, centrée sur la notion de bien commun.

Son premier livre a eu une diffusion considérable : Barack Obama l’a recommandé — tout en en contestant la thèse — comme un ouvrage qui ne peut laisser indifférent. 

J. D. Vance revendique Deneen comme une influence centrale.

Sources

Why Liberalism Failed

Adrian Vermeule

Adrian Vermeule

Professeur de droit constitutionnel à Harvard, Vermeule est le promoteur d’une doctrine institutionnelle inspirée du christianisme patristique, connue sous le nom de Common Good Constitutionalism.

Il y défend l’idée que les constitutions et la science du droit doivent viser le bien commun plutôt qu’une liberté abstraite et autoréférentielle. Ce modèle oppose frontalement l’idée de neutralité libérale et plaide pour une orientation morale du pouvoir.

Sources

«  A Principle of Immigration Priority  », Mirror of Justice, 20 juillet 2019.

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Entretien à paraître dans le Grand Continent

Les techbros : Peter Thiel et Marc Andreessen

Le développement de la néoréaction s’appuie sur le soutien de grands entrepreneurs de la tech

Ces derniers ne se contentent pas de financer les projets des néoréactionnaires : ils ont l’ambition de devenir eux-mêmes des théoriciens. Si la figure principale est indéniablement Peter Thiel, il faut aussi noter l’influence de Marc Andreessen.

Peter Thiel

Peter Thiel

Peter Thiel est un entrepreneur et investisseur américain. Cofondateur de PayPal, c’est une figure emblématique de la Silicon Valley. Dès les années 2000, Thiel s’est distingué par ses positions libertariennes et ses critiques à l’égard des institutions démocratiques traditionnelles — déclarant notamment en 2009 que la liberté et la démocratie n’étaient plus compatibles.

Thiel est allé jusqu’à défendre la création de cités-États autonomes, en finançant de véritables projets comme les « seasteads » (à travers le Seasteading Institute).

Il s’est finalement rapproché du courant néoréactionnaire, et en particulier de Curtis Yarvin, dont il a financé la start-up Tlon — qui organise le développement d’Urbit. Il a ensuite été l’un des rares entrepreneurs californiens à soutenir Donald Trump en 2016, avant d’être l’un des éléments moteurs dans l’ascension politique de J. D. Vance.

Sources

Peter Thiel, The Straussian Moment, 2007. 

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Peter Thiel et la fin des temps (première partie)

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Peter Thiel  : «  l’Antéchrist est un système  » (deuxième partie)

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Apocalypse zombie  : la leçon de ténèbres de Peter Thiel

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Le transhumanisme selon Peter Thiel  : l’IA, Mars, la géopolitique

Le transhumanisme selon Peter Thiel  : l’IA, Mars, la géopolitique

Marc Andreessen

Marc Andreessen est un entrepreneur et investisseur américain, connu pour avoir créé Mosaic et Netscape.

Figure centrale de l’innovation, il incarne aussi une vision radicalement optimiste du progrès technologique. Après avoir été longtemps affilié au parti démocrate, Andreessen a contribué au financement de  la seconde campagne de Trump. D’abord techno-libertarien, ses positions se rapprochent aujourd’hui de la néoréaction, notamment à travers une critique radicale des institutions démocratiques comme étant incompatibles avec l’innovation technologique. Dans son Manifeste du techno-optimisme de 2023, il défend une vision élitiste, prométhéenne et post-humaniste du futur, rejetant les freins éthiques ou politiques au progrès.

L’une des références majeures de ce texte aux relents nietzschéens est Nick Land, qu’Andreessen considère comme l’un de ses « saints patrons ».

Jack Donovan. Le sataniste masculiniste

Jack Donovan

Figure provocatrice, énigmatique, autoproclamée barbare, Jack Donovan peut être considéré comme l’un des précurseurs philosophiques de Bronze Age Pervert.

Initiateur de la Manosphere et de la Male Supremacy, il est l’auteur de la théorie de l’Androphilie — selon laquelle l’homosexualité masculine serait une voie initiatique à opposer à la dévirilisation de l’Occident, à la rhétorique des droits LGBT et aux théories du genre.

Son rejet explicite des femmes et du féminisme l’a rendu influent chez les incel et dans certains cercles néo-réactionnaires.

Ancien membre de l’Église de Satan fondée par Anton LaVey, néopaïen revendiqué, Donovan développe dans ses livres — comme The Way of Men ou Becoming a Barbarian — une mystique viriliste inspirée des Männerbund germaniques et d’un tribalisme pré-moderne. Sa figure, souvent décrite comme un Conan le Barbare adapté à la culture américaine contemporaine, est citée comme une influence par Chuck Palahniuk, l’auteur de Fight Club.

Proche un temps de l’Alt-Right, notamment par son lien avec Milo Yiannopoulos, Donovan s’en est publiquement éloigné à partir de 2018, considérant ce courant comme marginalisé par la montée du mouvement Dark MAGA. Son influence persiste toutefois dans la Nouvelle Droite européenne et, en particulier, dans la mouvance néo-réactionnaire fascinée par son néo-paganisme viriliste.

Sources

«  Violence is Golden  », Masculine Philosophy, 11 septembre 2010.

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«  No Man’s Land  », Masculine Philosophy, 8 août 2018.

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Interventions vidéos

Jack Donovan – Masculinity, individual responsibility, the heroic ideal, and more – Order of Man (YouTube)

Recapturing Heroic Masculinity – Jack Donovan – Full Interview – 21 Studios (YouTube)

Interview with Jack Donovan – Caffeine & Philosophy (YouTube)

Steve Sailer

Steve Sailer

Steve Sailer est sans doute l’une des voix qui permet de faire le lien entre la néoréaction et l’alt-right.

Écrivain, blogueur, ancien chroniqueur à la National Review, il a évolué d’un positionnement paléoconservateur vers des territoires marqués par le « réalisme racial » et l’idée de biodiversité humaine.

Fondateur du Human Biodiversity Institute, un groupe de droite radicale consacré à l’étude des différences ethniques et génétiques et de leur influence sur la culture et les sociétés, il a vu ses idées largement reprises sous forme de mèmes par les trolls des forums Reddit, 4chan, 8kun et même par les milieux néonazis de Stormfront.

Sailer est souvent décrit comme figure permettant de faire le pont entre la néoréaction et l’alt-right, notamment en raison de l’influence directe qu’il a exercée sur des figures de ce courant comme Richard B. Spencer. Il a également été qualifié de précurseur idéologique du trumpisme, notamment par sa fameuse « Sailer Strategy » : une ligne politique hyper-populiste centrée sur la reconquête de l’électorat blanc désaffilié, combinée à une communication numérique offensive et à une vision autoritaire et décisionniste du pouvoir.

Sources

Noticing  : An Essential Reader, 1973–2023, Passage Publishing, 2024.

«  Americans First  », The American Conservative, 13 février 2006.

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«  Banned by Free Republic  ?  », V-Dare archives, 3 janvier 2001.

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«  Boys will be Boys  », Claremont Review of Books, 2005. 

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Notre entretien avec les auteurs de l’Atlas est à retrouver ici